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Mangeons du chocolat belge

Par Uri Avnery, fondateur de Gush Shalom.

Nous publions ce texte de Uri Avnery, fondateur de Gush Shalom, daté du 22 février 2003. Si vous souhaitez mieux connaître l’auteur, nous vous invitons à lire cette cette interview réalisée par le journal Rouge le 29 décembre 2000 : lire.

Traduction : CCIPPP

"Ne mangez pas du chocolat belge", a ordonné le consul israélien en Floride à la vaste communauté juive du lieu.
En Israél les jurons anti-belges ont atteint un crescendo assourdissant. Belgique Misérable, Belgique Folle, Belgique Megalomaniaque, et encore et toujours, Belgique anti-sémite, Belgique Neo-nazi !

L’ambassadeur israélien a été, évidemment, rappelé de Bruxelles. Qui s’étonnerait : comment pourrait Israél maintenir un ambassadeur dans la capitale de l’anti-sémitisme ?
La tourmente a éclaté quand une cour belge a décidé qu’Ariel Sharon peut être poursuivi pour crimes de guerre présumés, mais seulement lorsqu’il aura quitté son poste de Premier Ministre d’Israel. Les officiers de l’armée israélienne connectés avec le massacre des camps de réfugiés de Sabra et Shatila en 1982 peuvent être poursuivis encore maintenant.

Dans un programme de la TV israélienne, le présentateur, un avocat, l’a dit comme ceci : "La Belgique anti-sémite veut juger des officiers d’un pays second pour des crimes commis dans un pays tiers, alors que les accusés n’ont aucune connection avec la Belgique, ne sont pas sur le territoire Belge et l’affaire en général ne concerne pas la Belgique. C’est de la mégalomanie, en réalité une matière pour des psychiatres".

"C’est étrange", j’ai répondu au programme, "il me semble me souvenir d’un cas où le pays A a kidnappé dans le pays B le citoyen du pays C pour avoir commis dans le pays D des crimes contre les pays E, F et G, et tout ceci malgré le fait que les crimes ont été commis avant que le pays A existe.
Je voulais dire, évidemment, le jugement de Adolf Eichmann, avec lequel nous étions tous d’accord.
"Comment pouvez-vous comparer les deux !" ont crié outrés les autres participants au programme. Et de fait, comment peut-on comparer les actions des Juifs avec des actions des goys commises contre les Juifs ?

Bien, c’étaient les juifs qui ont démandé, après la deuxième guerre, que tous les pays traînent en justice les criminels de guerre nazis et leurs alliés. Eichman a été jugé en Israél selon la loi israélienne "loi pour amener les nazis et leurs collaborateurs à la justice", qui ne reconnaît pas de frontières. Plus récemment, la Knesset a adopté une autre loi qui permet aux cours israéliennes de juger des coupables de n’importe quel crime commis contre des Juifs n’importe où dans le monde. Si c’est celà , qu’y-a-t-il de mal avec la loi belge de "juridiction universelle" qui permet aux cours belges de juger des criminels de guerre de partout dans le monde ?

Immanuel Kant a promulgué l’impératif catégorique : "Agis comme si la maxime de ton action devait être érigée par ta volonté en loi universelle de la nature". Mais alors, Kant était probablement anti-sémite.

Il y a des centaines d’années, le monde a adopté une doctrine légale qui permet à chaque pays de juger et pendre les pirates, indépendamment de leur identité ethnique, leurs origines ou zones d’activité. Le postulat était que le pirate est un ennemi de l’humanité entière, et qu’en conséquence chaque pays a le droit -et en fait le devoir - de le juger.

La loi belge contre les crimes de guerre est un pas dans la même direction, et j’espère que beaucoup de pays suivront. Bien entendu, il serait mieux que la Cour Penale Internationale de La Haye remplisse ce devoir, mais il se passera beaucoup de temps avant qu’elle le puisse. Des pressions politiques immenses sont exercées, des limitations imposées, elle est liée pieds et mains. Pire encore, la seule super-puissance, les Etats Unis, essaye ouvertement de la détruire (comme elle a détruit la Ligue des Nations après la première guerre).
Mon rêve est qu’avant la fin du 21è siècle, un nouvel ordre mondial unificateur, dirigé par un parlement mondial, soit créé. Cet ordre doit inclure une cour mondiale et une police mondiale, qui jugeront des conflits entre les nations de la manière que les cours nationales jugent aujourd’hui des conflits entre les gens. Le chemin est long et plein d’obstacles, des dizaines d’années passeront avant que l’humanité arrive à ce stade. Mais nous devons tendre vers ce but. En attendant, d’autres pays doivent suivre l’exemple belge pour progresser dans ce sens. Surtout en ce qui concerne les crimes de guerre.

Certains diront que nous ne devrions pas extrader nos concitoyens, qu’il est du devoir de chaque état de juger ses propres criminels de guerre. Mais cela est une utopie : aucun pays au monde ne l’a réellement fait. C’est bien naturel : non seulement les états sont peu inclins à admettre de tels crimes honteux et ils essayent de les cacher, mais en général les crimes en question sont commis par des agents de l’état lui-même.

