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Les victimes invisibles de la Californie brûlée, par Luca Celada.








Il manifesto, Los Angeles, samedi 27 octobre 2007.


On les appelle « reverse 911 » (comme le 15 « à l’envers ») les appels téléphoniques de la police aux résidents des zones à risque pour leur notifier l’ordre d’évacuation quand les flammes approchent de leurs quartiers.

Ces dernières semaines il y en a eu des centaines de milliers aux résidents des quartiers des faubourgs assiégés par les incendies californiens. A ceux du moins qui ont le téléphone ; à la différence des milliers d’autres qui appartiennent par contre à la population « ombre » d’une des aires les plus riches d’Amérique, ces gens invisibles qui vivent, souvent dans des campements clandestins, dans des baraques et des tentes plantées dans les canyons à l’écart des villes où ils travaillent au noir : comme gardiens, jardiniers, hommes de service et surtout comme force de travail à bas prix dans les champs de l’Etat qui a le plus florissant secteur agricole d’Amérique. Elles appartenaient aussi à cette population traquée les quatre personnes dont on a retrouvé les restes carbonisés, quelques heures après le départ de Georges Bush, avant-hier (25 octobre, ndt), au fond d’un escarpement derrière San Diego, où ils avaient désespérément cherché à se réfugier des flammes. Quatre des deux millions de « non-personnes » qui, après le bref mouvement pour les droits des immigrés de l’an dernier, sont aujourd’hui les victimes désignées des rafales de haine qui ont soulevé une vague de xénophobie en Californie et dans tout le pays.

La chasse au sans papier, à coups de rafles nocturnes et de bile déversée sur les blogs, a rendu plus dramatique encore le « sale » secret de cette économie opulente. Pendant que les quatre, trois hommes et une femme sans noms, mouraient dans l’incendie du champ où ils avaient essayé de disparaître de la vue de la société de l’abondance, qui attend leurs services mais nie leur existence, un autre épisode de « justice ethnique » avait lieu quelques kilomètres au nord sur la côte, dans le stade de San Diego transformé en centre pour 10.000 réfugiés.

Le Qualcomm stadium a été le fleuron de ce désastre, géré par les agences de presse comme fond modèle pour les opérations de secours et pour les photos de gouverneur. Et immédiatement désigné par les journaux comme l’anti-Superdome, ce chaos infernal où, après l’ouragan Katrina, des milliers de noirs de New Orléans avaient été abandonnés à eux-mêmes. Le centre de réfugiés « de luxe » a eu à sa disposition des cappuccinos offerts par Starbucks, des revues gratuites, des menus variés et même des massages pour soulager le stress. Du moins pour les bons réfugiés ; de fait, mercredi (24 octobre, ndt), comme le rapportait un entrefilet dans les pages intérieures des journaux, six clandestins ont été arrêtés au Qalcomm pour « vol de nourriture ». Tolérance zéro donc sur l’alimentation « illicite », et après la déportation sommaire des six, quatre adultes et deux enfants coupables d’avoir ôté la nourriture de la bouche des ayant droits, une vingtaine de familles « non anglophones » ont quitté le centre.

Episode emblématique de la guerre aux pauvres et aux autres qui désormais prévaut en Californie et dans le pays où une démagogie « nativiste », habilement instrumentalisée, est en train de porter ses fruits empoisonnés. Les « clandestins » qui ont aussi perdu dans le chaos californien ces lambeaux de vie précaire qui leur permettait de rassembler quelques sous pour construire leurs remises au Mexique, vivent un désastre caché, hors champ, jamais repris dans le champ des caméras de télés qui filment l’assistance compatissante de Bush et Schwarzenegger.

Après le barbelé de 2000 kilomètres sur la frontière avec le Mexique, et les murs d’enceinte qui fortifient les très blanches enclaves des faubourgs de la campagne californienne, voici une autre frontière sur une tragédie qui écrit les règles de la citoyenneté. Noble si on a des papiers en règle et un hors-bord au garage, criminel quand on est sans passeport.

Luca Celada


 Source : il manifesto www.ilmanifesto.it

 Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio




Immigration corvéable : le « Permis Z » de G.W. Bush soutenu par une majorité du Sénat, par Jean Batou.


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Lorsque l’on tente, comme ce fut le cas récemment en France, d’obliger une femme à quitter la Burqa plutôt que de créer les conditions où elle aurait le choix, ce n’est pas une question de libération mais de déshabillage. Cela devient un acte d’humiliation et d’impérialisme culturel. Ce n’est pas une question de Burqa. C’est une question de coercition. Contraindre une femme à quitter une Burqa est autant un acte de coercition que l’obliger à la porter. Considérer le genre sous cet angle, débarrassé de tout contexte social, politique ou économique, c’est le transformer en une question d’identité, une bataille d’accessoires et de costumes. C’est ce qui a permis au gouvernement des Etats-Unis de faire appel à des groupes féministes pour servir de caution morale à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Sous les Talibans, les femmes afghanes étaient (et sont) dans une situation très difficile. Mais larguer des "faucheuses de marguerites" (bombes particulièrement meurtrières) n’allait pas résoudre leurs problèmes.

Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

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