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Hymne national et orchestres régionaux

[Un vieil ami, qui exerça longtemps des fonctions de conseiller culturel en Roumanie, me fait passer les réflexions suivantes :]

En France, c’est devenu un délit de siffler l’hymne national. Ainsi en a décidé Sarkozy le mélomane, qui ne permet pas que l’on touche à ce sommet de la musique universelle.

Le 13 mai dernier, à Valence, lors de la finale de la coupe d’Espagne (Copa del Rey !), l’entrée du roi d’Espagne Juan Carlos et de la reine Sofia a été copieusement sifflée, de même que l’hymne national qui a immédiatement suivi, par des supporteurs des clubs de ces villes situées dans deux régions d’Espagne où les velléités nationalistes sont les plus fortes, la Catalogne pour Barcelone et le Pays Basque pour Bilbao. La direction de la télévision ne s’est décidé à montrer les images polémiques qu’à la mi-temps du match. Ce couac télévisé a suscité des réactions indignées ou grinçantes dans la presse espagnole. Les journaux publient également la photo d’une grande pancarte qui a été déployée dans le stade, signée par des organisations indépendantistes catalanes. On pouvait y lire, en anglais "Nous sommes les nations de l’Europe, au revoir l’Espagne", au-dessus de photos du chef du gouvernement socialiste espagnol José Luis Rodriguez Zapatero et du leader de l’opposition de droite Mariano Rajoy. Elle a été retirée par la police avant le début du match.

Les excès orchestrés des régionalistes apparaissent de plus en plus clairement dans cette Europe qui se morcèle au lieu de s’unifier. En 2007, par exemple, à la foire du livre de Francfort, qui est la plus importante dans ce domaine, la Catalogne était invitée et les auteurs écrivant en langue espagnole furent exclus. Personnellement, je me suis retrouvé plusieurs fois dans ce contexte conflictuel. Lors d’une réunion à Barcelone, on nous a fait savoir que l’on communiquerait en catalan ou en anglais, mais pas en « castillano », J’avais connu une situation identique à Kiev : on nous imposait de parler ukrainien ou anglais, mais interdiction de s’exprimer en russe. On peut vraiment regretter de tels mouvements qui font surtout penser à un repli sur soi, à un abandon des provinces les plus défavorisées par les régions les plus riches. Mais l’histoire joue un certain rôle dans ce contexte. En 1933, Staline organise une famine en Ukraine, considérée comme le grenier à blé de l’Union Soviétique. Une famine qui est une véritable abomination. Les catalans et les basques se souviennent et se souviendront longtemps des répressions vengeresses infligées par le dictateur Franco. L’humiliation quotidienne a duré des années pendant lesquelles il était interdit de parler catalan ou basque, pendant lesquelles la répression n’a jamais cessé avec son lot de martyrs. « Dans une grande partie de l’Espagne, ce que nous appelons guerre civile fut seulement une répression ; le coup d’Etat militaire fut immédiatement suivi d’un plan d’extermination. » (Francisco Espinosa)
Mais que dire de ce qu’il s’est passé à l’issue de la guerre de Succession en 1713 ? La guerre avait été longue et féroce, mais ses suites furent pires encore. De Madrid vint la répression officielle : les Catalans furent exécutés par centaines ; pour l’exemple et l’outrage, leurs têtes embrochées sur des piques furent exposées dans les endroits les plus fréquentés. Des milliers de prisonniers furent envoyés aux travaux forcés dans des lieux éloignés de la Péninsule, et même en Amérique ; tous moururent les fers aux pieds, sans avoir revu leur patrie. Les jeunes femmes servirent à la distraction des soldats, ce qui provoqua une pénurie de femmes à marier qui dure encore en Catalogne. Beaucoup de terres de culture furent dévastées et semées de sel pour les rendre stériles ; les arbres fruitiers furent arrachés. On se mit à exterminer le bétail à coups de fusil ou de baïonnettes ; seules quelques bêtes survécurent à l’état sauvage dans les montagnes. Les châteaux furent rasés et leurs pierres utilisées pour ceindre de murailles les villages transformés en colonies pénitentiaires. Les monuments et statues furent broyées et réduits en poudre. Les murs des palais et édifices publics furent recouverts de chaux, et sur ce revêtement on peignit des figures obscènes, on grava des injures. Les écoles furent transformées en étables et inversement. On démonta l’université de Barcelone pour obstruer avec ses pierres les canaux qui alimentaient la ville. Le port de la ville fut semé d’écueils et on lâcha même dans la mer des requins spécialement amenés des Antilles... (Eduardo Mendoza)

Bien sûr, il ne s’agit en aucun cas de justifier les attitudes actuelles des régionalistes « fondamentalistes » qui s’apparentent à des actes racistes, mais l’histoire peut expliquer comment on en arrive à de telles dérives.

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Même Auteur
Roberto Saviano. Gomorra. Dans l’empire de la camorra. Gallimard, 2007.
Bernard GENSANE
Il n’est pas inutile, dans le contexte de la crise du capitalisme qui affecte les peuples aujourd’hui, de revenir sur le livre de Roberto Saviano. Napolitain lui-même, Saviano, dont on sait qu’il fait désormais l’objet d’un contrat de mort, a trouvé dans son ouvrage la bonne distance pour parler de la mafia napolitaine. Il l’observe quasiment de l’intérieur pour décrire ses méfaits (je ne reviendrai pas ici sur la violence inouïe des moeurs mafieuses, des impensables tortures corporelles, (…)
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"Il y a beaucoup d’ignorance sur ce qui se passe à Cuba et on ne veut jamais rien leur reconnaître. Si d’autres avaient fait ce que Cuba a fait [pour lutter contre le SIDA], ils seraient admirés par le monde entier."

Peggy McEvoy
représentante de UN-AIDS à Cuba de 1996 à 2001

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