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Les ravages de la LRU (suite)

Je poursuis ma lecture, toujours aussi passionnante de L’université et la recherche en colère par les interventions de Christophe Mileschi (Réforme du statut des enseignants-chercheurs : une période de glaciation intellectuelle commence) et de Daniel Mortier sur la " réforme " du CNU. Le premier est italianiste, le second, spécialiste de littérature comparée.

« Irréformable, l’Université ?
Depuis des années, les réformes tombent sur l’Université, qui l’ont précarisée, qui ont alourdi les tâches des enseignants, des enseignants-chercheurs, des administratifs, qui ont induit un rythme anxiogène chez les étudiants comme chez les personnels. Depuis des années, les enseignants-chercheurs, les personnels administratifs, les étudiants de l’Université ont vu leurs conditions de travail, de salaire et de vie se dégrader.

Tous les deux ans, une nouvelle réforme est venue défaire ce qui venait d’être fait, ou empêcher qu’on ait le temps d’en vérifier sur le terrain les effets. Et à chaque fois, les universitaires ont dû travailler à moyens constants, c’est-à -dire sans que soit allouée la moindre dotation budgétaire supplémentaire. Cas exemplaire entre tous, la réforme dite LMD (Licence-Master-Doctorat) : pour mettre le système universitaire français en conformité avec la norme européenne, l’État a débloqué la somme considérable de… 0 €. Cependant qu’il exigeait que les diplômes intègrent désormais un enseignement d’informatique, un enseignement obligatoire de langue vivante… Les universitaires ont récriminé dans les couloirs, mais, pris au piège du loyalisme ou cédant au discours de la "modernisation nécessaire", ils ont essayé tout de même, sacrifiant une part des enseignements fondamentaux dans les nouveaux diplômes.

Le conformisme institutionnalisé

Dès les premières années de la mise en place du nouveau statut, une caste se constituera, une cour de "chercheurs de luxe" ; un corps de "chercheurs moyens" ; et la piétaille, la valetaille des "mauvais chercheurs", ceux qui enseigneront le plus…… Le tout chapeauté par une oligarchie d’administrateurs de l’Université - dont les premiers pourront faire partie - distribuant (et se répartissant) prébendes et avantages.

Ce projet de casse du statut, au nom de l’excellence, de la performance, de la concurrence, sert, en vérité, une conception profondément assise de ce qu’est la recherche. Est-ce par ignorance ? A entendre tel ou tel élu, ce n’est pas à exclure. Le Chef de l’État, quand il parle de la recherche, ne sait pas, à proprement parler, de quoi il parle. Est-ce par volonté de détruire le service public, de défaire un lieu privilégié où s’édifie la pensée, et notamment la pensée politique, toujours susceptible de contrarier l’hégémonie du discours dominant ? L’hypothèse n’est pas contradictoire avec la précédente. L’ignorance est un fléau politique, a fortiori quand elle affecte les plus hautes sphères de l’État. En tout cas, ignorants ou vandales, ces "réformateurs" sont des fossoyeurs.

La démolition du statut des enseignants-chercheurs aura entre autres pour conséquence une mise en concurrence illimitée des individus entre eux, la guerre de tous contre tous : chercheurs promus et bien en cour, enseignants-chercheurs autorisés ou tolérés, enseignants déclassés ; recherche au goût du jour et recherche sur la touche. Cela entraînera mécaniquement la destruction des liens de solidarité humaine et scientifique au sein de l’Université. Les effets en seront catastrophiques à tout point de vue, quant au dynamisme de la recherche et quant à la formation des étudiants. Ce sera le triomphe du chacun-pour-soi, là où (sans idéaliser la situation actuelle, loin s’en faut) la relative absence d’enjeux de pouvoir et d’argent permettait, jusqu’à présent, de travailler ensemble pour le savoir, non pour le profit à courte vue. La recherche a besoin, structurellement besoin de gratuité : c’est-à -dire de temps, de tâtonnements, de hasards, de phases d’hésitation. Einstein a travaillé 11 ans à étendre la théorie de la relativité restreinte à celle de la relativité générale. La recherche n’obéit pas, n’en déplaisent aux adeptes de la performance immédiate, aux rythmes de la Bourse, et vouloir la plier à l’idéologie du marché, de la concurrence et d’une excellence biaisée, c’est vouloir la détruire. Cela aussi, c’est une réalité. [On pourrait également évoquer le cas de l’astrophysicien Hubert Reeves. Après avoir déploré la concurrence imbécile que se faisaient au Canada les universités anglophones et francophones, Reeves décide à 32 ans de s’installer en Belgique, puis en France. Lorsqu’on lui demandait pourquoi il avait renoncé aux confortables salaires canadiens, il répondait qu’en France les chercheurs avaient du temps].

