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Terrorisme et Société Civile contre Cuba 4/4 .

Compte-rendu des conférences données par Agee lors des Ateliers pour la Paix organisés par le Mouvement de la Paix cubain à la Havane, Mai 2003

QUATRIEME PARTIE ET FIN

Selon le ministre Cubain des Affaires Étrangères, Felipe Perez Roque, lors d’une conférence de presse donnée le 7 avril, et les agents de la sécurité cubaine qui avaient infiltrés et filmés les groupes dissidents, l’argent des Etats-Unis arrivait à Cuba sous couvert d’envois effectués par des membres de la famille à l’étranger, en espèces mélangés à de nombreux autres remises d’argent emmenés par des passeurs connus sous le nom de "mulets", et aussi par des virements effectués par le système Transcard au Canada pour les dissidents possesseurs de cartes de crédit à Cuba. (Ces cartes permettent de retirer de l’argent des banques Cubaines.) Bien que le Ministre des Affaires Etrangères ait dit que la Banque Centrale Cubaine avait suivi de près le flot d’argent vers les dissidents, il n’a pas révélé le montant total ou des exemples de transferts effectués aux groupes ou individus.

Quels qu’aient été les montants versés à Cuba, tout ceux à Cuba qui travaillent sur la question des dissidents sait parfaitement que le gouvernement des Etats-Unis soutient et finance un objectif : le changement de régime. Loin d’être des journalistes "indépendants", des militants des droits de l’homme "idéalistes", des partisans "légitimes" d’un changement, ou des "bibliothécaires", chacun des 75 personnes arrêtées et condamnées participait aux opérations du gouvernement US destinées à renverser le gouvernement et installer un ordre économique et social acceptable pour les Etats-Unis. Ils savaient que ce qu’ils faisaient était illégal. Ils se sont fait attrapés, et ils en paient le prix. Tous ceux qui pensent que ce sont des prisonniers d’opinion, persécutés pour leurs idées, ou des victimes de la répression, sont tout simplement incapables de les voir pour ce qu’ils sont, à savoir des instruments du gouvernement des Etats-Unis qui a déclaré la guerre à la Cuba révolutionnaire. Ils n’ont pas été condamnés pour leurs idées mais pour leurs actions rémunérées au service d’une puissance étrangère qui a mené une guerre de 44 ans contre ce pays.

Penser que les dissidents étaient en train de créer une société civile libre et indépendante est absurde, car ils étaient financés et contrôlés par une puissance étrangère hostile et selon ce degré de contrôle, qui était total, ils n’étaient ni libres ni indépendants. La société civile qu’ils voulaient créer n’avait rien à voir avec une société civile banale, une association d’amateurs de motos Harley ou d’éleveurs de chiens. Ils voulaient créer un mouvement d’opposition politique ouvertement fomenté par le gouvernement des Etats-Unis. Il n’y a pas un seul gouvernement au monde qui aurait de telles tendances auto-destructrices et qui se contenterait d’observer la scène.

Tous ceux qui sont intéressés à comprendre comment les Etats-Unis font la promotion d’une "société civile indépendante" dans un secteur particulier, les bibliothèques privées, peuvent consulter l’excellent rapport présenté en Novembre 2002 par Rhonda L. Neugebauer, Bibliographe, Etudes Latino-américaines, de l’Université de Californie (Riverside) au Pacific Coast Council on Latin American Studies, East Los Angeles College. Ce rapport est le résultat d’une enquete détaillée, des visites effectuées aux bibliothèques privées à Cuba et des interviews de leurs propriétaires, et une étude du système des bibliothèques d’état à Cuba. n y trouve aussi une description du système des ONG états-uniennes qui financent ces bibliothèques privées, leur financement par l’AID, et la désinformation diffusée par ce système.

Lors de sa conférence de presse, le Ministre des Affaires Etrangères Perez Roque a donné des exemples sur le fonctionnement du système. Il a montré un extrait de film sur le procès d’Oswaldo Alfonso Valdès, président du Parti Démocratique Libéral de Cuba, où Alfonso décrit une réunion tenue avec un officiel de l’AID et Vickie Huddleston, chef de la Section des Intérêts US à la Havane jusqu’à mi-2002, où ils ont discuté sur comment améliorer la manière d’obtenir des "ressources" et mieux occulter le rôle du gouvernement des Etats-Unis. Dans ce film, Alfonso reconnaît avoir reçu de l’argent et du matériel du gouvernement des Etats-Unis à travers des organisations basées à Miami.

