Hélas ! hélas ! En vain comme des chassieux
Qui marchent à tâtons et clignent les deux yeux,
Nous nous efforçons tous, pilotes sans boussole,
De lire dans les feux de la grande coupole
Vers quel noble avenir vogue le genre humain ;
...
Barbier, Satires, Le Dernier temple, 1865, p. 273.
Carnivorous slobbius : carnivore vulgaire
C’est le nom railleur « latinisé » d’un personnage de dessins animés. On dirait toutefois une dénomination d’un de requin de la finance, du pouvoir, ou des deux, Bref, tous ces ostrogoths qui régissent notre vie pour notre bien dans en oeuvrant dans la construction d’une quincaillerie à grande surface sur une boule ronde et bleue.
A chercher la signification du monde et sa direction, rien de mieux que les dessins animés qui n’ont rien à vendre, sauf de l’« entertainment ». On s’amuse, on rigole… mais à la fin, on ne rigole plus.
C’est sérieux les dessins animés.
Le Roadrunner
Coyote n’aura alors de cesse d’inventer des stratagèmes loufoques (du patin à réacteur à la catapulte géante) pour capturer son repas. Il verra ses idées se retourner les unes après les autres contre lui. Pétard mouillé, élastique capricieux ou enclume facétieuse, Coyote se fera prendre à chaque fois à son propre piège dans l’amusement du téléspectateur tandis que Bip Bip, farceur et malin, nous gratifie d’un panneau à l’humour grinçant pour commenter la situation avant de repartir en lâchant un « bip bip ! » provocateur. Bipbip et Coyotte
Toutes les discussions du monde se heurtent à une sorte de dessein animé de l’intérieur dont nous ne contrôlons pas vraiment les personnages. Nous vivons dans une schizophrénie à fragmentation continue dérivant de facteurs qui pourraient maintenant être représentés par un nombre infini comme le N-track Studio qui permet un nombre de pistes selon la capacité de l’ordinateur ainsi que de l’imagination du compositeur. A tel point que le programme lui-même, qui à ses débuts pouvait représenter une certaine réalité, dépasse aujourd’hui le « besoin », à cause même de ce N infini devenant inutile puis que l’on ne peut plus matérialiser cet infini… Un million de pistes sonores ne donneront pas une meilleure chanson
Et il en est ainsi dans la vie : on dépasse nos besoins, de sorte que l’illusion du pouvoir est représentée par un infini devenu obsolète par notre capacité à gérer la réalité. Et vivement enterré dans le mitraillage des produits de consommation qui est un prolongement de N. Nous nous sommes égarés dans un infini de non besoins : les gadgets illusionnistes ayant créé un écran sur les réels besoins : travail, famille, éducation, et paix, et toutes les nécessités d’un quotidien lui aussi brisé.
La guerre des prix mène à celle des mal pris…
Le Fight Club ACME
La fausse surabondance cache celle qui disparaît lentement. Si un bonne paire de pantoufles représentent le confort, celui de l’état mental - après avoir assouvis les besoins primaires - est le plus important.
L’activité humaine, avec sa multitude d’actions, d’interactions, en est rendue à un niveau où il est quasi impossible de créer une oeuvre commune : c’est le grand chaos, et la fin du monde est proche. Rien n’a besoin d’être détruit, car nous le sommes un peu tous de l’intérieur par un massacre continuel et invisible d’une race sous tension, vidée, en surmenage constant. On se rafistole aux antidépresseurs et autres produits de calfeutrage.
La lutte a plus d’importance que le résultat qui nécessite des sacrifices de la part de nos êtres bouffie de l’égo. . Et c’est pourquoi, comme dans « les grandes inventions » de la Cie ACME, nous en sommes à suivre des cours de boxe par correspondance, à enfermer 300 chansons dans une boîte minuscule. Chacun a ses outils, chacun a son garage, chacun est enclos dans son petit domaine clôturé…selon les règlements de la ville, de la province, de l’État en passant par une multitude de « services » tampons qui finissent par filtrer la vie et robotiser l’humain.
Ajoutez à cela la frilosité des ego attelés un orgueil de réacteur nucléaire, nous voilà forts et beaux dans son « soi », mais laids dans la grande solitude de la société.
Malgré nos cinéma maison, tout se ramène encore au bon vieux chandail de laine : il faut mailler et démailler pour cette oeuvre délicieusement anodine mais tellement pratique.
A l’heure où les moutons sont dans les champs, les grands projets vendent la laine - avec la grande hâte de tirer profit des bêêêêêtes. D’un côté, la société cultive la bête pour la laine, et dans cette fausse chaleur, nous sommes maintenant un peu perdus. A se demander si la fiction et la distance de nos rapports ne sont pas des illusions de mouvements que nous entretenons. Piétiner ne mène pas loin…
Ce qui fait l’affaire de la Cie ACME : elle ne vend que des gadgets. Et elle ne satisfait que les vendeurs de produits.
