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Tensions extrêmes en Bolivie : l’ambassadeur américain travaille à la scission du pays, par André Maltais.



Evo Morales - Rigoberta Menchu.






Philip Goldberg






L’aut’journal 20 décembre 2007.


Le gouvernement bolivien d’Evo Morales a finalement sa nouvelle constitution ! Mais, après seize mois d’hostilités de toutes sortes de la part des secteurs de la droite, c’est dans un climat de tension, marqué par le spectre de la sécession et de la guerre civile, que se prépare le référendum par lequel la population doit approuver ou rejeter le document.

Depuis l’élection d’Evo Morales, la stratégie des « comités civiques » des riches départements de Santa Cruz, Pando, Beni, et Tarija, a consisté à ethniciser le conflit avec le gouvernement.


Partitionnistes et racistes, les deux font la paire.

Cette ethnicisation s’accompagne de revendications « partitionnistes » demandant que la nation « Camba » (blancs et métis des départements de l’Est) se sépare de la nation « Criolla » (indigènes de l’Ouest, qualifiés de « paresseux », « passéistes » et de « boulet au pied » des classes riche et moyenne).

Le 25 novembre, de violents affrontements, provoqués par une oligarchie minoritaire mais disposant de moyens tels qu’elle semble omniprésente, faisaient trois morts et plusieurs centaines de blessés, à Sucre, où l’Assemblée constituante venait tout juste de mettre fin à ses travaux.

Ils survenaient après d’innombrables tentatives de paralyser les travaux constitutionnels, appels à la désobéissance civile et au boycottage économique, grèves « civiques » encadrées par des « groupes de choc » armés, vétos du Congrès contre une centaine de lois proposées par le gouvernement, de même que calomnies et incitations à la haine aussitôt véhiculées en abondance dans les médias.

Devant le manque de fermeté du gouvernement qui craint manifestement de paraître répressif, l’oligarchie est parvenue à se gagner l’appui de plusieurs éléments de la classe moyenne, notamment dans les universités et les capitales départementales.

Tout ça pour une nouvelle constitution qui, pourtant, garantit la propriété privée, l’investissement étranger et les autonomies départementales réclamées par cette même droite.


Une constitution pour le peuple.

Mais cette même constitution garantit aussi les langues et les modes de vie indigènes ; déclare « droits de l’homme », l’eau, l’énergie, la lumière et les communications ; et permet de révoquer en tout temps, par référendum, les mandats des représentants politiques à tous les niveaux d’administration.

De plus, un article limitant la propriété des terres n’a pas obtenu les deux tiers des voies des membres de la Constituante et doit faire l’objet d’un référendum, ce qui est loin de rassurer les grands propriétaires terriens.


Gaz naturel et partition.

C’est en juin 2006 que les quatre départements où se concentrent les principales réserves de gaz naturel du pays, ont voté en faveur des autonomies départementales, lors d’un référendum impulsé par l’ex-président par intérim, Carlos Mesa.

Cette région, en forme de demi-lune, représente la moitié orientale du territoire bolivien. L’autre moitié, formé des départements de La Paz, Chuquisaca, Cochabamba, Potosi et Oruro, avait voté « non ».

Ces référendums suivaient de peu l’arrivée de l’un des plus beaux cadeaux qu’ait reçu la caste réactionnaire de Santa Cruz, soit l’ambassadeur états-unien, Philip Goldberg.

Dès le 13 juillet 2006, Leopoldo Vargas, journaliste au quotidien El Deber de Santa Cruz, prédisait que l’expérience acquise par Goldberg en ex-Yougoslavie n’allait pas tarder à être utilisée contre le gouvernement d’Evo Morales.


Artisan de la désintégration de la Yougoslavie.

Avant son arrivée en Bolivie, Goldberg s’est beaucoup promené dans les Balkans durant les années 1990 et, cela, jusqu’à la chute et au procès du président serbe, Slobodan Milosevic.

De 1994 à 1996, il occupe en Bosnie le poste d’assistant spécial de l’ambassadeur états-unien, Richard Holbrooke, artisan de la désintégration de la Yougoslavie. Il sera également chef de la délégation états-unienne à la Conférence de Dayton qui a consacré la partition de la Bosnie.