Selon la loi Cubaine, le fait d’être payé pour exécuter la politique des Etats-Unis contre Cuba est illégal et constitue en soi un élément suffisant pour d’être condamné. Le groupe le plus large au sein des 75, les 37 "journalistes indépendants", rédigeaient des articles sur Cuba destinés à d’être diffusés à l’extérieur du pays à travers l’Internet. Une de ces organisations à Cuba était l’Association de Presse Indépendante dont le président, Nestor Baguer, était un agent de la sécurité cubaine qui a témoigné devant la cour. Il a dit que les membres de ce groupe écrivaient pour le site web Cubanet, basé à Miami, et étaient payés par le système Transcard au Canada, sauf pour les grosses sommes d’argent qui étaient livrés par porteur spécial. Cubanet a reçu 35.000 dollars du NED en 2001 et doit encore recevoir 833.000 dollars de l’AID en 2003. Baguer a aussi témoigné qu’au cours de visites effectués à la Section des Intérêts US, lui et ses collègues recevaient des instructions sur les sujets à aborder dans leurs écrits, comme le manque de médicaments, le traitement des patients dans les hôpitaux, le traitement des prisonniers. En gros, les "journalistes indépendants" devaient brosser un tableau sombre de la réalité Cubaine afin de justifier le maintien de l’embargo.

Le Ministre des Affaires Etrangères au aussi montré trois lettres datées de janvier à mars 2001 envoyées à Oswaldo Alfonso, le dirigeant du Parti Libéral, de la part de Carlos Alberto Montaner, un journaliste en exil qui vit à Madrid et qui est le président du Syndicat Libéral Cubain (membre de l’Internationale Libérale). Montaner est aussi un membre fondateur de la Fondation Hispano-Cubaine, un projet du parti conservateur espagnol actuellement au pouvoir. Montaner est aussi étroitement lié à la revue trimestrielle culturelle et politique Encuentro de la Cultura Cubana, basée à Madrid et financée en partie par le NED (80.000 dollars en 2001).

En lisant ces lettre, Perez Roque révéla que chacune des lettres faisait mention d’argent joint au courrier : 200 dollars, 30.000 pesetas et 200 dollars, les deux dernières sommes apparemment envoyées par des amis communs de Montaner et Alfonso. Dans la lettre accompagnée de pesetas, Montaner écrivit : "Très bientôt deux amis espagnols hauts placés vous parleront du Projet Varela. J’ai suggéré cinq noms pour lancer cette nouvelle idée : Paya, Alfonso, Arcos, Raul Rivero et Tania Quintero."

Les lecteurs peuvent tirer leurs propres conclusions sur une éventuelle influence étrangère du Projet Varela. Oswaldo Paya, bien sur, est ce dissident reçu en grande pompe par l’Union Européenne qui lui a attribué le Prix Sakharov des Droits de l’Homme pour son initiative du Projet Varela.

Parmi les commentaires outragés par l’action Cubaine contre les dissidents, on trouve des remarques sur le choc ressenti après une amélioration ces dernières années à Cuba, sur le fait que Fidel s’était ramolli et était devenu plus tolérant avec la dissidence Cubaine [note de CSP : Agee a du lire Le Monde, "La Voix de Son Maitre"], puis tout à coup, CA ! En fait, le point tournant fut le 20 mai 2002, lorsque Bush, dans des discours prononcés à Washington et Miami, annonça son "Initiative pour une Nouvelle Cuba". Au coeur de ce "nouveau" plan, et tout en citant la Pologne comme un exemple de réussite, il annonça un accroissement et une assistance directe pour "aider à la construction d’une société civile Cubaine," qui aboutirait à "un nouveau gouvernement" à Cuba. Je me pose la question : Bush n’était-il pas par hasard en train penser à un changement de régime à Cuba par l’intermédiaire des dissidents ? Les Cubains eux n’ont pas fait mystère de leur interprétation des choses.