Se faire entendre

Depuis vingt ans, aucune des suggestions de réforme venant de la communauté universitaire n’est entendue. En 2004, les états généraux de la recherche ont donné lieu à des dizaines de propositions, émanant de ceux qui connaissent vraiment ce dont ils parlent. Résultat : rien. Et les motions et courriers innombrables envoyés ces derniers mois à Mme Pécresse par des conseils d’administration, des conseils d’UFR, des sections du Conseil National des Universités, des sociétés savantes ont donné le même résultat : rien. Ou plus exactement, ils ont donné ceci : Mme Pécresse propose de mettre en place une "charte de bonne conduite" pour l’application du décret. C’est un aveu formidable. Car s’il faut finalement prévoir une charte de bonne conduite, c’est bien que la mauvaise conduite est inhérente à ce projet, et que les universitaires ont raison de dénoncer la destruction de leur statut. C’est bien que c’est une mauvaise loi, ou plus justement : une loi mauvaise. »

Daniel Mortier décrit par le menu le fonctionnement du Conseil national des universités (CNU).

« Ce conseil a trois tâches d’évaluation annuelles :

- évaluation des dossiers de ceux qui souhaitent se porter candidats à un poste de maître de conférences ou de professeur ;

- évaluation des dossiers de ceux qui souhaitent une promotion ;

- évaluation des dossiers de ceux qui souhaitent un congé sabbatique [à noter qu’un universitaire français gagne, globalement, un tiers de moins qu’un universitaire britannique et qu’il bénéficie de cinq fois moins de congés sabbatiques que ce même collègue].

Chaque dossier est étudié par deux rapporteurs. […] Aussi incroyable que cela puisse paraître, il n’y a pas de lieux prévus par le ministère pour les réunions de section [certaines sections se réunissent dans des sous-sols aveugles d’annexes du ministère. C’est ainsi que la fine fleur de l’université française accepte d’être traitée…].

Désormais, le CNU devra évaluer régulièrement l’ensemble des activités de tous les enseignants-chercheurs [Pécresse, et tous ceux qui la soutiennent, savent que ce sera matériellement impossible, si bien que les évaluateurs s’en tiendront à des données informatiques, des critères farfelus. Les dossiers ne seront plus " étudiés " mais lus panoptiquement selon des modèles informatisés]. Une évaluation négative ou réservée, au lieu d’encourager une évolution positive des activités, pourra justifier une majoration des services d’enseignement.

Les classements du CNU en A,B et C serviront d’alibis aux conseils d’administration des université pour la distribution de primes, promotions, décharges ou surcharges de services.

Le rôle du CNU sera donc décrédibilisé. L’institution se retrouvera en état de crise. La LRU va donc saper la confiance des enseignants-chercheurs dans une instance nationale à laquelle ils accordaient collectivement leur adhésion et qui symbolisait également leurs principes de collégialité et d’évaluation véritablement scientifique. »

Avec Charles Soulié, on aborde un aspect fondamental de la politique sarkozyenne : le renforcement des « inégalités sociales dans l’enseignement supérieur ». Le sociologue éclaire son texte par une maxime latine trop peu connue : Scientia donum Dei est, unde vendi non potest (La science est un don de Dieu qui ne peut être transmis contre argent).

