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Lutte décisive en Bolivie, Benito Perez.








Le Courrier, jeudi 27 décembre 2007.


La « jeune démocratie bolivienne » court-elle un « mortel danger », comme l’affirme Danielle Mitterrand dans Le Monde du 22 décembre ? (Lire ci-dessous) Le processus de « révolution en démocratie » conduit depuis deux ans par le président Evo Morales est en tout cas entré dans une ère troublée. Deux jours après l’appel de la présidente de France-Libertés à défendre le gouvernement populaire, le siège de la Centrale ouvrière de Bolivie (COB) subissait un attentat à l’explosif. L’attaque n’a pas fait de victime, mais elle symbolise le degré atteint par l’affrontement entre mouvements sociaux et secteurs radicalisés de la bourgeoisie.

Toute l’année 2007 aura été marquée par ce crescendo. A mesure qu’avançaient les réformes -agraire, fiscale, sociale, judiciaire, constitutionnelle-, l’opposition a joué l’obstruction. S’appuyant sur les rivalités régionales et ethniques, elle a tour à tour essayé de bloquer l’Assemblée constituante (avant de la boycotter), mené une guérilla parlementaire, et surtout harcelé l’Etat depuis les départements pétroliers et agro-industriels de l’est, qui menacent de prendre leur autonomie. Une stratégie de la division qui dispose d’un scénariste de choix : Philip S. Goldberg, ambassadeur étasunien depuis la victoire de Morales, n’a-t-il pas servi dans plusieurs républiques ex-yougoslaves en voie de sécession ?

En Bolivie, l’opération n’a que partiellement réussi, La Paz ayant trouvé une issue démocratique à la crise : en 2008, les Boliviens devraient accourir une dizaine de fois aux urnes !

Face à un pays sociologiquement acquis aux projets d’Evo Morales, les stratèges du blocage ont dû concevoir une seconde opération de déstabilisation, menée cette fois dans la rue. Depuis un an et demi, des groupes violents de jeunes s’attaquent toujours plus régulièrement à des militants sociaux. Ces deux derniers mois, on a déploré une vingtaine d’agressions et de tentatives d’intimidation.
Bien évidemment, cette stratégie de tension -dont l’attentat de la COB montre un saut qualitatif- vise à instaurer un climat d’insécurité et de ras-le-bol. Pour l’heure, elle a toutefois échoué à provoquer une réponse musclée du gouvernement, qui aurait pu le discréditer.

Reste une certitude : l’échec de la réforme constitutionnelle d’Hugo Chávez au Venezuela a redonné des ailes à la droite latino-américaine. Pressée par les Etats-Unis de déboulonner le « maillon faible » du bloc socialiste, l’opposition bolivienne n’hésitera plus devant les pires coups. D’autant qu’elle sait acquise la compréhension -voire plus- de la presse et des autres Etats occidentaux... A l’instar de Danielle Mitterrand, les défenseurs de la justice sociale seraient bien avisés de ne pas oublier leurs camarades boliviens en 2008 !

Benito Perez

 Source : Le Courrier www.lecourrier.ch




Le Monde, 21 décembre 2007.


En Bolivie, la démocratie en péril, par Danielle Mitterrand.


Comme l’Europe l’a appris cruellement à ses dépens, la démocratie a sans cesse besoin d’être vécue, réinventée, défendue aussi bien à l’intérieur de nos pays démocratiques que dans le reste du monde. Aucune démocratie n’est une île. Les démocraties se doivent mutuellement assistance. Aujourd’hui, j’en appelle donc à nos dirigeants et à nos grands organes de presse : oui, je l’affirme, la jeune démocratie bolivienne court un mortel danger.

En 2005, un président et son gouvernement sont largement élus par plus de 60 % des électeurs, alors même qu’une grande partie de leurs électeurs potentiels, indigènes, ne sont pas inscrits sur les listes électorales, car ils n’ont même pas d’état civil.

Les grandes orientations politiques de ce gouvernement ont été approuvées massivement par référendum avant même cette élection, et notamment la nationalisation des richesses naturelles pour une meilleure redistribution et la convocation d’une Assemblée constituante.

Pourquoi une nouvelle Constitution est-elle indispensable ? Pour la raison bien simple que l’ancienne Constitution date de 1967, une époque où, en Amérique latine, les populations indigènes - qui représentent en Bolivie 75 % de la population - étaient totalement exclues de toute citoyenneté.

Les travaux de l’Assemblée constituante bolivienne ont été depuis les origines constamment entravés par les manoeuvres et le boycottage des anciennes oligarchies, qui ne supportent pas de perdre leurs privilèges économiques et politiques. L’opposition minoritaire pousse le cynisme jusqu’à travestir son refus de la sanction des urnes avec le masque de la défense de la démocratie. Elle réagit par le boycottage, les agressions dans la rue, l’intimidation des élus, dans le droit-fil des massacres perpétrés sur des civils désarmés par l’ancien président Sanchez de Lozada en 2003, lequel est d’ailleurs toujours poursuivi pour ces crimes et réfugié aux Etats-Unis.

A la faveur d’un chaos soigneusement orchestré renaissent les menaces séparatistes des provinces les plus riches, qui refusent le jeu démocratique et ne veulent pas "payer pour les régions pauvres".

Des groupes d’activistes néofascistes et des bandes paramilitaires subventionnées par la grande bourgeoisie et certains intérêts étrangers installent un climat de peur dans les communautés indigènes. Rappelons-nous ce que sont devenus la Colombie et le Guatemala, rappelons-nous surtout la démocratie chilienne, assassinée le 11 septembre 1973 après un processus identique de déstabilisation.

On peut tuer une démocratie aussi par la désinformation. Non, Evo Morales n’est pas un dictateur. Non, il n’est pas à la tête d’un syndicat de trafiquants de cocaïne. Ces images caricaturales sont véhiculées chez nous sans la moindre objectivité, comme si l’intrusion d’un président indigène et la montée en puissance de citoyens électeurs indigènes étaient insupportables, non seulement aux oligarchies latino-américaines, mais aussi à la presse bien pensante occidentale.

Comme pour démentir encore plus le mensonge organisé, Evo Morales appelle au dialogue, refuse d’envoyer l’armée et met même son mandat dans la balance.

J’en appelle solennellement aux défenseurs de la démocratie, à nos dirigeants, à nos intellectuels, à nos médias. Attendrons-nous qu’Evo Morales connaisse le sort de Salvador Allende pour pleurer sur le sort de la démocratie bolivienne ?

La démocratie est valable pour tous ou pour personne. Si nous la chérissons chez nous, nous devons la défendre partout où elle est menacée. Il ne nous revient pas, comme certains le prétendent avec arrogance, d’aller l’installer chez les autres par la force des armes ; en revanche, il nous revient de la protéger chez nous avec toute la force de notre conviction et d’être aux côtés de ceux qui l’ont installée chez eux.

Danielle Mitterrand est présidente de France Libertés.


 Source : Le Monde www.lemonde.fr




Tensions extrêmes en Bolivie : l’ambassadeur américain travaille à la scission du pays, par André Maltais.






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