Le glas a sonné pour "nos gars" à l’arrivée en septembre 2002 du nouveau chef de la Section des Intérêts à la Havane, l’équivalent d’un ambassadeur si Cuba et les Etats-Unis avaient eu des relations diplomatiques normales. James Cason est un diplomate qui a fait carrière au sein du Département d’Etat et qui a servi principalement en Amérique latine. Il n’a pas une allure menaçante, juste un peu enveloppé avec un visage rond, un double menton tel un Porky Pig proche de la soixantaine, et de grosses lunettes rondes devant des yeux mi-clos. Comme s’il avait fait trop de déjeuners d’affaires et pas assez de jogging. Otto Reich, un Cubano-américain fanatique et un des criminels laissés en liberté suite à l’affaire Iran-Contra, qui avait été nommé à titre temporaire et par intérim (comprendre que le Sénat des Etats-Unis n’avait aucune intention de le confirmer à son poste) en tant que Secrétaire d’Etat adjoint de Bush aux affaires latino-américaines, nomma Cason à ce poste avec apparemment une mission précise et une forte pression sur ses épaules.

Cason débarqua à la Havane comme un policier des Incorruptibles dans un tripot clandestin, avec un regard qui disait "faut par déconner avec moi". Mais soyons honnêtes. Ce type s’est littéralement démené à travers toute l’île, grillant les uns après les autres ses amis dissidents, "nos gars", et scellant leur sort sur son passage. Son soutien ouvert à la société civile de Washington à Cuba paraissait aux yeux de tous comme un appel à se faire expulser comme "persona non grata", pour parler comme un diplomate. Il a mis en scène des actes d’unité entre les groupes en province aussi bien qu’à la Havane. Il a accordé à ses préférés des laisser-passer permanents à la Section des Intérêts US, y compris aux agents doubles Cubains, mettant à leur disposition un accès gratuit à Internet et autres facilités. Il a participé à des réunions dans les maisons des dissidents où il a donné des conférences de presse aux journalistes étrangers. Il a personnellement lancé la formation de la jeunesse du Parti Libéral. Il a reçu des dissidents dans sa résidence privée. Il a même hébergé un samedi un atelier sur le journalisme indépendant. Son comportement a largement dépassé les bornes communément admises par le protocole diplomatique au point qu’on pourrait dire qu’il a été La Mère de Toutes les Provocations.

Mais l’expulsion de Cason aurait provoqué une nouvelle crise avec les Etats-Unis, et les Cubains n’ont pas mordu à l’hameçon. Pendant 6 mois ils ont attendu et observé à travers leur agents bien placés dans la communauté dissidente. Puis ils ont décidé de passer à l’action. Ils avaient les preuves d’une activité criminelle en soutien à Helms-Burton et de sédition, alors ils ont finalement décidé de cueillir d’un seul coup toute la bande de Cason. Et nous le retrouvons au mois de mars, nu comme un roi. On n’a pas entendu le bonhomme prononcer le moindre son depuis l’arrestation de ses acolytes.

On peut imaginer l’amertume qui règne chez "nos 75 gars" qui sont tombés pour l’arrogance de Cason. A présent Cason et son équipe, les officiers de la CIA et de l’AID inclus, doivent tout recommencer depuis le début. Mais faudrait qu’ils fassent gaffe lors de leurs prochains recrutements. Ils pourraient saliver demain sur le cas d’un agent double Castriste, on ne sait jamais, n’est-ce pas ? Pensez-y lorsque vous remplirez vos formulaires pour embaucher la prochaine génération de dissidents.

Il ne fait pas de doute que les Cubains ont pesé le pour et le contre avant de prendre leur décision. Ils savaient qu’ils avaient beaucoup à perdre. Le mouvement aux Etats-Unis pour faire lever l’embargo et les restrictions aux voyages, au Congrès et dans la rue, serait sérieusement freiné par toute la désinformation qui suivrait. L’adhésion de Cuba aux accords de Cotonou qui garantissent des tarifs préférentiels et des aides de la part de l’UE serait probablement gelée, et ce fut le cas. De plus, la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU se réunissait à Genève, et les Etats-Unis faisaient tout, par la menace et la corruption, pour faire adopter une motion de condamnation contre Cuba pour violations des droits de l’homme. Au final ils n’ont pas obtenu gain de cause, mais le gouvernement Cubain était prêt à courir le risque.

