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Honduras : Elections sous observation… libérale

Etre doté d’un prix Nobel de la paix, n’empêche pas le locataire de la Maison blanche de poursuivre l’ascension guerrière de son administration. Après avoir annoncé l’installation de sept bases militaires états-uniennes en territoire colombien, Barack Obama soutient ouvertement les putschistes au pouvoir au Honduras par sa reconnaissance des élections tout en optant pour l’envoi de 30.000 soldats supplémentaires pour une guerre sans fin en Afghanistan. Le budget militaire états-unien ne cesse de croître (il a plus que doublé depuis 2001) pour atteindre les 680 milliards de dollars prévisionnels en 2010 sans compter les quelque 30 milliards de dollars supplémentaires pour le nouvel envoi de troupes en Afghanistan. Les dépenses mensuelles des Etats-Unis pour la guerre en Irak et en Afghanistan qui égalaient le budget annuel des Nations unies (16 milliards de dollars) vont ainsi le dépasser…

Le fait qu’une manifestation pacifique soit sévèrement réprimée à San Pedro Sula, deuxième ville du pays, le 29 novembre, jour du scrutin - on compte des dizaines de blessés dont un journaliste de l’agence Reuters qui a été hospitalisé - n’empêche pas les Etats-Unis par la voix du porte-parole du département d’Etat, Ian Kelly, de voir dans ces élections illégales et entachées de fraude « un important pas en avant » |1| » vers la « démocratie ». Quelques jours plus tard, le mercredi 2 décembre, à ngel Salgado, 32 ans, est décédé des conséquences d’un tir dans la tête et du fait que l’armée l’ait retenu plus d’une heure avant qu’il puisse être transféré à l’hôpital. Cette mort s’ajoute à la longue liste des crimes commis par la dictature depuis le coup d’Etat du 28 juin 2009 : 21 personnes assassinées, 133 cas de tortures, 1987 détentions illégales…

Après le concept de « guerre préventive », voici venu le temps du « coup d’Etat préventif »

« Notre préoccupation est que (les Etats-uniens) introduisent la thèse du coup d’Etat préventif en Amérique latine. (…) Je déplore certaines positions idéologiques de la diplomatie états-unienne. La politique extérieure des Etats-Unis peut être qualifiée de tout sauf d’amateurisme, et le temps de la crise au Honduras est en train de s’épuiser |2| ». Les paroles de Marco Aurelio Garcà­a, conseiller aux Affaires extérieures du président Lula da Silva, le 26 novembre 2009, en disent long sur la fracture diplomatique au niveau continental créée par l’affaire des élections au Honduras. Avant les élections, Obama avait envoyé une lettre au Brésil, le prévenant qu’il reconnaîtrait le gagnant du scrutin comme président « légitime » et suggérant au Brésil d’en faire autant. La pression états-unienne n’aura, du moins pour le moment, pas été suivie d’effet. Le Brésil restera inflexible. La division des pays latino-américains s’est confirmée lors du XIXe sommet ibéro américain qui s’est conclu le 1er décembre à Estoril, au Portugal. Le « groupe des 4 » (Costa Rica, Colombie, Pérou et Panama) s’est affronté aux dix-huit autres pays du sommet qui se refusent à reconnaître ces élections. La présidente argentine, Cristina Fernández de Kirchner, qualifiant ces élections "de parodie et de simulacre démocratique" , s’associe au Brésil et aux pays de l’ALBA (Venezuela, Cuba, Bolivie, Equateur, Nicaragua…) dans le rejet de toute légitimation du processus électoral.

Impartialité des médias devant les fraudes ?

Les médias ne réagissent pas toujours de la même manière suivant les fraudes électorales. En 2000 aux Etats-Unis (la fraude avait permis l’élection de Bush face à Al Gore) ou au Mexique en 2006, ils n’avaient pas soulevé l’irrégularité dans les mêmes proportions qu’en Iran par exemple. De la même manière, la volonté affichée du président colombien à briguer un troisième mandat après avoir modifié la Constitution, ne soulève pas la même indignation que pour la réélection de Hugo Chávez au Venezuela. Les Constitutions cadenassées, comme celle du Honduras, à un mandat présidentiel de quatre ans non-renouvelable, permettent l’alternance par un bipartisme néolibéral qui ne change en rien le système. En 2009, pour les élections au Honduras, les médias préfèreront titrer sur le « gagnant » de l’élection plutôt que sur le caractère frauduleux et illégal d’un scrutin organisé dans un pays en état de siège. Ainsi, El Pais titre « Porfirio Lobo, l’homme du changement |3| » tout en avançant des chiffres d’abstention totalement contestés et non avérés. Pepe Lobo, bien que vainqueur d’un scrutin désapprouvé par la quasi-totalité des Etats, a rempli les pages de nos quotidiens en tant que « vainqueur », lui rendant ainsi une certaine légitimité.

