JERUSALEM, 31 mai (Reuters) - Des commandos de la marine israélienne ont pris d’assaut lundi matin la flottille transportant de l’aide humanitaire à destination de la bande de Gaza, faisant plus de dix morts dans les rangs des militants et menaçant Israël d’une nouvelle crise diplomatique internationale.
Cet assaut sanglant a aussitôt été dénoncé par la Turquie, qui a protesté contre une opération "inacceptable" et prévenu qu’Israël devrait en supporter les conséquences.
Le président de l’Autorité palestinnienne, Mahmoud Abbas, évincé de Gaza par le Hamas en 2007, a décrété trois jours de deuil dans les territoires palestiniens.
Les six bateaux de la flottille, qui avaient appareillé dimanche soir de Chypre, entendaient livrer 10.000 tonnes d’aide humanitaire aux 1,5 million de Gazaouis en brisant l’embargo naval mis en place par Israël le long du territoire palestinien.
L’armée israélienne, qui a affirmé que ses soldats avaient essuyé des coups de feu lors de l’arraisonnement, a déclaré que plus de dix activistes avaient été tués dans l’opération. La chaîne israélienne de télévision Channel 10 parle elle d’une quinzaine de morts.
"Des commandos de la marine ont pris le contrôle des six bateaux qui tentaient de violer l’embargo naval (...) Lors de l’arraisonnement, les soldats ont été confrontés à des violences physiques graves de la part des manifestants, qui les ont attaqués à coups de feu", précise le communiqué militaire.
Le ministre israélien du Commerce, Binyamin Ben-Eliezer, premier responsable israélien à avoir confirmé cette opération lundi matin, a exprimé "du regret pour toutes ces victimes".
OPÉRATION "INACCEPTABLE"
Selon les autorités israéliennes, qui parlent de quatre soldats blessés au moins, les commandos se sont heurtés à une vive résistance de membres de la flottille, armés d’armes à feu et de couteaux. "Au moment où quelqu’un tente de vous arracher votre arme, de voler vos armes, c’est là que vous commencez à perdre le contrôle", a expliqué Binyamin Ben-Eliezer.
Israël, qui a fermé les frontières de la bande de Gaza en 2007 lorsque le Hamas en a pris le contrôle, avait prévenu qu’il bloquerait le convoi formé par plusieurs organisations dont le Mouvement Gaza libre.
L’objet de cet embargo est d’empêcher que des armes soient livrées aux islamistes du Hamas qui contrôle le territoire côtier.
Mais cette effusion de sang anéantit les espoirs des autorités israéliennes d’éviter tout dérapage et risque d’amenuiser leur crédit diplomatique, notamment auprès de la Turquie, dont le drapeau ornait certains des bateaux.
A Ankara, le ministère des Affaires étrangères a dénoncé une opération "inacceptable". "Israël devra supporter les conséquences de ce comportement", a-t-il ajouté. L’ambassadeur d’Israël à Ankara a été convoqué.
Mark Regev, porte-parole du Premier ministre Benjamin Netanyahu, a déclaré pourtant que l’armée avait tout tenté pour éviter une confrontation violente.
"Au contraire, nous avons fait des offres répétées pour qu’ils dirigent les bateaux vers le port d’Ashdod d’où nous aurions garanti que la totalité de l’aide humanitaire serait acheminée vers la population de Gaza", a-t-il dit.
"Ce groupe a malheureusement opté pour la confrontation. Ils ont choisi la violence", a-t-il ajouté.
Du fait de la censure militaire israélienne et du brouillage des ondes, les informations sur l’assaut sont rares.
Greta Berlin, une des porte-parole du Mouvement Gaza libre à l’origine du convoi, a dit avoir été informée de dix décès par un avocat israélien. Elle-même n’a pu établir de liaison directe avec les navires.
"Comment l’armée israélienne peut-elle attaquer des civils de la sorte ?", a-t-elle dénoncé. "Pensent-ils, parce qu’ils peuvent attaquer des Palestiniens sans discernement, qu’ils peuvent attaquer qui ils veulent ?"
COMMANDOS HÉLIPORTÉS
Selon Mary Hugues Thompson, autre porte-parole du Mouvement Gaza libre, les commandos israéliens ont été héliportés à bord du navire turc de la flottille. Ce bateau, navire-amiral du convoi, transportait 600 passagers.
La flottille avait bravé les ordres israéliens en quittant dimanche soir les eaux internationales au large de Chypre où les bateaux mouillaient pour se rendre dans la bande de Gaza, à quelque 400 km de là .
Ce convoi a été organisé par des groupes pro-palestiniens et une organisation humanitaire turque. La Turquie avait exhorté Israël d’autoriser la livraison d’aide humanitaire et de matériel transportés à destination de la bande de Gaza.
Dimanche soir, des navires de la marine israélienne ont contacté par radio les militants et leur ont signifié que leur seule possibilité était de se rendre dans le port d’Ashdod pour y décharger leur cargaison, selon un responsable israélien. "La flottille a ignoré nos avertissements", a-t-il dit.
Israël exige que toute aide lui soit remise pour que son contenu soit examiné avant sa distribution dans la bande de Gaza par des canaux approuvés par les autorités israéliennes. Mais le blocus passe mal. Les Nations unies et les occidentaux ont exhorté les autorités israéliennes à alléger le dispositif de sécurité autour du territoire palestinien afin d’éviter une crise humanitaire.
(avec Jeffrey Heller à Jérusalem, Michele Kambas à Nicosie et Tulay Karadeniz à Ankara, Grégory Blachier et Henri-Pierre André pour le service français)
http://www.lesechos.fr/info/inter/reuters_00256374-assaut-israelien-sanglant-contre-la-flottille-pour-gaza.htm