Il serait assez difficile de censurer abusivement les journaux si ceux-ci bénéficiaient de soutiens d’ONG internationales mettant toutes leurs forces pour les défendre.
Voyons, à travers quelques communiqués de RSF, comment l’affaire de Euskaldunon Egunkaria a été traitée par une ONG que nous finançons avec nos euros qui se mêlent pour l’occasion avec des dollars d’officines écrans de la CIA.
Le 20 février 2003, RSF s’interrogeait : « sur l’opportunité de fermer des journaux » quand la justice ne s’est pas prononcée et ajoutait : « cette décision, […] nous paraît hâtive ».
RSF ne condamne pas, elle s’interroge sur une mesure qui n’est pas inadmissible, liberticide, mais « hâtive ».
Le 28 février 2003, l’ancien directeur du journal, Peio Zubiria, ayant tenté de se suicider, RSF « rappelle » (sic) « son opposition à la fermeture du journal en langue basque ». L’interrogation initiale est baptisée opposition (platonique).
Le 23 juillet 2003, RSF écrit : « Nous réitérons notre opposition à la fermeture, même provisoire, du journal Euskaldunon Egunkaria, alors que la justice ne s’est pas encore prononcée sur le fond de cette affaire. Cette mesure prive les lecteurs de leur droit à l’information[…]. Inquiets de l’utilisation de la notion de "mesure préventive" contre un média, nous demandons la réouverture de Egunkaria pendant toute la durée des procédures judiciaires ».
Puis, rien de concret. RSF est très occupée ailleurs, comme on va le voir.
Le 3 avril 2008 RSF réitère son « inquiétude quant à la fermeture du journal Euskaldunon Egunkaria » et demande au ministre de la Justice, « d’envisager la réouverture d’Egunkaria et le démarrage dans les plus bref délais du procès pour que la justice se prononce enfin sur le fond de cette affaire ».
L’interrogation initiale, devenue opposition à la fermeture s’est amollie au fil des ans en une demande polie d’« envisager » la réouverture du journal après démarrage d’un procès.Nous lisons bien que l’ONG demande un procès. Et pourquoi ?
Le 27 février 2009 Reporters sans frontières appelle « le mouvement terroriste Euskadi Ta Askatasuna (ETA) à suspendre ses attaques et les pressions exercées à l’encontre des médias ».
Extrait du rapport annuel 2004 de RSF.
Espagne - : « En 2003, l’organisation terroriste ETA a multiplié les menaces envers les médias tandis que, pour sa part, la lutte contre le terrorisme a eu des conséquences sur la liberté de la presse au Pays basque. […]
Parallèlement, la lutte nécessaire contre le terrorisme a eu des incidences sur la liberté de la presse, avec la fermeture provisoire par "mesure préventive" du journal basque Euskaldunon Egunkaria, dont les dirigeants sont soupçonnés de collaboration avec l’ETA… ».
Le contexte rendant la répression « nécessaire », RSF ne s’indignait pas dans son rapport annuel. (Extrait de « La face cachée de Reporters sans frontières » Ed. Aden).
L’année même où, sous le nez bitterrois de Ménard l’Espagne fermait un journal, quelles ont été les actions concrètes de RSF en France ?
Le 3 avril 2003 elle a occupé les locaux de l’Office de tourisme cubain à Paris.
le 29 septembre 2003, elle a organisé au théâtre du Rond- Point des Champs-Elysées, une soirée anti-cubaine présidée par l’écrivain Jorge Semprun.
Le rapport RSF 2008 sur l’Espagne ne souffle plus mot de la fermeture d’Euskaldunon Egunkaria.
Quant au rapport 2007, en voici un extrait laconique : « Par ailleurs, le 14 décembre, le ministère public a considéré que les poursuites à l’encontre du journal Egunkaria, engagées par le juge Del Olmo n’étaient pas fondées ». Ce constat n’est pas suivi d’une expression d’indignation ni de projet d’action de RSF.
Il faut dire que cette année-là , au Venezuela, le service de contrôle de l’audiovisuel venait d’accorder à une chaîne putschiste (RCTV, Radio Télévision Caracas), le droit de continuer à émettre par câble, satellite et Internet, mais plus par la voie hertzienne, le contrat octroyé 20 ans plus tôt arrivant à expiration, ce qui était l’occasion de récupérer la fréquence pour une nouvelle télévision éducative et populaire.
Robert Ménard, patron de RSF, s’engagea avec fougue contre cette mesure aux côtés de Marcel Granier, milliardaire vénézuélien propriétaire, entre autres biens, de RCTV. Il l’introduisit au parlement européen, le promena dans Paris et se rendit même à Caracas pour y donner une conférence de presse à l’hôtel Hilton en mai 2007.
Ménard n’ayant pas le don d’ubiquité et ses journées ne comptant que 24 heures, il ne pouvait à la fois se battre outre-atlantique pour défendre une télévision putschiste à qui il ne fut jamais interdit d’émettre, et à Madrid pour protester contre la fermeture d’un journal dont il apparaît aujourd’hui qu’il n’avait rien commis d’illégal.