Observateurs juges et parties, la farce est servie

Ainsi, le Costa Rica, la Colombie, le Pérou et le Panama emmené par les Etats-Unis ont reconnu et donc légitimé le "nouveau gouvernement" de Porfirio Lobo qui doit prendre ses fonctions le 27 janvier 2010, date à laquelle prend fin le mandat de Manuel Zelaya. Dans ce contexte, la reconnaissance des élections est un acte politique fort. En effet, mis à part ces quelques pays inféodés à Washington, ni l’Organisation des Etats Américain (OEA), ni les pays de l’ALBA |4| n’ont reconnu ce scrutin. Aucun observateur des Nations unies, de l’OEA, de l’Union Européenne (même si il y avait des « observateurs » du PPE, ils n’étaient pas présents au nom de l’U.E) ni du Centre Carter, habituellement habilité à ce genre de missions n’ont daigné être présents.

La liste des « observateurs » présents au Honduras pour les élections est d’ailleurs riche d’enseignements, elle représente une extrême droite prête à tout. On y trouve entre autre, le groupe fascisant Uno América, trois députés du Parti Populaire espagnol (PP), l’eurodéputé Carlos Iturgaiz du même groupe, le réseau "Red Latinoamericana y del Caribe para la Libertad |5|" , financé par la NED connue pour son soutien à la mafia anti-cubaine de Miami, de même que la Fondation privée FAES de José Marà­a Aznar. En manque de légitimité, le régime putschiste a cherché à recruter des observateurs, à travers la Cohep (Consejo Hondureño de la Empresa Privada), équivalent au Medef français. A l’étude de cette longue liste, il semble difficile de trouver des observateurs hostiles à Micheletti. Hagamos Democracia est une organisation qui, contrairement à son nom, promeut sous l’égide du Département d’Etat étatsunien, l’infiltration « dans les processus électoraux des pays qui contredisent la politique états-unienne en Amérique Latine |6| » . Comment expliquer la différence d’appréciation de la participation entre le TSE qui l’estime à 61%, Hagamos Democracia qui en voit 47 % et le Comité pour la Défense des Droits Humains au Honduras (CODEH) qui estime à 22 % le nombre de votants ?

Quoi qu’il en soit, l’ambassadeur états-unien, Hugo Llorens, a félicité Lobo en définissant sa victoire comme « un grand triomphe pour la démocratie », « Pepe Lobo est un homme de grande expérience politique… Je lui souhaite bonne chance et les Etats-Unis travailleront avec lui pour le bien de nos deux pays… Nos relations seront très fortes |7|. » dira t-il. Le nouveau responsable pour l’Amérique latine du département d’Etat, Arturo Valenzuela parlait lui aussi de « pas significatif pour le retour du Honduras vers la démocratie et l’ordre constitutionnel… |8| » . Inutile de s’attarder sur le point de vue des Etats-Unis, il est on ne peut plus clair.

Et comme pour clore l’affaire, le Congrès qui a voté mercredi 2 décembre contre le retour de Zelaya à la présidence (à 111 voix contre 14), : cela confirme donc la position de ce même congrès émise le jour du coup d’Etat avec les mêmes protagonistes. La résistance du peuple n’entend pas en rester là et voyant le retour du président légitime improbable, appelle aussitôt à la lutte pour une assemblée constituante. Le Panama se lamente de la décision du Parlement Latino-américain (Parlatino) qui vient de suspendre (avec 103 votes pour, 7 contres et 3 abstentions) le Congrès du Honduras pour avoir voté contre la restitution du président Manuel Zelaya.