L’affaire de Sabra et Shatila est un bon exemple. Voici un bref résumé des faits : à l’été 1982, l’armée israélienne a envahi Beirut Ouest, en violation d’un compromis explicit passé avec le médiateur américain Phillip Habib de ne pas le faire. A ce moment les forces OLP avaient déjà quitté la ville.

A partir de ce moment-là , Beirut Ouest, y compris les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Shatila, sont devenus un territoire occupé par les Israéliens, rendant I’armée israélienne responsable de tout ce qui s’y passait ; après l’occupation, le IDF a permis au "phalangistes", membres d’un groupe maronite chrétien extremiste, d’entrer dans les deux camps. Ces gens avaient déjà commis d’abominables massacres dans d’autres camps de réfugiés. Ils étaient dirigés par un tueur de masses bien connu, Eli Hweika.
Tous les responsables israéliens qui s’occupaient du Liban savaient que les phalangistes étaient en train de commettre des atrocités pour obliger les palestiniens terrorisés de quitter le Liban.

Quand le cabinet israélien a été informé de l’intention de l’armée de laisser entrer les phalangistes, le ministre David Levy, né au Maroc, a prévenu que cela causairait un désastre. Ses collègues ont ignoré ses avertissements.
Dès qu’ils sont entrés dans les camps, les phalangistes ont commencé à massacrer hommes, femmes et enfants sans discrimination.

Le commandant de l’action, Eli Hweika, observait la scène depuis le toit du poste de commande israélien, qui se trouvait près des camps. Les officiers de la division israélienne, General Amos Yaron, ont entendu Hweika donnant des instructions à ses hommes par walki-talkie de tuer les femmes et les enfants aussi. Ils se sont dépéchés d’informer Yaron mais celui-ci a ignoré le message. (Plus tard il a admis : "nos sens étaient émoussés")
Pendant la nuit, avec le massacre en progrès (il a duré en tout trois jours), le chef du personnel israélien, General Raphael Eytan, a ordonné à l’armée d’accéder aux demandes des phalangistes d’éclairer la zone avec des fusées éclairantes. Il a également fourni un tracteur (qui a servi, on suppose, à enterrer les cadavres).

Un jeune officier israélien qui a entendu des histoires horribles des femmes terrorisées qui avaient réussi à se sauver des camps, courait d’un officier à l’autre, les suppliant d’intervenir. Ils ont tous refusé.

Le gouvernement Begin a refusé une investigation indépendante. Au cours d’une manifestation énorme à Tel-Aviv ( la manif des quatre cent mille) nous avons poussé le gouvernement à engager un commité

Dans ses conclusions, le comité a trouvé que le ministre de la Défense (Sharon), le chef du personnel et nombre d’autres officiers portaient une "responsabilité indirecte" pour le méfait. Certains d’entre nous avons argué à l’époque que le comité s’était écrasé pour protéger la réputation du pays, et que de ces même faits on aurait pu tirer des conclusions d’une plus grande portée.

Le comité a recommandé, entre autres de congédier le Ministre de la Défense et de retirer à Yaron la commande effective des troupes. Mais le comité n’a pas récommandé de congédier Sharon totalement du gouvernement et de la vie publique, et il n’a pas davantage démis Yaron de ses fonctions dans l’armée. Il n’a pris aucune mesure contre le chef d’état major, car il approchait de la fin de son service de toutes façon. D’autres officiers ont écopé de peines mineures.

Aujourd’hui, Sharon est premier ministre, il commande en pratique l’armée, et Amos Yaron est directeur général du ministère de la Défense. En fait, tous les accusés du rapport Kahan ont eu des promotions.
Mieux encore, aucun de ceux suspectés de responsabilité pour le massacre ont jamais été trainés en justice.

Après la promulgation de la loi belge de juridiction universelle, les survivants du massacre ont poursuivi Sharon et les officiers à Bruxelles. C’est là la cause de ce vacarme.

Personne ne met en question l’intégrité du système judiciaire belge. Si Sharon et ses hommes sont surs de leur innocence, pourquoi n’accepteraient-ils pas le jugement et la prouver ? Après tout, le gouvernement israélien a mis à leur disposition ses meilleurs avocats, payés par l’état. (On pourrait se demander, bien sûr, pourquoi je devrais payer pour la défense de gens jugés pour prétendus crimes de guerre. Mais, passons).

Tout ceci n’a rien à voir avec l’anti-séminitisme. L’utilisation de cette diffamation contre quiconque ose critiquer Sharon et ses collègues me rapelle un des dictons du Dr. Samuel Johnson : "Le patriotisme est le dernier refuge du scélérat". De sorte que vous pouvez manger du chocolat belge. Même si c’est de l’amer.

Ce message est relayé par l’Association France Palestine Solidarité de Nantes. Il est possible de vous abonner, gratuitement, à sa liste de diffusion. Il suffit d’adresser une demande succincte à l’adresse : afpsnantes@wanadoo.fr


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