Dimanche 18 novembre 2007.
A quand les "journalistes" en tenue anti-émeute, appelant à tirer sur les ennemis de la liberté de la presse ?
L’ éditorial du Monde "Haro sur les médias !" du 17 novembre pose deux problèmes.
Premièrement, la vérité présentée comme factuelle et évidente ne l’est pas du tout : la majorité des français soutiendrait la liquidation des régimes spéciaux des cheminots. Il conviendrait de rappeler que si 53% des suffrages exprimés se sont portés sur Sarkozy le 6 mai, cela ne veut pas dire que tous ces gens avaient lu et approuvé son programme !
Cela veut surtout dire qu’il s’est trouvé une majorité des participants au vote pour voir une volonté d’aller de l’avant dans Sarkozy, par rapport à la crise sociale que vivent de larges couches. S’ils ont eu ce sentiment (en clair s’ils ont été piégés) c’est parce que la gauche leur a offert le pire d’elle-même et qu’au pouvoir elle ne cesse depuis trois décennies de montrer qu’elle ne veut pas faire autrement que la droite, si ce n’est en un peu moins rapide.
Mais ce sentiment de couches relativement nombreuses de petits salariés et de petits patrons, commerçants ..., qui vont vers là où ils sentent qu’il y a de la force, est réversible. Et justement de puissantes luttes sociales des salariés peuvent les retourner : les sarkozystes malgré leur désir n’en sont pas du tout au stade d’organiser des contre-manifs sérieuses d’ "usagers".
Donc la volonté journalistique d’affirmer que "l’opinion" soutient "les réformes" n’est pas de l’information, mais constitue un engagement actif dans la bataille aux côtés de Sarkozy, contre les cheminots. Comme tout représentant de l’ordre dominant, le "journaliste" se croit et se veut, en général sincérement, neutre, et pense que les faits qui contredisent ses affirmations sont de l’idéologie. Mais il n’est pas neutre, et les cheminots le traitent comme ce qu’il est réellement.
L’information réellement objective consisterait à présenter "l’opinion" comme un enjeu au lieu de dire à "l’opinion" ce qu’elle est censée déjà penser. Ce procédé a déjà été utilisé en 2005 lors du référendum et a échoué ; il est probable que certains "journalistes" en ont gardé un immense dépit. Les mêmes qui invoquent le vote du 6 mai en faveur de Sarkozy ne s’interrogent évidemment pas sur la crainte visible du suffrage universel du même Sarkozy à propos de son "traité européen simplifié".
Mais cet édito du Monde va plus loin et pose un second problème.
Puisque qu’il a été décidé que la vérité objective et "l’opinion" sont contre les cheminots, alors tout ce qui contredit cette décision partisane qui se croit neutre est dénoncé comme ... atteinte à la liberté de la presse. Ceux dont on liquide les droits sont dénoncés comme de dangereux totalitaires. Pour l’éditorialiste du Monde, Sarkozy ne fait pas de pression sur les médias, mais les cheminots, si. Les cheminots menacent la liberté de la presse ! A quand les "journalistes" en tenue anti-émeute, appelant à tirer sur les ennemis de la liberté de la presse ?
Il y a d’ailleurs journaliste et journaliste. Ceux qui, notamment dans la presse régionale, viennent réellement voir ce qui se passe, et qui pensent encore que leur métier consiste à dire ce qui se passe, peuvent basculer du côté du réel. Le "journaliste" dont il est ici question, éditorialiste anonyme, c’est le patronat de la presse fait plume. Ce dont il faut se débarasser pour qu’il y ait un jour dans ce pays de véritables journalistes et une véritable presse.
Derrière sa dénonciation de la vindicte des cheminots, il y a l’appel à la vindicte contre les cheminots. L’éditorialiste a peur. La vraie raison en est celle-ci : l’ "opinion publique", cette grande sotte, devient intelligente quand et seulement quand un nombre croissant de travailleurs, de citoyens, prennent en main leurs propres affaires. L’éditorialiste a peur que cela se produise, par exemple mardi avec la conjonction des fonctionnaires, des étudiants, des cheminots et des salariés du bâtiment (une "information" qu’il ne donnera évidemment pas). C’est parce que l’édifice de la peur, de la vindicte et de l’intimidation par l’ "opinion publique" pourrait s’effondrer que le "journaliste" peste contre ce qui serait l’effondrement de son objectivité imaginaire et de sa neutralité surfaite. C’est parce qu’il commence à ressentir sa propre incapacité à convaincre l’opinion qu’ elle est comme il pense qu’ elle doit être, qu’ il compare les cheminots aux régimes politiques dictatoriaux, pour justifier la violence et l’intimidation à laquelle il se prépare.
Comme tout ceux qui se préparent à taper, il se présente à l’avace comme victime. Mais l’escalade violente de l’éditorialiste du Monde doit être comprise pour ce qu’elle est : un symptôme de peur, donc encouragement pour nous.
Vincent Présumey
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