Le nouveau gouvernement de Porfirio Lobo qui ne cesse de clamer au « dialogue » devra prendre en compte une résistance qui ne faiblit pas et faire avec la non-reconnaissance de la quasi-totalité des gouvernements du monde. En attendant, Micheletti est revenu à son poste de dictateur qu’il avait temporairement laissé en suspens (du 25 novembre au 2 décembre), le temps de faire avaliser les élections par un maximum de pays. Le dictateur fait des adeptes et les partisans de « démocratie » imposée au forceps par des coups d’Etat militaires se réjouiront de la nomination début novembre de Roberto Micheletti, comme vice-président de l’Internationale Libérale. L’Internationale Libérale, crée en 1947 et ayant son siège à Londres regroupe des organisations libérales de plus de 80 pays. Son président, le Hollandais Hans van Baalen, par ailleurs député au Parlement européen, explique que cette décision a été prise lors du 56ème Congrès de son organisation qui s’est tenu au Caire fin octobre et que cette nomination permettra à Micheletti « après avoir été président du Honduras », la possibilité « d’avoir une plus grande participation, plus active dans l’Internationale Libérale. » « Nous croyons qu’il peut rapprocher le libéralisme de l’Amérique centrale au monde et qu’il peut renforcer la démocratie de la région |9| ». Cette organisation n’a bien sûr pas omis d’envoyer des observateurs valider les élections. En toute neutralité, vous vous en douterez…

Jérome Duval
www.cadtm.org/Honduras-Elections-sous

notes articles :

|1| EE.UU reconoce a Lobo como nuevo presidente du Honduras" , El Paà­s, 30.11.2009. Lire aussi Arturo Valenzuela : "…the election is a significant step in Honduras’s return to the democratic and constitutional order after the 28 June coup…"
http://www.state.gov/p/wha/rls/rm/2009/132777.htm

|2| "Nuestra preocupación es que (los estadounidenses) introduzcan la tesis del golpe preventivo en América Latina", afirmó el asesor especial del presidente Luiz Lula da Silva en asuntos exteriores, Marco Aurelio Garcà­a. "Lamento cierta posición ideológica de la diplomacia estadounidense. La polà­tica externa de Estados Unidos puede ser llamada de cualquier cosa, menos de amateur, y el tiempo de la crisis en Honduras se está agotando", dijo Garcà­a a periodistas, en el marco de la cumbre en Manaos sobre el cambio climático global de los paà­ses amazónicos.
http://www.ansa.it/ansalatina/notizie/rubriche/amlat/20091126231934988132.html

|3| "Porfirio Lobo, el hombre del cambio" , El Paà­s, 1er décembre 2009.

|4| L’Alternative bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA, qui signifie « aube » en espagnol) a été créée à l’initiative du Venezuela en opposition à l’ALCA qui promeut la concurrence par le libre-échange. L’Alliance est fondée sur des principes de coopération et de complémentarité prenant en compte les asymétries entre les pays
membres. M. Manuel Zelaya, avait signé en août 2008 le document d’adhésion à l’ALBA.

|5| Voir leur site web : http://www.democracialatinoamerica.org

|6| Lire Giorgio Trucchi, Quels que soient les résultats ne les croyez pas !

|7| El Paà­s, 1er décembre 2009.

|8| Lire les declaration de Arturo Valenzuela : "…the election is a significant step in Honduras’s return to the democratic and constitutional order after the 28 June coup…"
http://www.state.gov/p/wha/rls/rm/2009/132777.htm

|9| En ese sentido comentó que el nombramiento de vicepresidente le permitirá a Micheletti "luego de ser presidente de Honduras", la posibilidad "de tener una mayor participación, más activa, en la Internacional Liberal".Creemos que él puede acercar el liberalismo de Centroamérica al mundo y que puede fortalecer la democracia de la región". http://www.elheraldo.hn/Ediciones/2... http://www.liberal-international.or...

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Michel Diard
Que restera-t-il du quinquennat de Nicolas Sarkozy, le président omniprésent dans tous les médias ? Cet ouvrage dresse un inventaire sans concession des faits et méfaits de celui qui se présentait comme l’ami de tous les patrons de presse et a fini par nommer les présidents des chaînes de l’audiovisuel public. Le "sarkozysme" a largement reposé sur un système de communication proche de la propagande, digne des régimes les plus autocratiques, à la limite de l’autoritarisme. Le système (…)
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