Avec de tels enjeux, le moment choisi pour déclencher les opérations a fait l’objet d’une spéculation intense. En fait la communauté dissidente, y compris les emprisonnés, n’a jamais représenté une menace pour la révolution, et Cuba aurait pu continuer indéfiniment à tolérer, infiltrer et suivre leurs activités commanditées par le gouvernement des Etats-Unis. Mais les Etats-Unis auraient pu interpréter cette attitude comme un signe de faiblesse, et c’était bien la dernière chose que les Cubains voulaient.

De plus, il y avait une importante dimension de politique interne à tolérer les provocations insultantes de Cason parce qu’elles largement connues ici. Il avait tellement dépassé les bornes que les gens en général ont commencé à se poser des questions sur la tolérance du gouvernement. Cela aussi aurait pu d’être interprété comme un signe de faiblesse par les partisans de la révolution. Alors ils ont décidé de l’arrêter une bonne fois pour toutes et d’envoyer un message à ses protégés toujours en liberté. Pour replacer un peu les choses dans le contexte Cubain, en 1996 le gouvernement avait mis fin aux activités de survol très publiques des Frères à la Rescousse en décidant d’abattre leurs avions, principalement pour des raisons de politique interne, en parfaite connaissance de cause du prix qu’ils auraient à payer sur le plan international. Alors ils ont aussi décidé en 2003 de mettre fin au show de Cason en dépit de l’opinion internationale. Comme pour le cas des avions abattus, une question de politique interne, et non les réactions internationales, a probablement été l’élément déterminant.

LES TROIS EXECUTIONS

Le détournement d’un ferry de la baie de la Havane, le Baragua, n’aurait pas pu arriver à un plus mauvais moment. C’était le 7eme détournement en 7 mois et il a eu lieu le 2 avril, soit la veille du début des procès des dissidents, ce qui rendait facile, aux ennemis de Cuba comme à un certain nombre de ses amis, de confondre les deux évènements distincts et de parler d’une "vague de répression".

Le ferry n’était rien de plus qu’une embarcation à fond plat, propulsée par des hélices, avec une cabine. Elle n’était faite que pour traverser les eaux calmes de la baie. Cette nuit là , il y avait environ 50 passagers dont des enfants et des touristes étrangers. Les pirates armés l’ont dirigée vers la haute mer au milieu des vents dangereux de force 4, ils sont tombés en panne sèche, et ont menacé par radio de jeter les otages à l’eau s’ils ne recevaient pas assez de carburant pour atteindre la Floride. La partie surprenante est comment les gardes cotes ont réussi à convaincre les pirates de se laisser tirer vers le port de Mariel où des forces spéciales avaient préparé un piège et des plongeurs se préparaient à intervenir. Après de nombreuses heures de d’attente, le tout prit fin en moins d’une minute lorsqu’une française plongea soudainement par-dessus bord et fut suivie par les autres otages et les pirates aussi. Les otages furent sauvés et les pirates rapidement arrêtés.

Au cours du procès l’Etat requit, et obtint, la peine de mort pour les trois meneurs du piratage, confirmée en appel parce qu’il s’agissait d’un acte terroriste d’une extrême gravité même si aucune victime n’était à déplorer. Puis le Conseil d’Etat fut appelé à ratifier la sentence ou la commuer. Est-ce que Cuba devait mettre fin au moratoire sur la peine de mort qui durait depuis près de trois ans ? Fallait-il faire face à une condamnation mondiale des opposants à la peine de mort ? Fallait-il retarder la décision et laisser ces gens dans un couloir de la mort - non pas 15 ou 20 ans comme aux Etats-Unis - mais juste quelques semaines pour ne pas donner l’impression d’une précipitation ? Ou faillait commuer les peines à la prison à vie ?