La société n’est plus pour l’Homme : elle est devenue celle de dirigeants rendus invisibles par le même procédé que la peinture de la Cie ACME : elle rend invisible.
Qui donc dirige le monde ? Et dans quel dessein ?
La liberté par une démocratie tartufe ?
On n’a jamais autant cultivé les petits rois et une noblesse décadente amorale, bien calée dans son fauteuil capitonné aux dollars. Car, en fait, tous les gadgets et armes vendues son inefficaces comme celles du célèbre dessin animé.
C’est tout de même assez surprenant qu’un dessin animé nous en apprenne autant sur la conduite humaine. Car à défauts d’idées pratiques et réelles, le Roadrunner finit par créer une stratégie basée sur des inventions saugrenues, par tricherie, par ambition, pour une proie qui réussit à le narger … avec des pancartes. Le Roadrunner achète ou fabriques ses outils et ses armes à partir d’une seule compagnie : : ACME
En fin de compte, pour faire « universitaire » dans le modèle, on peut en conclure que la science, la politique, sous toutes ses formes, est un vaste échec que nous entretenons. C’est la fascination d’un tour de magie mis à jour qui nous leurre. De surcroît, il a tous les moyens de se renouveler en apparence pour nous leurrer davantage.
Encore une fois étrange que la méthode scientifique qualifiée de « prudente » nous offre les produits les plus farfelus pour attraper la proie que nous sommes. En fait, la réponse est encore dans les dessins animés et dans sa compagnie bidon : ACME
L’univers ACME
A force de creuser, je me rends compte que cet univers de dessin animé est une représentation cachée d’une vérité bien profonde. C’est assez désarmant, je l’avoue. Quand on pense à tout l’argent investi dans des livres, si une image vaut mille mots, un dessin, une fois multiplié par 23,97 fps ( frames par seconde) vaut bien des images. Et ça bouge…
Sauf dans la vie, la réalité est en train de figer la planète dans un sable de maniérisme gras et pâteux qui entraînera la perte de cette merveilleuse espèce : la race humaine.
Et voyez la suite, ô combien démonstratrice des États et de ses goinfres à cravates, enfermés dans leur élitisme souillé , créant des INC ! INC ! à grande vitesse, égale à la stupidité de sa « philosophie » et de ses produits :
L’activité de la compagnie n’est jamais clairement définie, mais elle apparaît comme un conglomérat pouvant manufacturer n’importe quel produit et offrir n’importe quel service imaginable, et ce peu importe leur extravagance ou leur inutilité. L’acronyme de la compagnie signifierait American Company Making Everything (Compagnie Américaine Fabriquant Tout) ou, selon d’autres, A Company that Makes Everything (Une Compagnie qui Fait Tout), ou encore Another Company Making Everything. En anglais, acme signifie acmé, il s’agit donc de rétroacronymes. L’acmé désigne le point extrême d’une tension, d’un propos ou d’une situation. Appliqué à une civilisation, le terme évoque son apogée.
Les produits ACME
LA MACHINE A ADDITIONNER : si simples à utiliser que même les chiens peuvent calculer la raison pour laquelle les souris détestent le fromage et pourquoi les chats veulent que les chats les massacrent.
LE BOOMERANG : ils sont garantis de toujours être renvoyés au lanceur.
LE KIT D’EXPLOSIFS POUR JUNIORS : Démarrez votre carrière comme expert en démolition avec notre kit.
LA PEINTURE INVISIBLE : peinturez-vous vous-même avec la peinture invisible et rien - incluant les roadrunners - seront capable de vous voir. Le catalogue
Les règles
A première vue, elles sont stupides. Sauf qu’en avançant dans l’Histoire, on dirait qu’elles deviennent de plus en plus …plausibles. Il n’y a qu’une compagnie de production… C’est comme ça que probablement, les drapeaux américains sont fabriqués dans un pays asiatique. En affaires, il n’y a plus de pays, on le sait.
D’où cette vieille prise de conscience d’un astronaute américain à quelques minutes du décollage : « C’est un peu inquiétant de partir avec une machine de 50 millions de pièces toutes fabriquées par des soumissionnaires aux prix le plus bas possible »…
Selon les commentaires de Chuck Jones dans Chuck Amuck : The Life and Times Of An Animated Cartoonist, l’auteur a obéi à des règles simples mais strictes :
- Règle 1 : Bip Bip ne peut blesser Vil Coyote sauf en hurlant « Bip ! Bip ! »
- Règle 2 : Aucune force extérieure ne peut blesser le Coyote - si ce n’est sa propre incompétence ou les produits ACME.
