Mr le Président, Mesdames et Messieurs les députés,
Durant les dernières semaines, à travers la couverture du coup d’état au Honduras, nous avons observé avec peur, les niveaux d’autoritarisme que la presse brésilienne a atteints. Pendant que notre délégation parlementaire cherchait à Tegucigalpa la manière de contribuer au retour de la démocratie au Honduras, les médias nationaux jonglaient du mieux qu’ils le pouvaient afin de légitimer un gouvernement auto-proclamé à la suite d’un coup d’état et ignoraient totalement les innombrables violations des droits humains ainsi que les restrictions des droits civils pratiqués par le gouvernement de Micheletti. La presse nationale a été très silencieuse sur les fermetures et l’occupation de radios dans la capitale par l’armée.
En attendant, les chiffres en matière de violation de la liberté d’expression et de liberté de la presse sont très élevés. A Tegucigalpa, les stations Canal 36, Radio TV Maya et Radio Globo ont été saisies. La cabine de transmission de Radio Juticalpa à Olancho a été mise hors d’usage à coups de fusils. Radio Progreso a été fermée dans la ville de Progreso. Les chaînes Canal 26 ainsi que TV Atlantica ont reçu l’ordre des soldats de ne transmettre d’autres informations que celles du gouvernement putschiste. Même les journalistes sont menacés. Gabriel Fino Noriega, de Radio Estelar, a été assassiné dans les premiers mois qui ont suivi le coup d’état. Et ne parlons pas des agressions répétées dont ont été victimes les reporters de Telesur, la chaîne ayant réalisé la plus grande couverture sur le coup d’état, les interdictions et la répression des manifestations publiques de soutien au Président démis, Manuel Zelaya.
Malgré les nombreuses violations de la liberté d’expression au Honduras, la presse Brésilienne ne trouve pas la situation préoccupante. Et comme par hasard, elle ne semble pas l’être non plus pour la SIP, Société Interaméricaine de Presse, d’habitude la première à crier lorsqu’un état latino-américain procède à des changements dans les moyens de communication.
Ce fut la cas lorsque le Président Vénézuélien Hugo Chavez ne renouvela pas la concession de RCTV, ou bien lorsqu’en 2004 l’Assemblée nationale du Venezuela, approuva la Loi Resorte (Loi de Responsabilité Sociale des Radios et Télévisions) qui a comme objectif, de promouvoir la responsabilité des prestataires de services, des annonceurs, des producteurs nationaux indépendants, et des utilisateurs des services de communication, recherchant l’équilibre démocratique, la promotion de la justice sociale et la formation citoyenne.
Construite sur la base d’un vaste processus de participation populaire, qui a duré pendant plus d’un an avec des débats à travers tout le pays, la Loi Resorte a donné la priorité à la production locale et communautaire. Tout en soutenant les media populaires, elle a octroyé une pluralité de voix dans tous les média, a définit le fonctionnement des chaînes publiques en prévoyant les mécanismes de contrôle social, a régulé la propriété des média ainsi que leur contenu en redistribuant des contrôles de plages horaires pour les enfants, un temps imparti pour la publicité et a mis en place la prévision de transmission de programmes valorisant la culture nationale et la lecture critique des média.
Lorsqu’en Bolivie, le Président Evo Morales a approuvé un décret octroyant des espaces au sein des média de communication pour la libre opinion des journalistes et d’autres travailleurs en lien avec le secteur de la presse, les grands média ont hurlé au scandale. Ils ont estimé que c’était un gag que d’avoir à réserver 3 minutes quotidiennes à la radio et à la télévision pour accroître la pluralité et la diversité des idées et opinions dans les grands média de communication.
Ils protestèrent de la même manière contre le projet de la nouvelle Loi de Communication du Président Equatorien Rafael Correa, qui à la suite d’innombrables débats au Forum Equatorien de Communication, proposa la répartition égalitaire du spectre électromagnétique par lequel circulent les ondes de Radio et de télévision. La proposition étant de réserver 33% du spectre pour chacun des secteurs : public, privé et communautaire.
C’est aussi au nom de la défense de la pluralité de voix et de l’intérêt public que le parlement Uruguayen a approuvé un projet de loi sur les contenus numériques aussi bien à la télévision qu’à la radio ou au cinéma prévoyant un horaire pour la transmission de contenus déterminés. C’est ce même parlement qui a créé en même temps, la figure du médiateur public, un lien direct entre le citoyen téléspectateur et l’entreprise de communication. Une des tâches du médiateur par exemple sera de s’occuper des plaintes au niveau national, ayant rapport avec les programmes à destination des enfants ou encore des plaintes des écrivains et artistes dont la liberté est menacée. Cette fois, la presse brésilienne est restée silencieuse à propos de cette importante initiative dans ce pays voisin.
