J’avais publié en octobre 2010 un compte rendu du livre édifiant du policier Philippe Pichon et du sociologue Frédéric Hocqueteau, consacré au fichier STIC, Une mémoire policière sale : 34 millions de citoyens fichés dans les colonnes du Grand Soir (http://www.legrandsoir.info/Philippe-Pichon-Frederic-Hocqueteau-Une-me...).
Un des anciens collaborateurs de Philippe Pichon, le brigadier-chef Thierry Vanek, va être révoqué de la police nationale pour avoir, lui aussi, dénoncé les dérives de la maison bleue.
C’est d’autant plus scandaleux qu’il n’a commis aucune infraction pénale - contrairement à Pichon, qui, en divulguant des données confidentielles, fiches Stic, même pour de nobles motifs, avait violé le "secret professionnel".
Contacté par mes soins et interrogé sur cet épisode de la vie policière à Coulommiers, le commandant de police Philippe Pichon, aujourd’hui âgé de 42 ans, « suspendu de fonctions à titre conservatoire » depuis le 15 décembre 2008 pour avoir dénoncé la pratique illégale d’un fichage généralisé (fichier Stic), malgré deux décisions de Justice favorables obtenues au Tribunal administratif de Melun et une ordonnance d’un juge d’instruction parisien l’autorisant à exercer pleinement ses fonctions de policier, observe :
« La manière d’exercer la police et la justice est un marqueur parfait d’une époque et d’un pays. Pour connaître l’état des moeurs d’une société, rien ne vaut les décisions disciplinaires (dans la police) et les arrêts de jurisprudence, révélateurs des seuils de tolérance d’une population à un moment donné de son histoire. Voilà pourquoi la police et la justice sont un terrain privilégié des politiques qui font là leur miel de tout « accident » capable d’émouvoir une opinion décidément bien malléable. Les faits divers, que jadis la presse qualifiait de « chiens écrasés », font la part belle aux cruelles aptitudes des humains. En période pré-électorale, le crime devient le filon idéal pour faire trembler les chaumières et prétendre apporter la solution au « mal ». C’est exactement le sens de la réforme de la police et de la justice qui se joue sous nos yeux ; une réforme qui renoue avec l’archaïsme de la seule sanction pénale et refait de la loi du talion la potion magique, censée apaiser les victimes des délinquants décrétés irrécupérables. Ce cercle vicieux, vieux comme la politique pseudo-vertueuse dénoncée par Michel Foucault, est remis au goût du jour : flatter les instincts de vengeance ne relève pas seulement du paternalisme de bas étage. C’est aussi un mépris de la conscience d’un peuple diminué par l’explosion de la peur. Nier la peur n’a guère plus de sens. Apprendre au contraire à la maîtriser est le seul moyen de vivre dans un monde réel, parfois sauvage. Inconvénient majeur : il faudrait dire la vérité. Le brigadier-chef Thierry V. n’a fait rien d’autre que cela : il a dit leur vérité à des chefs coupables d’avoir perdu tout repère éthique. Telle qu’elle agit aujourd’hui à son endroit - M. Thierry V. est renvoyé en conseil de discipline pour manquement grave à la loyauté, un comble !-, par des actes de harcèlement répétés, vexatoires et exorbitants, la hiérarchie policière semble guidée par des considérations étrangères à l’intérêt général, l’intérêt des citoyens. J’ai peu connu M. Thierry V lors de mon affectation à Coulommiers. Ce dont je suis sûr, en revanche, c’est qu’en réaffirmant ne pas souhaiter engager sa propre responsabilité, tant pénale qu’administrative, par le cautionnement de pratiques policières illégales qu’il a déjà eu à subir et qu’il a été amené à dénoncer « déloyalement », faute pour sa hiérarchie locale de s’en tenir au Droit, ce fonctionnaire républicain fait preuve d’une belle maturité démocratique qui force l’admiration et mérite le soutien ».