L’auteur déplore tout d’abord (après avoir malicieusement rappelé que, dans la première promotion de l’ENA, presque tous ses membres étaient affiliés à la CGT) que « nombre des anciens élèves de l’école d’administration, frottés aux recettes du Nouveau management public, se font les promoteurs zélés des réformes néolibérales. Et démolissent consciencieusement ce que d’autres hauts fonctionnaires, soucieux du service public et d’égalité entre les citoyens, avaient construit avant eux. »

Les inégalités dans l’enseignement supérieur commencent dès le plus jeune âge : « les enfants d’ouvriers non qualifiés ou d’inactifs sont majoritairement sans le baccalauréat (58,9%). » Ils manquent d’un vrai héritage culturel : « le français parlé à la maison, les pratiques culturelles, de lecture etc., sont plus en affinité avec ce qui est attendu à l’école » dans les classes favorisées qui, en outre, connaissent mieux le système scolaire et ses subtilités. 90% des enfants d’enseignants accèdent à l’enseignement supérieur, contre 33% pour les enfants d’ouvriers non qualifiés.
Les enfants des enfants du baby boom, originaires de milieux modestes se sont beaucoup plus retrouvés dans les IUT, en lettres et sciences humaines qu’en classes préparatoires ou en médecine. A Ulm, 77% des élèves sont enfants de cadres supérieurs ou de membres de professions libérales (81% à Science Po). L’histoire nous apprend d’ailleurs que les pauvres furent exclus des universités dès le Moyen-à‚ge, même à Padoue ou à Bologne, où l’on accueillait, symboliquement et gratuitement, UN étudiant pauvre par faculté.

Depuis longtemps, donc, « l’argent public va tout d’abord aux héritiers. » La politique sarkozyste vise à ce que l’université « revienne le moins cher possible à l’État. » Ce qui ne peut déboucher que sur une explosion des droits d’inscription. En tant que fille d’universitaire-entrepreneur et épouse d’un grand entrepreneur issu de Polytechnique (à lui aussi, le contribuable a grassement payé ses études, mais ne sombrons pas dans le poujadisme), Valérie Pécresse est en parfaite cohérence avec les pratiques et l’idéologie de sa classe.

L’université payante est bel et bien « le dernier pan de la modernisation universitaire libérale », comme l’expose Frédéric Neyrat dans son texte. Il rappelle que les socialistes (le maire de Poitiers Alain Claeys en tête - tiens, tiens, un ancien universitaire de Poitiers, tout comme Éric Esperet) sont globalement d’accord avec cette évolution. Le Parti socialiste trouve ses conseillers chez les admirateurs du système universitaire étatsunien : Philippe Aghion, Alain Trannoy, ou le brillant économiste Robert Gary-Bobo (devenu professeur de classe exceptionnelle quatre ans seulement après avoir été élu professeur, ce qui est rarissime).

La Conférence des présidents d’université, qui se considère comme la seule représentation légitime des universitaires, pense également que la gratuité (même relative) devrait être « remisée au magasin des illusions universitaires. » Du temps où ces présidents étaient étudiants, ces illusions n’existaient pas… Déjà , en 2001, la CPU posait le problème de la manière suivante : « Comme les autres services publics, l’enseignement supérieur a un coût pour la nation [il faut en effet payer - grassement, désormais, grâce à la LRU - les présidents d’université)] et n’a donc pas forcément vocation à être entièrement gratuit pour les usagers. Il faut sans doute réfléchir à une responsabilisation des étudiants [et des malades du cancer, et des élèves des écoles primaires…] à travers un lien financier plus fort [soyons concrets : how many dollars ?] avec leurs établissements, même si, en tout état de cause, la participation financière des étudiants doit rester largement inférieure au coût de ceux-ci. » Les membres de la CPU, qui voyagent beaucoup, savent forcément qu’au Portugal les universités publiques accueillent les meilleures étudiants, donc, globalement, des enfants des classes favorisées, tandis que les pauvres peuvent aller dans les universités privées payantes (ben voyons).
Afin de diviser pour mieux régner, Pécresse a eu l’habileté de différer l’augmentation des droits pour se concilier la bienveillance de l’UNEF, le syndicat étudiant qui, comme M. Jourdain, collabore sans le savoir avec le pouvoir. Le 11 juillet 2007, l’UNEF ne signa pas l’appel demandant l’abandon du projet de loi LRU, alors que même FO et l’UNSA le signaient. Ne parlons même pas de la Confédération étudiante, petite soeur de la CFDT qui, comme sa grande soeur, a bien collé au pouvoir pendant les luttes contre la LRU. Cela dit, le pli était déjà pris, puisque avant même le passage de la LRU plus d’un tiers des universités faisaient payer des droits de scolarité illégaux aux étudiants (jusqu’à 4500 euros par an). Lorsque l’on s’en tient à la légalité, les frais d’inscription ne sont pas gratuits : depuis 2001, ils ont augmenté de 27% pour les étudiants de licence et de 70% pour les étudiants en master. La vie étudiante a un coût, estimé, au bas mot, à 600 euros mensuels.