La dernière à avoir payé le prix des attaques de la grande presse et accusée de violation de la liberté d’expression a été la Présidente Argentine Cristian Kirchner. La nouvelle Loi de Services de Communication Audiovisuel, après avoir été débattue en séances publiques et que des suggestions de la part de l’opposition y aient été ajoutées, a été adoptée par le Congrès, ayant pour résultat la transformation complète du monopole historique du groupe Clarin.
D’après le texte, aucune entreprise ne pourra obtenir plus de 10 concessions de radio et de télévision (soit 14 de moins qu’actuellement) et celui qui possède une canal de télévision de signal ouvert, ne pourra dans la même localité, être le gérant d’une chaîne câblée. En fait, la loi s’attaque à la multi-propriété dans la diffusion des radios, interdisant les concentrations verticales et horizontales. L’audience sera aussi limitée, comme c’est le cas aux Etats-unis. Les zones couvertes par la totalité des chaînes d’une même entreprise ne peuvent dépasser les 35% des habitants de la dite région, pour éviter tout risque d’un autre type de monopole.
La loi se confronte en plus au problème de la production nationale, établissant des quotas minimum pour des programmes produits dans le pays, mais aussi pour la production indépendante qui gagne ainsi une réserve de 30% de la grille de programmation de chaînes hébergées dans des villes de plus de 1,5 millions d’habitants.
Même la question du monopole de la transmission des championnats de football - tellement fréquente au Brésil - a été abordée. Un des articles garantit le droit à l’accès universel des contenus informatifs d’intérêt important et d’événements sportifs. Enfin, elle met en place la réalisation d’audiences publiques afin de déterminer l’élargissement des concessions de radio et de télévision.
Ainsi, comme dans bon nombre de pays d’Amérique Latine, l’état Argentin a pris les mesures nécessaires pour démocratiser les moyens de communication, en garantissant les mécanismes qui permettent une liberté d’expression de secteurs jadis exclus de la sphère publique médiatique. Rapidement, la presse Brésilienne a attaqué sur la présidente Cristina Kirchner, comme elle l’avait fait auparavant avec les autres présidents qui se sont attaqués au pouvoir intouchable des grands média de communication. Il s’agit d’un action préventive censée empêcher le vent de changement qui souhaite construire des média plus démocratiques sur notre continent, de souffler au Brésil.
La Conférence Nationale de Communication, prévue en Décembre, aura très certainement parmi ses principales revendications la nécessité de rompre avec le monopole des média et la défense de la liberté d’expression pour toutes et tous dans notre pays. Ce sera un espace où le citoyen lambda pourra exprimer ses souhaits dans le secteur de la communication, et d’après les résultats déjà réalisés par Brasil Adentro au niveau des municipalités, le désir de transformation dans le contrôle des média est énorme. A la différence du discours plaidé par les radios, et de ce que semble comprendre le Tribunal Suprême Fédéral, la communication, comme tout autre domaine, est demandeuse de régulation pour que la loi du plus fort, politiquement et économiquement cesse d’imposer son dictât.
Une partie des grands groupes du secteur des média se refuse à participer au débat public démocratique. Ils ont retiré leurs cadres de l’organisation de la Conférence et préfèrent continuer leur politique de toujours, à savoir, mener les débats dans les couloirs du Palais Présidentiel et du Congrès, faisant la sourde oreille aux réclamations, qui ne sont ni plus ni moins, que le résultat des services offerts par les chaînes de radio. Alors que notre presse attaque ceux qui prônent les changements concrets et permettent la démocratisation des média, elle reste silencieuse devant les violations de la liberté d’expression qui se passent au Honduras. Quelque chose ne colle pas ! Et la société brésilienne, pour ce qu’il apparaît, montre des signes qu’elle en a assez de rester assise, et muette. Qu’enfin viennent les transformations que le peuple brésilien attend depuis si longtemps !
Merci beaucoup.
Ivan Valente
Député Fédéral PSOL/SP (Brésil)
Traduction : Lazhari Abdeddaim, pour www.larevolutionvive.org.ve
http://www.larevolucionvive.org.ve/spip.php?article481&lang=fr