- Règle 3 : Le Coyote pourrait s’arrêter à tout moment s’il n’était pas aussi fanatique. (Rappel : « Un fanatique est une personne qui redouble d’efforts en oubliant le but de sa poursuite » - George Santayana).
- Règle 4 : Jamais de dialogue, excepté le légendaire « Bip ! Bip ! » ou, à l’occasion, une inscription laconique sur une pancarte au moment même où Vil Coyote réalise qu’il court douloureusement à sa perte.
- Règle 5 : Bip Bip doit rester sur la route, pour la seule raison qu’il est un roadrunner.
- Règle 6 : Toute l’action doit se dérouler dans le milieu naturel des deux personnages, le désert du Sud-Ouest américain.
- Règle 7 : Tout outil, arme ou équipement mécanique doit provenir de la compagnie ACME Corporation.
- Règle 8 : Utiliser aussi souvent que possible la loi de la pesanteur comme ennemi numéro un du Coyote.
- Règle 9 : Le Coyote est toujours plus humilié que blessé lorsqu’il échoue.
- Règle 10 (non officielle) : Le Coyote doit toujours recueillir la sympathie du public.
- Règle 11 (vu dans l’encyclopédie des Looney Tunes) : Chaque cartoon de Bip Bip et Vil Coyote doit comporter 11 gags. Bipbip et Coyotte
Il ne reste plus de réponses à ces profiteurs, exceptées le Bip ! Bip ! Ni de dialogues. Comme dans la vie, il n’y en a pas dans cette bande dessinée. Il y a une légère progressions, les onze gags : nous étions à G8, nous sommes à G20. Le nombre de gags a tendance à enfler… on en a grandement besoin pour nous convaincre du sérieux d’une colonie de sans desseins qui nous fait vivre du 2012 à tous les coins d’an.
Comme dans le cartoon, pour nous protéger, s’il ne reste plus qu’ une compagnie pour nous approvisionner, NOUS N’AVONS PLUS LE CHOIX DU PRODUIT, ni de la manière de contrôler notre production.
Le procès : Coyote VS compagnie ACME Corporation
Voilà notre Coyote détruit, anéanti par son fanatisme et les mauvais produits de la Cie ACME. Il n’aura plus aucun recours que celle de la poursuivre en justice.
La répétition des coups le long d’un axe vertical a produit une série de plis réguliers horizontaux dans les tissus corporels de M. Coyote, mettant M. Coyote dans une condition rare et douloureuse, caractérisée par une suite d’élongations et de compressions verticales alternatives, lui faisant émettre à chaque pas une suite de fausses notes, telles celles produites par un accordéon désaccordé. La nature gênante et embarrassante de ces lésions a empêché M. Coyote de suivre une vie sociale normale.
Comme la Cour doit sans doute le savoir, le Défendeur a le quasi-monopole de fabrication et de vente de marchandises, nécessaires aux activités de M. Coyote. Nous affirmons que le Défendeur a fait usage d’une position dominante, au détriment du consommateur, quant à la vente de produits spécialisés tels que poil à gratter, cerfs-volants géants, pièges à tigres birmans, enclumes et longues bandes de caoutchouc de deux cents pied de long.
Comme il se méfie à présent des produits du Défendeur, M. Coyote n’a plus aucun autre fournisseur auprès duquel il puisse s’approvisionner. On peut seulement se demander ce que feraient dans une telle situation nos partenaires commerciaux en Europe de l’Ouest ou au Japon, alors qu’on permet à une société géante de transformer un client en victime, de la façon la plus insouciante et injustifiée, à maintes reprises.
M. Coyote demande avec respect que la Cour prenne en compte les implications économiques et fixe le montant des dommages et intérêts à dix-sept millions de dollars.
De plus, M. Coyote estime les dégâts réels (repas manqués, dépenses médicales, jours perdus dans ses activités professionnelles) à un million de dollars, les dégâts généraux (cruauté mentale, atteinte à sa réputation) à vingt millions de dollars, et les honoraires d’avocat à sept cents cinquante mille dollars.
Soit au total : trente huit millions sept cents cinquante mille dollars.
En attribuant à M. Coyote la totalité de la somme, la Cour blâmera ainsi le Défendeur, son Conseil d’administration, ses dirigeants, ses actionnaires, ses héritiers et l’assignera à réparation, en une langue qu’il comprendra, et réaffirmera alors le droit du prédateur individuel en le mettant sous la protection de la Loi. Coyote VS ACME
La Vidure, Gaëtan Pelletier