Comme le fait observer l’auteur, faire payer les étudiants (comme dans de nombreux pays d’Europe) reviendrait à exclure de l’enseignement supérieur tous les enfants des milieux modestes puisque aujourd’hui 40% d’étudiants boursiers ne payent pas de frais d’inscription.

La solution miracle est naturellement de faire de l’étudiant un débiteur en lui « facilitant » l’accès à l’emprunt (lorsqu’il a été élu, le président Obama venait de terminer de rembourser son emprunt estudiantin). Cette solution du prêt fut inventée en 1951, rappelle l’auteur, par Milton Friedman, l’économiste qui expliqua à Pinochet comment affamer les Chiliens. Le prêt aux étudiants sera conditionné par le choix des études : les banques hésiteront à prêter de l’argent à un étudiant voulant se lancer dans une exégèse de La Princesse de Clèces. En cas de crise financière soudaine, les prêts se tariront. Les prêts transformeront la relation étudiant-enseignant : le premier sera un client, le second un prestataire de services qui aura tout intérêt à choyer celui qui le paye.

On ne rappellera pas, car c’est trop facile, que, pendant la crise bancaire, l’État français a su trouver 40 milliards d’euros (le budget de l’enseignement supérieur est de 28 milliards d’euros) pour faire payer aux citoyens les crapuleries des établissements financiers. De nombreux universitaires pensent qu’en faisant payer les étudiants, demain, l’université de Mulhouse, ce sera Harvard. Les niais ! La droite et les intérêts qu’elle représente feront payer aux étudiants, non pas un meilleur cadre de vie pour eux-mêmes et leurs enseignants (les universitaires ont perdu 20% de pouvoir d’achat entre 1981 et 2004), mais le désengagement de l’État. Au moment où j’écris ces lignes, je sais par expérience qu’un universitaire sur deux n’a pas encore vraiment intériorisé le fait qu’il n’était plus un fonctionnaire d’État.

Qui dit conditions de vie des étudiants dit CROUS (Centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires) que le pouvoir veut naturellement privatiser (contribution de Philippe Selosse).

Sarkozy veut la casse sociale des personnels et se « débarrasser de tous les pauvres pour en finir avec l’université de masse. »

Le budget des CROUS est de deux milliards d’euros pour 2300000 étudiants (14000 foyers bénéficient de 500 millions d’euros au titre du bouclier fiscal).
Le plus redoutable dans ce que veut Sarkozy, prévient l’auteur, c’est « la suppression ou la " pondération " négative de critères fondamentalement sociaux, qui fondaient originellement la progressivité dans l’attribution des bourses. » Au passage, le critère handicap, qui concerne 2000 étudiants, disparaît, ainsi que celui de la situation monoparentale (85000 étudiants).

Pas de misérabilisme dit-on à droite. Le problème est que, selon l’Observatoire de la vie étudiante, « si les étudiants sont rarement très pauvres, c’est parce que les pauvres deviennent rarement étudiants. »

Il manque, selon l’auteur, 285000 logements pour les étudiants les plus démunis. Pendant ce temps, Devedjian (propriétaire du joli château de Courrensan dans le Gers) souhaite faire de la résidence d’Antony un petit Neuilly, pour étudiants favorisés, bien entendu.

De très nombreux étudiants sont obligés de cohabiter en colocation, « formule décriée pour sa promiscuité dans les pays communistes, mais qui, dans le libéralisme, devient gage d’apprentissage de vie en collectivité. » 95% des étudiants dont les parents gagnent le Smig sont en colocation. On trouve aussi des étudiants logés dans des conteneurs, so trendy !

