Le roi est nu !
par K. Selim
C’est comme dans le conte d’Andersen : le Roi se croit drapé dans de superbes habits neufs, tandis que les courtisans font semblant de ne pas le voir nu. C’est un enfant ingénu qui crie alors : « Mais l’empereur est nu ! ».
Le régime égyptien croit que les Egyptiens sont des enfants et ils le lui rendent bien en le montrant dans sa cruelle nudité. Les médias officiels sont là pour vêtir l’évidence de la nudité d’un vieux système autocratique... Sans succès. Le régime de Hosni Moubarak est bien nu. La colère sociale ne cesse de monter mais le régime égyptien s’offre une énième comédie des élections qui ne fait rire aucun Egyptien. Les « sujets » égyptiens commencent à se départir de leur légendaire capacité à endurer et à supporter les avanies que leur infligent les gouvernants et ils ont répondu, comme d’habitude, par le mépris à la sollicitation électorale.
Le régime a choisi d’éliminer et d’embastiller, avant le vote, les candidatures opposantes, de la gauche aux Frères musulmans, pour s’assurer une victoire sans gloire. Les Egyptiens ont répondu massivement en boycottant, encore une fois, la « masrahiya ». A quoi servent des élections courues d’avance, où l’on élimine par des moyens mesquins et brutaux les opposants ? Pour le régime, en éliminant toutes les candidatures des opposants, il élimine aussi par avance tout futur candidat aux présidentielles. En effet, en vertu du dernier amendement de la constitution, tout candidat indépendant aux présidentielles devrait obtenir le soutien de 250 élus pour pouvoir se présenter. C’est grossier, mais c’est comme ça. Le régime s’offre la possibilité « légale » d’organiser la transmission du pouvoir - Moubarak a 79 ans ! - sans présence de candidatures gênantes. Le fils du Roi pourrait prétendre sans problème au trône !
Elles sont belles nos républiques ! Elles peuvent s’accommoder de la désertion des citoyens - à peine 2% des Egyptiens auraient voté, selon des ONG égyptiennes - et prétendre être l’incarnation de la défense des intérêts supérieurs du pays... C’est d’ailleurs pour cela qu’on ne veut pas que le vote décide des élections. Aucune imprévisibilité - celle-là qui fait le sel des démocraties - n’est acceptée. Un vote populaire libre, non balisé préalablement par les éliminations des courants « indésirables », c’est trop dangereux. A plus forte raison quand la population égyptienne exprime ouvertement sa colère.
En 27 ans de pouvoir quasi absolu, l’Egypte de Moubarak voudrait bien se donner des airs en montrant l’afflux des IDE vers le pays et ses jolis taux de croissance. Mais les Egyptiens d’en bas renvoient une tout autre image, celle d’un régime de caste où les inégalités sont vertigineuses, où la corruption sévit et où l’on meurt pour accéder à la bouffée de « aïch ». Les Egyptiens bougent malgré une loi martiale encore en vigueur depuis 1981, qui permet d’interdire tout ce qui déplaît au régime.
Le système Moubarak, modèle de ce qui se passe dans les « républiques » arabes, est si fragile qu’il ne peut que neutraliser préalablement les élections, les vider de leur sens. Ce sont les électeurs absents qui leur ont donné un sens : montrer que le système est totalement nu.