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Cuba dossier 3/6 : De Guantanamo à La Havane et retour

Voici rassemblées six contributions pour tenter de comprendre les enjeux de la situation cubaine, à un moment, ou Cuba " axe du mal" est clairement désigné par les USA comme cible possible, aprés l’ Irak.

 Cuba : une résistance socialiste en Amérique latine:Remy Herrera

 Un autre regard sur les « dissidents » à Cuba : Rémy Herrera

 De Guantanamo à La Havane et retour : John Brown

 Pourquoi les arrestations à Cuba ? : Wayne S. Smith

 Le Reich en Haïti : Dominique Balaou

 Cuba fait mal : Eduardo Galeano


17 avril 2003

 3/6 - De Guantanamo à La Havane et retour

Par John Brown

« Non è dunque la pena di morte un diritto, mentre ho dimostrato che tale
essere non può , ma è una guerra della nazione con un cittadino, perché
giudica necessaria o utile la distruzione del suo essere. » Cesare Beccaria,
Dei delitti e delle pene, Capitolo 28.

(« la peine de mort n’est donc pas un
droit, puisque j’ai démontré qu’elle ne saurait l’être, mais une guerre de
la nation contre un citoyen, quand celle-ci considère la destruction de ce
dernier comme utile »)

Tandis qu’en Irak les envahisseurs anglo-américains assassinaient des
milliers de personnes dans leur guerre barbare d’agression et de
destruction, le régime cubain a tué légalement trois personnes accusées de
« terrorisme » pour avoir détourné un bateau à fin de quitter l’île. Presque
en même temps, ce même régime cubain a imposé de très lourdes peines de
prison à 75 personnes accusées de « conspiration » dans le cadre d’un procès
qui manquait des moindres garanties. La peine de mort et la peine de prison
pour des « délits » politiques sont ainsi, dans ce pays, qui pour beaucoup
de gens reste associé à l’une des plus grandes expériences de libération du
XXème siècle, des pratiques dont les gouvernants se réclament sans honte. On
dira que c’est peu de chose, para rapport à la barbarie de l’Empire ; c’est
pourtant quelque chose d’ énorme et de monstrueux si on tient compte de l’
investissement d’affection révolutionaire dont Cuba fait l’objet.

Personne ne doute que Cuba est victime d’une agression de la part des
différents gouvernements de son gigantesque et arrogant voisin du Nord.
Cette agression, matérialisée dans l’embargo et la perpétuation des actes de
terrorisme contre le régime cubain mérite une réponse ferme. Cependant, l’
imposition de la peine capitale ou de peines d’emprisonnement pour des
délits politiques à des citoyens cubains est -avec la privation générale de
libertés politiques dont souffre la population de l’île- bien plus qu’une
erreur tragique et lamentable qu’il faudrait excuser au nom de l’
antiimpérialisme. Ces pratiques sont, en effet, solidaires d’une conception
de la société et de la politique qui place les autorités cubaines très près
des secteurs les plus extrêmistes de la droite américaine et très loin du
mouvement mondial qui lutte aujourd’hui contre la guerre globale permanente
et le capitalisme. Le Cuba de Fidel Castro pourrait difficilement entrer en
dialogue avec un mouvement qui récuse la mort comme instrument politique et
aspire à la libre coopération des multiples réalités individuelles et
collectives.

Le mouvement des mouvements, ce vaste courant qui avance en s’amplifiant du
Chiapas a Seattle, puis à Gênes, à la lutte pour la vie palestinienne, à la
résistance contre la guerre globale permanente ; ce mouvement qui arrache les
grillages et les barbelés des camps de concentration où la gouvernance du
capitalisme néolibéral enferme les immigrés « illégaux », qui bloque les
trains qui transportent du matériel militaire et qui tisse infatigablement
des réseaux de coopération libre et de subversion de ce système fondé sur la
violence, ne peut pas tolérer les pouvoirs qui tuent. L’assassinat légal
nous dégoûte. L’oppression des consciences et l’emprisonnement des personnes
pour leurs opinions ne sont pas seulement contraires à nos méthodes, mais
surtout à nos objectifs. Nous ne voulons pas d’une révolution qui, en notre
nom, fasse taire les voix dissidentes ou tue légalement les « terroristes ».