Franchement, étant moi-même contre la peine de mort, je pensais qu’une combinaison de ces deux dernières mesures serait la meilleure solution : attendre puis commuer. Mais je ne savais pas à l’époque que les forces de sécurité cubaines étaient en train d’enquêter sur 29 autres projets de piratage. Du point de vue du Conseil d’Etat, cela ressemblait à une vague de détournements encouragée comme toujours par la Loi d’Ajustement Cubain de 1966, une politique qui accorde automatiquement l’asile aux Cubains qui touchent le sol des Etats-Unis et qui constitue une discrimination envers tous les immigrants clandestins non-cubains. Cuba trouve particulièrement scandaleux l’accueil en héros réservé aux pirates qui atteignent la Floride et le fait est qui si un pilote détourne volontairement un avion là -bas, il n’est pas considéré comme un pirate et n’est coupable au pire que de vol de matériel.

S’il y a un principe que Cuba a toujours respecté, au moins depuis la crise des missiles de 1962, c’est de ne jamais donner aux Etats-Unis un prétexte pour une intervention militaire. Un autre exode de type Mariel, ou même une vague de détournements, aurait fourni le prétexte aux Etats-Unis, comme l’a expliqué Fidel, pour imposer un blocus naval, une campagne de bombardement, ou même une invasion. Ils pouvaient éviter un autre Mariel mais il fallait mettre immédiatement fin aux pirateries. Et il avait raison. Le 25 avril le Chef du bureau cubain du Département d’Etat déclara au Chef de la Section des Intérêts Cubains à Washington que les Etats-Unis considéreraient un nouveau détournement comme une "menace sérieuse" à la sécurité nationale des Etats-Unis. Comprendre "encore un et nous prendrons des mesures militaires" n’était pas de la paranoïa.

Mais le Conseil d’Etat n’avait pas besoin d’attendre cette information. Ils le savaient déjà . Ils ont ratifié les sentences le 10 avril, et elles furent exécutées le lendemain matin. Vous pouvez exiger de Cuba le principe de "pas de peine de mort quelles que soient les circonstances", mais le fait est que Cuba fait partie des plus de 100 pays qui ont la peine de mort inscrite dans la loi. Ils venaient tout juste d’assister à ce que les Etats-Unis avaient fait à l’Irak, ont vu le travail de deux générations mis en danger, y compris leurs centres scientifiques et technologiques, leurs institutions éducatives, les hôpitaux et cliniques, leur héritage culturel historique, et le plus important : leur peuple. Et ils n’ont pas confondu les pirates avec les dissidents. Il s’agissait de délinquants transformés en terroristes qui avaient menacé plus de 50 otages.

Alors que les exécutions et la condamnation des pirates aient eu lieu pratiquement au même moment, ce ne fut pas une surprise pour Cuba de voir les hurlements commencer à travers le monde. Ils semblaient y d’être préparés jusqu’à un certain point, mais on pouvait ressentir ici un certain choc lorsque de vieux compagnons de route de la révolution, tels Eduardo Galeano et José Saramago, se sont joints au concert des condamnations. Ils furent rejoints par Chomsky, Zinn, Albert, Davis, Dorfman et d’autres, dont les oeuvres sont des trésors de ma bibliothèque, qui ont signé l’appel superficiel pour la Campagne pour la Paix et la Démocratie. "Nous soussignés protestons vigoureusement contre la présente vague de répression à Cuba (contre les dissidents) pour leurs activités politiques pacifiques." Comme si les dissidents ne faisaient pas partie, comme le terrorisme, l’embargo et la guerre psychologique, des instruments de la campagne ininterrompue de Washington pour transformer Cuba en un autre état servile. C’est c’est ça qu’ils veulent pour Cuba, tant mieux pour eux. Dommage qu’ils aient signé dans réfléchir avant.

