J’évoque ici le point le plus important de la LRU : le passage aux « responsabilités et compétences élargies » (RCE).
La vie des universitaires (enseignants, étudiants, et aussi personnels administratifs et de service) va être conditionnée par ces RCE.
Toutes les universités devront avoir ratifié cette modification capitale de leurs statuts d’ici le 1er janvier 2011. Un grand nombre d’universités viennent de la voter, parfois en catimini, à deux jours du départ en vacances, ou sans que cela figure clairement à l’ordre du jour.
Concrètement, les établissements seront responsables de leur gestion comptable et disposeront, dans ce dessein, des crédits qui, précédemment, étaient alloués par l’État et gérés sous sa responsabilité.
Les universitaires ne seront plus payés par le Trésor public mais par les universités. Ce qui signifie que, de facto, les personnels ne seront plus fonctionnaires d’État mais fonctionnaires territoriaux. A terme, il s’agira de contractualiser l’ensemble de la profession, chaque agent devenant, comme dans le secteur privé, une simple variable d’ajustement, d’autant que, selon le principe de non fongibilité, des crédits théoriquement réservés à la paye des personnels pourront être transférés vers, par exemple, l’achat de gommes et de crayons, mais pas l’inverse. Comme, selon les derniers textes votés par le Parlement, un agent de l’État dont le poste a été supprimé n’aura plus aucune garantie de maintien dans l’emploi public, une proportion non négligeable d’universitaires actuellement en fonction se retrouveront au chômage avant le terme de leur carrière. Dans l’Europe actuelle, ceci est " normal " . Cette orientation fait consensus dans la classe politique française, à droite évidemment, mais aussi à gauche. Voir, depuis dix ans, les positions d’Attali, de Lang, de la candidate Royal, et évidemment de l’adipeux dégraisseur de mammouth Allègre, tous ayant bénéficié du statut en béton de la - plus ou moins haute - fonction publique.
Le pouvoir sarkozyste s’en est d’abord pris aux universitaires, peu nombreux et globalement droitisés, avant de s’attaquer aux collègues du secondaire et du primaire, plus nombreux et davantage marqués à gauche.
Les universitaires ne seront plus protégés par le statut de 1984, très imparfait, mais qui garantissait des conditions de travail et de rémunération identiques aux personnels de même grade. On s’achemine rapidement vers une situation à l’anglo-saxonne. Ainsi, dans telle université de Grande-Bretagne, deux collègues d’un même département, titulaires d’un grade identique (M.A. ou PhD), peuvent avoir une charge d’enseignement hebdomadaire, pour l’un de deux heures, pour l’autre de vingt heures.
La LRU et ses RCE permettent et encouragent l’instauration de fondations à l’intérieur des enceintes universitaires, en clair, l’arrivée de capitaux privés dans des établissements en principe publics. Une sorte de théorème bien connu, veut qu’1% d’argent privé suffise à contaminer les 99% restants. Le privatiseur Jospin, avec son concept de « respiration », expliquerait cela bien mieux que moi. Que peut-il se passer ? Des bavures comme celle que j’évoquais à (http://blogbernardgensane.blogs.nou...). Et puis des inflexions très sérieuses. Dans une université étatsunienne, une fondation a investi massivement dans un département de physique de l’atmosphère comptant 400 étudiants. Elle a exigé, au pro rata de son apport financier, de pouvoir décider du choix de 50 de ces étudiants (en MA et PhD) et, bien sûr, du contenu de leurs recherches. Voilà ce qui va se passer à très court terme en France. Les universitaires d’outre-Manche, d’Allemagne, d’Autriche (j’en passe) sont ou seront dans le même cas de figure mais jouissent, pour le moment du moins, de conditions de travail bien meilleures et de salaires bien supérieurs aux normes françaises.
Variables d’ajustement, marchandises, les universitaires français seront désormais les serviteurs du CAC 40. Il leur incombera de faire de la garderie quelques années avant le chômage, celui des étudiants, puis le leur, et de travailler comme des fous, sous tension, en compétition permanente, afin de livrer la recherche rentable aux revues scientifiques étatsuniennes.
Fuck la Princesse de Clèves !
Fuck la République !