Etre contre le capitalisme aujourd’hui c’est s’opposer à la guerre comme
rituel de mort, mais aussi et surtout comme exercice de souveraineté. La
souveraineté, cette forme de pouvoir fondée sur une constante menace de mort
du souverain envers les sujets qu’il « protège », maintient toujours ouvert,
comme l’affirme Carl Schmitt, l’horizon de la guerre. Or, la peine de mort,
selon Cesare Beccaria, le fondateur du droit pénal moderne, n’est autre
chose que la guerre du souverain (ou de la nation unifiée/représentée par le
souverain, ce qui revient au même) contre l’un de ses sujets : l’affirmation
qu’il tient la vie de celui-ci en son pouvoir. Le symbole du pouvoir
souverain a souvent été le faisceau (fascio) du licteur, ce magistrat qui
toujours accompagnait à Rome les consuls et dont la mission consistait à 
exécuter la peine capitale. La hache du licteur, placée au milieu d’un fagot
de branches, porte un sinistre témoignage de la proximité entre le pouvoir
souverain et les instruments de la mort.

Dans le capitalisme actuel, qui englobe dans ses processus de production et
de reproduction la totalité de la vie individuelle et sociale, la dimension
souveraine, loin de s’effacer, est devenue vitale à la simple survie du
système. Sans l’existence et la réaffirmation constante de cette dimension
du pouvoir, cette vie capable de coopération, d’amour et de liberté
échapperait aux réseaux de valorisation du capital dans un processus d’exode
constituant. Il est essentiel d’empêcher cette fugue à ceux qui dominent
aujourd’hui notre planète, à ceux qui prétendent nous gouverner et remplacer
notre libre capacité de faire et de vivre ensemble par une grossière
repésentation ».

Si dans ce répugnant exercice de mort nous n’acceptons pas d’être
représentés par Bush, Blair, Al Qaïda, Aznar ou l’ETA, malgré leurs nombreux
efforts, Monsieur Fidel Castro Ruz et son régime ne pourront pas eux non
plus le faire. Ces derniers ne représentent ni ce « nous » mondial complexe
et démesuré ni même la propre démesure du peuple cubain. La raison de cela n
’est pas -comme pourraient le penser les « think tanks » des Etats Unis- que
Cuba devrait avoir un régime représentatif et que les Etats Unis pourraient
l’imposer par la force : c’est, au contraire, que le monde entier, la vie, l

’amour, la puissance productive du commun et des individualités qui s’y
affirment sont déjà en train de constituer quelque chose que personne ne
peut plus représenter.

La représentation implique la mesure (un homme, une voix, deux hommes deux
voix,, 82’% des voix contre Le Pen = Chirac ; 100 voix de plus qu’un autre
candidat = Bush ; 99,9des voix = Castro, ) Cette mesure qui n’est autre que
celle du travail abstrait qui sert de base à la valeur, mais aussi aux
institutions capitalistes ou « socialistes » qui en imposent la loi, c’est
justement ce qu’on n’arrive plus à nous imposer. La représentation des
peuples sous une souveraineté qui tue les traîtres et emprisonne les
dissidents est aussi inacceptable en Floride ou au Texas, que dans la
base/camp de concentration de Guantanamo ou même, pour ne pas sortir de
Cuba, à La Havane

La défense de l’autodétermination interne de la population cubaine constitue
la seule possibilité d’un avenir communiste pour ce pays qui sut défier et
même vaincre l’impérialisme. Les citoyens cubains et du reste du monde qui
parions pour cet avenir communiste ne peuvent pas accepter le manque de
libertés et les méthodes barbares de répression. Nous n’acceptons pas non
plus l’embargo et le harcèlement politico-militaire que doivent souffrir les
cubains et encore mois une intervention militaire ou de toute autre sorte
organisée par les dirigeants de la gouvernance capitaliste mondiale. On ne
peut pas accepter non plus que soient compromis les importants acquis
sociaux qui existent encore à Cuba : il est indifférent que la menace contre
ces acquis provienne de Miami ou des cercles de pouvoir qui, à La Havane,
souhaitent tranformer Cuba en un « socialisme de marché » à la chinoise, c’
est à dire en un capitalisme qui ne reconnaît pas le moindre droit d’
autoorganisation aux travailleurs. Le spectable macabre de la mort et de la
prison pour des délits politiques, la mise en scène d’un scénario de guerre
permanente sont, à Cuba aussi, des instruments fondamentaux pour imposer et
perpétuer l’ordre capitaliste et la répression d’un désir de liberté qui n’a
plus de place dans le capitalisme ni dans le « socialisme » cubain.

Source : John Brown

juandomingo@skynet.be

>> Note : John Brown a publier un trés bon article le mardi 1er
avril 2003 :

Irak/Europe : Le consensus chirurgical

URL de cet article 753
   
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