Quelques semaines après les exécutions et les procès des dissidents, le jour du premier Mai où plus d’un million de Cubains se rassemblèrent sur la place de la Révolution de la Havane, le Révérend Lucius Walker, un des plus militants les plus actifs et dévoués de la solidarité avec Cuba aux Etats-Unis, a prononcé un plaidoyer élégant pour l’abolition de la peine de mort à Cuba. Fidel a répondu en déclarant seulement que la question était à l’étude. Et pourtant moins de 3 semaines plus tard un autre groupe de 8 pirates, arrêtés pour avoir détourné un avion le 10 avril, furent traduits en justice et condamnés pour terrorisme et violences. Cependant les meneurs furent condamnés à la prison à vie et les autres à des peines de 20 à 30 ans de prison.

Les lecteurs auront noté que la question importante sur le plan légale et des droits de l’homme des procédures judiciaires n’a pas été abordée. Parmi les critiques adressés aussi bien dans le cas des dissidents que des pirates on trouve l’accusation selon laquelle les défenseurs ont été soumis à une justice expéditive et n’ont pas été défendu correctement. En l’absence d’information publiée sur cette question, il m’est difficile d’en parler. Par exemple, je n’ai trouvé aucune chronologie des 75 cas, depuis leur arrestation jusqu’à l’ouverture des procès, avec les dates et heures des arrestations, la présentation des accusations, le temps passé par les accusés avec leurs avocats pour préparer leur procès. Je n’ai pas trouvé non plus de trace des accusations écrites ni des réponses des accusés, ni des plaidoiries ou des décisions rendues par les juges, à part les sentences prononcées. Cette manque d’information m’empêche d’analyser les procédures.

Néanmoins, le Ministre des Affaires Etrangères a fait de gros efforts pour répondre à ces critiques lors de sa conférence de presse de plus de 3 heures le 7 avril, en soulignant les origines coloniales espagnoles des procès sommaires et leur usage répandu à travers le monde. Il a aussi dit que pour les 29 procès (certains procès avaient plus d’un accusé) il y avait eu 54 avocats dont 44 avaient été choisis par les accusés et 10 affectés d’office par la cour, et que plusieurs avocats défendaient plus d’un accusé. Peut-d’être le plus important, il a dit que les accusés avaient été autorisés à témoigner devant la cour et répondre aux accusations soumises à des contre-interrogatoires. Il a souligné le nombre de personnes autorisées à assister aux procès, la plupart des membres de la famille et une moyenne de 100 observateurs par procès. Cependant, le manque d’information sur les procédures laisse la porte ouverte aux accusations qui ne pourront d’être réfutées tant que les tribunaux ne fourniront pas plus de détails.

Epilogue

A Washington, malgré la balle que Cuba semble s’être tirée dans le pied, les partisans au Congrès d’un assouplissement ou de la levée de l’embargo et de l’abolition des restrictions aux voyages sont en train d’aller de l’avant en proposant de nouvelles lois dans ce sens. Alors que la plupart condamnent les événements d’avril dernier, ils suivent leurs principes, en croyant pour la plupart que le fait que des américains aillent à Cuba changera les Cubains. Au cours de ces dernières années, j’ai personnellement observé le phénomène inverse. Mais la levée des restrictions aux voyages serait une bonne chose, quelles qu’en soient les raisons.

L’administration Bush, encombrée d’extrémistes Cubano-américains, continue de faire monter la pression en expulsant 14 diplomates cubains à Washington et New York sur de vagues accusations d’espionnage. A l’évidence une décision politique qui n’avait rien à voir avec la sécurité nationale. Quelqu’un au FBI révéla à la presse que la Maison Blanche avait demandé au Département d’Etat d’expulser des Cubains, et le Département d’Etat demanda au FBI quelques noms. La source du FBI ajouta qu’aucun des Cubains ne faisait l’objet d’une enquête pour espionnage. Dans le même temps, les élus Cubano-Américains du Congrès à Miami, Ros Lehtinen et Dà­az Balart, se plaignent ouvertement que Bush ne répond pas à leurs appels pour une résolution rapide et définitive du problème Cubain.

A Miami, toutes ces ONG qui ont profité des largesse de l’AID et du NED pour maintenir leur industrie anti-castriste à flot, ainsi que leur confortable train de vie, devront retourner à leurs ordinateurs et tracer de nouveaux plans pour une société civile à Cuba. Il faudra qu’ils trouvent des moyens pour sauver leurs alter ego de l’autre coté du détroit et d’autres Cubains sans scrupules mais avec un instinct d’auto-destruction suffisant pour accepter leur argent.