Ce que souhaite Sarkozy dans le domaine de la vie sociale, c’est que les étudiants deviennent des consommateurs captifs. Pour cela, rien de tel que la carte à puce permettant d’être en relation avec une banque, avec la bibliothèque universitaire, et qui servira demain l’accès à certaines salles et pas à d’autres.

Aujourd’hui, rappelle l’auteur, les étudiants mangent peu (43% sautent le petit-déjeuner), ne bénéficient pas de soins corrects (46% de caries non soignées), 15% souffrent de troubles dépressifs. La tuberculose a réapparu en milieu estudiantin. Pour les aider, les étudiants peuvent compter sur une brigade d’assistants sociaux (1 pour 10000 étudiants).

Pour survivre, les étudiants courent les petits boulots, le but étant non plus de leur faire ramasser des melons mais de remplacer les personnels de service de catégorie C, comme cela se fait dans certains pays d’Europe. Avoir servi des frites au restau U pourrait d’ailleurs compter pour la validation des diplômes.

Quand ils ne seront pas remplacés par des étudiants, les personnels du CROUS seront de plus en plus contractualisés. Les notions de corps et de grades de la fonction publique laisseront la place à « une gestion des métiers permettant une gestion prévisionnelle des compétences. Au principe statutaire (une mission est définie par un statut, se substituera un principe de compétences (la mission sera définie pour un poste, indépendamment de toute garantie par le corps et le grade de la personne recrutée. » Naturellement, primes et salaires au mérite remplaceront les grilles indiciaires tellement archaïques. Rappelons que dans le système ante le grade était la propriété du fonctionnaire tandis que l’emploi était à la disposition de l’administration.

Peut-être parce qu’elle a fréquenté des écoles religieuses, Valérie Pécresse s’est permis, dans une interview au journal Métro (une grande publication indépendante de la publicité et du patronat), d’affirmer que ses intentions étaient « pures » (contribution de Julia Bodin).

Tellement pures qu’avec la LRU, la classe dirigeante s’est dotée d’une boîte à outils « pour mettre en place des réformes qui introduisent le licenciement dans la fonction publique, la transformation du statut de fonctionnaire en statut de droit privé, le clientélisme, la mise en concurrence des universités, des services et des personnels, tous facteurs qui mettront à mal les principes d’égalité et d’indépendance vis-à -vis du pouvoir politique, deux principes fondateurs de la fonction publique. »

Alors, vive la pratique de l’évaluation, dont la conséquence, à terme, en matière salariale, sera que 45% de la rémunération sera allouée sous forme de primes ! En contradiction, mais ce n’est pas grave, avec l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Imitons les pays anglo-saxons, on est sûr de ne pas avoir de mauvaises surprises : le Royaume-Uni, qui a fait le choix de recourir fortement à l’externalisation des services publics, est le pays où le coût global de fonctionnement des administrations publiques est le plus élevé. » Le privé n’est pas philanthropique et se fait payer grassement. Une université de mes connaissances, qui a courbé l’échine devant Sarkozy, a fait réaliser un audit par un cabinet privé pour la modique somme de 60000 euros, et pour apprendre ce qu’elle savait déjà . Des inspecteurs généraux en mission l’auraient fait pour pas un centime.

Henri Audier voit dans la politique sarkozyste de la recherche « l’apogée d’une vision utilitariste ». Sarkozy qui, du haut de sa science, a déclaré en 2006 qu’il fallait « quelques mois pour dilapider un bon système de recherche. » Où et quand ce petit homme a-t-il vu en France (ou en Europe) un système de recherche « dilapidé » ? Paroles verbales qui cachent une volonté idéologique de destruction d’une recherche qui fonctionne globalement de manière correcte.