Entre 2001 et 2004, on le retrouve au Chili mais il retourne ensuite dans les Balkans pour y diriger la mission états-unienne à Pristina (capitale du Kosovo) et encourager la séparation du Montenegro.

Goldberg est donc très familier avec des processus de « décentralisation » et « d’autonomie » à l’origine d’une décade de guerres civiles ethniques en Bosnie, Croatie, Macédoine et Albanie, suivie par l’intervention militaire états-unienne contre la Serbie et la présence de troupes de l’OTAN et de l’ONU pour « pacifier » la région.

Le processus d’exacerbation du racisme et des autonomies séparatistes que connaît en ce moment la Bolivie coïncide avec l’arrivée en poste de Goldberg, en 2006, mais aussi avec la présence d’une importante minorité croate parmi l’élite de la région de Santa-Cruz qui est à l’origine du concept de la « nation Camba ».

L’agroindustriel, Branko Marinkovic, président de Comité civique de Santa-Cruz et un des plus farouches opposants au gouvernement, est d’origine croate.


Les concessions à la droite ne règlent rien.

Héritier de ces cadeaux empoisonnés (autonomies départementales et Philip Goldberg), Evo Morales a d’abord cherché à pactiser avec l’oligarchie en faisant inscrire les « autonomies départementales » dans la nouvelle constitution.

Cela n’a pas du tout calmé la droite qui, au contraire, a joué cette carte à fond. Au début de 2007, le préfet du département central de Cochabamba, Manfred Reyes Villa, dont le département avait pourtant voté contre les autonomies, menace de tenir un second référendum portant sur « l’annexion » de son département à la demi-lune de l’Est.

La population indigène descend aussitôt dans la rue où, mobilisée par le préfet lui-même, l’attendent des sympathisants de la milice de l’Union des jeunes de Santa-Cruz. Pendant que des milliers de fils à papa, armés de bâtons de baseball et barres de fer, s’en donnent à coeur joie dans le plus pur style hitlérien, Reyes Villa s’enfuit à Santa-Cruz où il rencontre ... Philip Goldberg !

Manfred Reyes Villa est un ex-capitaine de l’armée, lié à la dictature de Hugo Banzer et ses liens avec la CIA sont sans équivoque.


Bras de fer.

Le ministre bolivien de la présidence, Juan Ramon Quintana, accuse quant à lui l’agence états-unienne d’aide internationale (USAID) de préparer « l’après Morales » et d’y consacrer une bonne part des 120 millions de dollars que reçoit annuellement la Bolivie.

Quintana affirme que l’argent transite par une firme de consultants, Chemonics International, et est destinée à la création de partis politiques modérés pouvant s’avérer un contrepoids au MAS (parti du gouvernement actuel) et à ses successeurs.

La population bolivienne, qui commence à en avoir assez de la tolérance du gouvernement face à une oligarchie qui ne respecte pas les lois du pays, se prépare maintenant à approuver par référendum la nouvelle constitution (au cours du premier semestre de 2008) et à affronter la droite sur la question des autonomies.

Comme celles-ci sont liées à l’Assemblée constituante, les soi-disant comités civiques font semblant de croire que si le référendum populaire approuve la Constituante, leurs départements seront de facto autonomes.

C’est ainsi que le 12 décembre, l’Assemblée provisoire autonome de Santa-Cruz sanctionnait unilatéralement le statut d’autonomie de la région et que le préfet du département, Ruben Costas, menaçait le gouvernement de ne pas s’aviser ni d’envahir ni de militariser la région.

De son côté, Evo Morales met son poste en jeu et annonce la tenue d’un référendum révocatoire si la nouvelle constitution est approuvée. En plus du mandat du président, celui-ci pourrait permettre à la population de révoquer le mandat des préfets.

André Maltais


 Source : L’aut’journal www.lautjournal.info




Bolivie : Une autre cible pour Washington ? par Juana Carrasco Martin.


Bolivie : Réforme agraire et réappropriation territoriale indigène, par Charles-André Udry.


Dossier Bolivie - Pour réparer cinq siècles d’ esclavage, le peuple termine, pas à pas, d’ écrire sa nouvelle Constitution, par Benito Perez.






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