Ici à la Havane, James Cason ferait bien de s’éclipser pour consultations au Département d’Etat et prendre discrètement sa retraite. Après tout, c’est lui qui a fait l’arrêter 75 de "nos gars", certains pour un bon bout de temps, et toute la propagande anti-Cubaine déversée par les services de Reich ne compensent en rien les dégâts occasionnés. Il est définitivement grillé aux Affaires Etrangères même s’il ne faisait qu’appliquer les ordres de Reich car c’est bien Cason, et non Reich, qui sera déchu. Mais là aussi il se trouvera peut-d’être un bon petit boulot anti-cubain grassement payé dans une des ONG de Miami.

Et les agents de la Section des Intérêts US, du Département d’Etat, de l’AID et la CIA devront retourner battre la campagne pour trouver de nouvelles recrues, envoyer des noms et des curriculums pour des raisons de sécurité sur des personnes prêtes à travailler avec les ONG de Miami en suivant les pas des 75, et la Sécurité Cubaine leur fournira certainement des candidats prometteurs comme ils l’ont toujours fait dans le passé.

Et nous dans tout ça ?

La menace d’une guerre contre Cuba par Bush et sa troupe de croisés, tous rendus hystériques après la victoire en Irak, est réelle. Une campagne militaire contre Cuba qui coïnciderait avec la campagne électorale déjà entamée de 2004 serait peut-d’être son seul espoir de réélection, ne serait que pour un deuxième mandat. Chaque jour la situation économique joue contre lui et il n’y pas de signes d’amélioration pour 2004. Il sait que c’est l’économie qui a fait perdre son père en 1992, et il pourrait en conclure que pour mener à bien sa mission divine d’étendre le contrôle militaire US à travers le monde, une crise très proche de la maison serait indispensable.

Le moment est venu de se mobiliser contre la guerre, et il n’y a pas un instant à perdre.

(FIN)

 Références :

Philip Agee sur la CIA, Cuba et le terrorisme.

http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/html/npa_agee.html

L’extrême idéalisme de Rodolfo Frometa, commandant du groupe F-4

http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/html/npa_frometa.html

Interview originale de Posada Carriles au New York Times

http://www.nytimes.com/library/world/americas/071298cuba-plot.html

 Traduction en français :

http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/html/posada_nyt_1998.html

Conférence de Presse de Felipe Perez Roque

http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/html/npa_roque_030410conf.html

 Voir aussi

L’histoire étonnante de la complicité des Etats-Unis (Los Angeles Times
juillet 1998)

http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/html/cuba_posada.html

Interview en français de Basulto, de Brothers to
the Rescue

http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/html/basulto.html

 Et d’une manière générale :

La Sale Guerre contre Cuba

http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/html/guerre.html

Sur la Loi-Helms Burton (commentaires et texte de loi) :

http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/html/helms_burton.html

Voir aussi (en anglais) des analyses de Operation Mockingbird (infiltration
des médias occidentaux)

http://www.prisonplanet.com/analysis_louise_01_03_03_mockingbird.html

http://www.uncle-scam.com/Breaking/dec-02/The%20Media.pdf

Pipe Dreams : the CIA, Drugs, and the Media

http://www.namebase.org/news16.html

Rapport sur les bibliothèques "indépendantes" à Cuba :

http://www.ala.org/Content/NavigationMenu/
Our_Association/Round_
Tables/IRRT/International_Leads/Archive2/200006.pdf

et http://www.libr.org/ISC/articles/13-Neugebauer.html

Source : CUBA SOLIDARITY PROJECT

http://viktor.dedaj.perso.neuf.fr/

"Lorsque les Etats-Unis sont venus chercher Cuba, nous n’avons rien dit, nous n’étions pas Cubains."

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C’est amusant comme le commun des mortels s’imagine que nous sommes sans cesse affairés à leur mettre des idées dans la tête, alors que c’est en empêchant certaines pensées d’y pénétrer que nous faisons le mieux notre travail.

C.S. Lewis, 1942

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