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L’aliénation linguistique (3)

Un peu de français tel qu’on le parle chez les bobos.

Le terme « bobo » est étatsunien, forcément étatsunien, comme aurait dit Duras. C’est la contraction de " bourgeois bohemian " (bourgeois, en anglais, se disant "bourgeois " ), popularisé par le livre d’un journaliste de la côte Est : Les Bobos au paradis, la nouvelle bourgeoisie (Bobos in Paradise, the new Upper Class). Mais si on voulait se la jouer franchouillard, on pourrait dire que, en fait l’inventeur de cette expression n’est autre que Maupassant qui, dans Bel-Ami, évoque « cette petite bourgeoisie bohème et bon enfant ». Comme pour chaque expression qu’il forgeait, Maupassant n’a rien laissé au hasard : il n’y a que deux occurrences du mot "bourgeoise " dans son texte. D’une manière générale, l’auteur d’Une vie était toujours un peu en peine lorsqu’il s’agissait de parler de la bourgeoisie. Il en dépeignait bien des travers, mais prenait son rôle dominant dans la société comme un fait acquis.

Pour ce qui est de David Brooks, l’auteur de Bobos in Paradise, il entendait qualifier sous ce vocable cette frange de la société qui avait succédé aux Yuppies (Young Urban Professional, jeunes citadins membres des professions libérales), tels qu’on a pu les rencontrer sous Reagan et que, par exemple, Oliver Stone a fort bien mis en scène dans Wall Street.

Le paradoxe avec bobo, c’est que ce terme est peu usité outre-Manche et outre-Atlantique. Son équivalent anglo-américain serait plutôt " hipster " , qui désignait dans les années 1940 les Blancs décontractés, calmes, gentils (" cool " ) qui faisaient semblant d’adopter le mode de vie, les pratiques socioculturelles des Noirs adeptes de la culture jazz, be-bop. Le modèle hipster par excellence étant alors Charlie Parker. Ce vocable s’affadissant dans les années soixante, devenant péjoratif, il fut remplacé par " hippie " avant de retrouver de la vigueur, il y a une dizaine d’années.

Les chroniqueurs de Canal+ parlent bobo. Ils n’ont pas leur pareil (voir les djeuns qui entourent Denisot dans son journal) pour asséner qu’un film est « juste incroyable ». A proprement parler, ce type de notation ne signifie strictement rien. Elle fait se retourner dans sa tombe Louis Prima (" I’m just a Gigolo " ), mais ne renseigne pas du tout sur la qualité du film (ou sa nullité), sur son intérêt quant au syntagme et au paradigme, sur le scénario, les acteurs, la mise en scène etc. L’expression nous dit qu’on ne peut pas y croire (et si on y croyait, ça changerait quoi ?), mais « juste ». Si l’appréciation est banale (« Ben Hur, c’est juste incroyable »), elle signifie moins que ce qu’elle dit, mais si l’appréciation est originale (« Accords et désaccords, c’est juste incroyable »), elle dit moins que ce qu’elle signifie.

Quant à une phrase comme « si vous prenez cette drogue, vous êtes juste un peu morts »), elle a du mal à nous faire sortir de l’auberge.

En résumé, le bobo parle vite et mal. Il utilise des expressions qu’on ne peut pas (lui) retourner : essayez, sur le même registre, de dire le contraire de : « Ben Hur, c’est juste incroyable ». Le consensus règne en maître. Nous sommes sauvés.

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