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Main basse sur l’école publique

Pas de chèque éducation pour le privé

NON AU CHEQUE EDUCATION

Intervenez auprès de vos députés pour qu’ils :

- votent contre la loi Carle inscrite le 28 septembre 2009

- déposent un recours constitutionnel si cette loi est adoptée [1]

Le 28 septembre 2009, une proposition de loi dite Carle « tendant à garantir la parité entre les écoles publiques et privées sous contrat d’association lorsqu’elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence » [2] sera soumise au vote de l’Assemblée Nationale. Les Parti de gauche défendent le service public, celui de la santé, en particulier, assuré par les hôpitaux publics, mais restent toujours aussi muets dans le débat public-privé de l’éducation.

Peut-on défendre ici la seule légitimité du service public pour préserver avec raison, le droit à la santé et occulter dans le même temps, le droit à l’éducation, en omettant de signaler les méfaits analogues du dualisme scolaire ? Mais, il faudrait aussi évoquer, pour l’éducation, le vivre ensemble et la formation du citoyen en devenir.

Pour défendre l’hôpital public, Le 2 juillet 2009, le Parti Socialiste publiait le communiqué suivant :

« Depuis quelque temps, les Français peuvent voir et entendre sur différents médias de la publicité comparative entre les soins prodigués à l’hôpital public et ceux délivrés par les cliniques privées, en faveur de ces dernières. On ne peut pas dignement comparer le fonctionnement et les objectifs de santé publique d’un hôpital public avec les objectifs d’un établissement à but lucratif.

Le Parti socialiste proteste contre le caractère fallacieux de ces comparaisons dont le seul objectif semble être le dénigrement de l’hôpital public.

Au cours de ces dernières années, l’hôpital public a engagé un important travail de rationalisation budgétaire. Le Parti socialiste insiste sur le fait que les coûts entre l’hôpital public et les établissements privés ne recouvrent pas les mêmes réalités. La recherche, la prévention, les urgences, la formation, sont la spécificité des missions de l’hôpital public. Les hôpitaux publics ne choisissent ni leurs patients ni les pathologies qu’ils traitent. C’est la raison pour laquelle le Parti socialiste réaffirme sa volonté de voir supprimée définitivement la convergence tarifaire hôpital public / cliniques privées. »

On pourrait écrire la même chose pour l’éducation. Pourquoi l’opposition ne le fait pas ?

Il est manifeste, comme on le voit dans le débat actuel sur la couverture santé menée par Barack Obama, que la concurrence public-privé engendre des surcoûts. Les dépenses de santé représentent aux Etats-Unis 16% du PIB, alors qu’au moins 20% de la population n’ont aucune protection sociale, contrairement à la France où la couverture santé pour tous les citoyens ne représente que 11% du PIB.

Le concept de « parité » entre école publique ou privée inscrit pour la première fois dans la loi n’a aucun fondement juridique.[3]Pourquoi défend-on alors pour le privé, dans l’Education, une soi-disant « PARITE » qui n’a aucun fondement juridique et qui participe de fait au démantèlement du service public ?

Forme de chèque éducation, cette nouvelle concession faite au privé, institue une obligation de financement sans accord préalable de la commune de résidence. Pour le service public, un accord préalable de la commune de résidence doit répondre à des critères dérogatoires définis. Pour le privé on oblige, sans autorisation préalable, les mêmes communes de résidence à prendre en charge les exigences des parents qui refusent le service public et scolarisent leurs enfants dans le privé hors commune. Les tenants du privé récusent l’autorisation préalable de leur commune au nom de leur « liberté d’enseignement ». Le financement des établissements privés résultait jusqu’ici d’un contrat passé entre une école, sa commune d’implantation et l’Etat. Ainsi, pour la première fois, la commune de résidence financera au titre de la « liberté d’enseignement » la scolarité des usagers fréquentant une école privée hors de son territoire. Une situation que pourraient nous envier bien des pays ouvertement catholiques, à l’image de l’Italie, du Portugal ou de la Pologne, où étrangement, l’enseignement catholique n’est pas financé et représente moins de 4%. Tandis qu’en France il est surreprésenté à 17% de la population scolaire…

Le principe de « liberté d’enseignement » invoqué par certains n’impliquait, jusqu’alors, en aucune façon, un quelconque financement public. Être enseigné dans une école hors contrat ou enseigné à domicile, voilà qui définit en réalité une même « liberté d’enseignement », qui exclut et interdit, par définition, toute forme de financement public. Cette proposition de loi risque d’ouvrir de nouvelles portes. La « liberté d’aller et venir » est tout aussi fondamentale, pour autant ceux qui refusent le transport en commun ne revendiquent pas le financement par la puissance publique de leurs courses en taxi.