Sarkozy survient après la politique calamiteuse en la matière de Chirac et de C. Haigneré (cette pauvre femme qui doit tout au service public français et qui, apparemment, ne s’est pas remise de ses vils agissements). En 2003, elle demande que la recherche s’adapte comme suit : « La révision des contrats d’objectifs avec les organismes sera l’occasion de mettre l’accent sur la structuration par projet de leur activité de recherche et l’utilisation de l’évaluation stratégique comme moyens d’orientation de leurs recherches. Le développement d’emploi contractuels permettra de faciliter des recrutements sur la base de projets et de réorienter les recherches vers des besoins prioritaires . » La cosmonaute Haigneré ou la servante du patronat.

Audier rappelle qu’en 2003 les crédits de paiement subissent une chute de 30%. De plus, en deux ans et demi, un « gigantesque transfert de fonds, de l’ordre de 800 à 900 millions, prélevé sur les organismes publics », est réalisé au profit du privé. Le budget 2004 prévoyait de créer zéro emploi d’enseignant-chercheur et de transformer en CDD 550 emplois de titulaires.

Après son échec aux régionales, nous dit Audier, le gouvernement céda sur les revendications immédiates et différa les réformes jusqu’à la tenue d’États généraux de la recherche.

En 2006, le gouvernement de de Villepin adopte le « Pacte de la recherche » malgré la forte opposition des intéressés. CE pacte « substituait au financement dans la durée des unités de recherche par leur ministère de tutelle, le financement par projet à court terme par l’Agence nationale pour la recherche avec l’explosion des personnels CDD. »

Décidant de « rompre avec les inhibitions de la droite française » (Laurent Joffrin), Sarkozy veut tout bêtement imposer le modèle libéral anglo-saxon, « en mettant l’accent sur la valorisation économique de la recherche vue au travers des intérêts des entreprises. »

La recherche par projet ne peut déboucher que sur la « disparition du concept de laboratoire, a fortiori celui d’Unité mixte de recherche (UMR).

En 2007, en pleines vacances, un coup de force visant à transférer tous les personnels du CNRS aux universités échoua par miracle. L’objectif de Pécresse est toujours, à court terme, la disparition du CNRS.

Pour 2009, la disparition de 900 emplois CNRS est prévue, concomitamment, dans l’université, au recrutement de personnels type second degré (dispensés d’obligation de recherche) et à l’utilisation massive d’heures supplémentaires.
« Troisième pays scientifique en 1970 », nous dit l’auteur, « 5e en 1985, 7e en 1995, la France est désormais à la 14e place mondiale pour la dépense intérieure de recherche et de développement par rapport au PIB. » Les chercheurs ne sont évidemment pas responsables de cette calamiteuse glissade. La France a pris un retard décisif en 1993 quand la droite revint au pouvoir et que Sarkozy était Secrétaire d’État au budget. Après une légère embellie jospinienne, ce fut la rechute de 2002 avec Sarkozy ministre des finances.

Pécresse fait miroiter des financements privés. Balivernes ! Le secteur privé français investit trois fois moins dans la recherche que son équivalent japonais. En revanche, la France est en tête pour les aides de l’État à la recherche privée.

Le Crédit impôt recherche, selon le députe de droite Gilles Carrez, vont surtout aux banques et aux compagnies d’assurances et sont « d’une efficacité probablement à peu près nulle. »

La tâche est rude car à l’exception de Libération et de L’Humanité, tous les médias, à la botte de Sarkozy, expliquent que le budget de la recherche est en expansion constante. En 2003, L’Express (pauvre Françoise Giroud !) a même publié comme scoop « des extraits orduriers du rapport de la Cour des Comptes, qui se sont révélés être des faux. »

Le fameux discours insultant de Sarkozy devant les chercheurs vient de la corbeille à papier d’A. Perez, un hystérique anti-CNRS.

Jacques Attali (conscience de nombreux socialistes) est globalement sur les mêmes bases que Sarkozy, son concitoyen de Neuilly. Les membres de la droite caviar ne se font jamais beaucoup de mal.

Pour l’auteur, il manque 60000 emplois de scientifiques, ce qui explique que la France ne forme que 10000 docteurs par an, contre 15000 en Grande Bretagne et 25000 en Allemagne.

Remettre la France à niveau coûterait un dixième du paquet fiscal ou 66% de la baisse de la TVA pour les restaurateurs. Malheureusement, le restaurateur Daguin compte plus que les chercheurs.

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