Pour le service public, ce financement conditionné par un accord préalable de la commune de résidence résulte de l’obligation constitutionnelle d’organiser le service public en tous lieux du territoire national.

La proposition de loi Carle pose, explicitement, un principe d’obligation de financement contraire aux textes fondateurs de l’École de Jules Ferry[4], en créant une distorsion de traitement qui favorise les écoles privées, en aggravant et outrepassant y compris la loi Debré du 31 décembre 1959, qui régit les rapports entre l’État et les établissements privés. Loi Debré qui déjà , consacrait une logique discriminatoire et dispendieuse, en mettant à la charge de la commune les dépenses de fonctionnement des écoles privées sous contrat avec l’État implantées sur son territoire, et elles seules.

La loi Carle, quant à elle, à l’instar de l’article 89 de la loi de 2004 qui initiait cette dérive, se surajoute et aggrave ainsi la loi Debré en créant de nouvelles obligations : ici l’usager se voit littéralement attribuer un droit de tirage sur le budget municipal, sans accord préalable de sa commune de résidence, et impose à cette dernière le paiement de sa scolarité dans une école privée d’une autre commune.

Jusqu’à ce jour, le dispositif législatif instituait un rapport institutionnel fort entre l’École et la Commune. Les communes n’ont ainsi de compétences et de charges afférentes, que pour l’École publique. Pour les écoles privées, la commune n’a aucune compétence, uniquement des charges résultantes du contrat d’association passé avec l’État.

Aujourd’hui, on introduit, en rupture totale avec les usages républicains jusqu’ici consacrés, une relation marchande usager-Commune avec l’adoption de ce qu’il faut bien considérer comme un « chèque éducation », utilisable hors commune.

La Loi Carle fait primer les choix communautaristes et particularistes sur l’intérêt général en encourageant par ce régime de faveur la scolarisation dans des écoles privées. La ghettoïsation sociale va s’aggraver. Les dépenses des communes vont augmenter et générer des imprévisibilités relativement aux coûts liés à l’éducation. La banlieue paiera pour la ville, Nanterre paiera pour Neuilly. Mais aussi, les communes rurales seront également pénalisées avec un risque fort d’exode scolaire. Des classes et écoles publiques entières disparaîtront…

Ceux qui revendiquent la suppression du service public laïque d’éducation voient ainsi tomber du Ciel parlementaire, un chèque éducation qui individualise le rapport à l’école, en instituant des logiques communautariste, marchande et commerciale. Ce faisant, la loi Carle sacrifie sur cet autel si éloigné des valeurs républicaines, la justice sociale, la laïcité et le vivre ensemble de jeunes citoyens en devenir.

Visitez le site :
http://www.main-basse-sur-ecole-publique.com/

Eddy Khaldi et Muriel Fitoussi,
Main basse sur l’école,
Paris, Démopolis, 2008

[1] Si cette loi Carle- déjà votée par le Sénat- est adoptée par l’Assemblée nationale. Un recours constitutionnel s’impose. Si cette disposition est déclarée anticonstitutionnelle, l’article 89 de la loi de 2004 qui généralisait ce privilège, dans tous les cas, à tous les élèves du privé hors commune serait encore plus anticonstitutionnel. On voit donc mal le Conseil Constitutionnel ne pas maintenir son abrogation.

[2] http://www.senat.fr/dossierleg/ppl08-020.html

[3] L’école publique a, elle seule, l’obligation de répondre aux critères afférents au service public : « laïcité, égalité- devant l’accueil en particulier-, continuité et gratuité »

[4] Loi Goblet du 30 octobre 1886

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