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La leçon du 18 octobre : grèves branche par branche, nous n’ avons aucune chance, nous serons défaits, par Vincent Présumey.




Grèves branche par branche ?? Voilà ce qui nous attend...






Dimanche 21 octobre 2007.


C’ est tous ensemble, que nous déferons Sarkozy !


Ce jeudi 18 octobre s’est produit la plus grande grève des cheminots, électriciens, gaziers et agents de la RATP que l’on ait vue depuis longtemps, les taux officiels de grévistes ayant dépassé ceux de 1995 et l’encadrement s’étant en grande partie joint à la grève. Cette force s’est appuyée sur le mouvement des militants syndicaux, sections locales et départementales, qui, contre les consignes venues des directions nationales, ont voulu faire du 18 octobre non pas une journée sectorielle des seuls "régimes spéciaux", mais le premier affrontement social national du salariat avec Sarkozy -condition absolue pour que le combat en défense des régimes dits spéciaux puisse être mené.

Ils y sont parvenus, et ont donc réalisé aussi une journée de manifestations de grande ampleur, malgré les obstacles mis sur leur route :

- volonté acharnée d’enfermer la grève du 18, contre toute vérité, dans les cadres d’une grève sectorielle, conduisant à l’activisme anti-grève de certains responsables CFDT ou UNSA ;

- mais aussi consigne interne à la CGT de lâcher la revendication commune du retour au 37,5 annuités pour tous, opposant contre toute logique la revendication du droit à la retraite à taux plein à 60 ans aux 37,5 annuités, meilleur moyen de laisser Sarkozy isoler les cheminots, et n’ayons pas d’illusions, étape préalable vers l’abandon des 60 ans eux-mêmes, étape suivante de la reculade ;

- mais aussi déclaration de Bernard Thibault évitant soigneusement de ne jamais se prononcer sur le retrait de la "réforme" de Sarkozy et Fillon et demandant "que soit modifié le cadre de la réforme"  ;

- mais aussi communiqué des fédérations de fonctionnaires du 1° octobre, décidant de ne pas appeler ensemble à la grève le 18, et, contre celle-ci, mettant en perspective une grève éventuelle de la seule fonction publique en novembre, et entraînant le refus de la FSU et de ses principaux syndicats nationaux d’appeler nationalement à la grève.

C’est donc sur un parcours véritablement semé d’embûches que des milliers de militants syndicaux, de larges secteurs de la classe ouvrière, se sont frayés un chemin vers le 18 octobre et ont fait de cette journée une mauvaise nouvelle pour Sarkozy.


Cette démonstration de force intervient dans une situation qui reste marquée par la victoire du capital que constitue l’élection de Sarkozy le 6 mai dernier. Les sondages sont bien entendu à prendre avec prudence, et l’on sait que la mobilisation du salariat, quand elle redonne une perspective à de larges couches de la société, fait toujours bouger les lignes ; mais il reste vrai que la possibilité, pour les médias, de produire des sondages hostiles à la grève des transports, dont ils ne manquent évidemment pas de souligner le contraste avec l’état d’esprit de l’ "opinion publique" en 1995, est aussi un élément de la situation. Loin de devoir conduire les militants ouvriers à minorer leurs revendications, elle doit au contraire les pousser à expliquer, expliquer et encore expliquer, que branche par branche on n’y arrivera pas, et que c’est le droit commun de tous les salariés, actifs, chômeurs, retraités et en formation, qui sont la majorité, qui est la revendication commune, donc les 37,5 annuités pour tous et la retraite à taux plein à 60 ans, mais que cette revendication élémentaire, parfaitement réalisable eu égard aux richesses produites, heurte de front le système capitaliste et ses représentants et pose la question d’une perspective politique pour défaire Sarkozy et imposer un gouvernement et un régime réellement démocratiques, au service de cette majorité.

Notre rôle est donc avant tout de poursuivre et d’amplifier ce travail d’explication et d’organisation, en s’appuyant sur l’appel Le droit de grève n’est pas négociable ! et les comités formés sur sa base, en poursuivant les discussions qu’il permet d’avoir entre militants ouvriers, en amplifiant également la campagne pour l’abrogation de la loi Pécresse contre les étudiants. Le mouvement réel est ascendant, mais il ne peut que prendre son temps, car il mesure les obstacles, il cherche une issue politique que, pour l’heure, il n’a pas, et il fait suite à la l’élection de Sarkozy. Des accélérations de la lutte des classes sont toujours possibles mais le rôle des militants qui veulent aider leur classe à s’organiser pour construire l’issue politique n’est pas de pousser à l’accélération, qui aura lieu à un moment ou un autre, mais d’armer les travailleurs pour préparer la victoire dans cet affrontement. Et les armes sont politiques, elles passent par la conscience, la discussion, l’organisation.

C’est ainsi que la grève reconductible des cheminots à partir du 18 octobre n’était possible que sur la base d’une large extension de la grève à d’autres secteurs, d’un soutien actif de ces autres secteurs, hors de quoi il serait fou de s’imaginer que, comme les gouvernants anglais se préparant à la grève des mineurs au début des années 1980, le gouvernement et les patrons n’aient pas calculé leur action pour isoler et casser une grève reconductible. Soyons clairs : si elle a lieu, notre premier devoir sera d’appeler au soutien, à l’extension, au "tous sur les voies". Mais la masse des cheminots, indépendamment de la pression exercée par la direction de leur fédération CGT, sentait que les choses n’étaient pas suffisamment mûres. Beaucoup cependant souhaitaient tester, et il est très significatif et important que, de Sotteville les Rouen à Lyon Perrache, des AG de cheminots appelées par SUD-Rail et FO aient voté la reconduction dans la soirée et la nuit du 18 au 19. Il était justifié que les syndicats déposent des préavis reconductibles, comme l’ont fait de nombreuses sections CGT contre la consigne de leur fédération. Mais le test était justifié, la masse des cheminots ne pouvait qu’assez normalement être méfiante envers le plan du pouvoir de les isoler et se disposer plutôt à attendre la réunion de leurs directions fédérales prévue le lundi 22.

Dans la soirée du 18, le ministère des transports a en outre fait une concession aux seuls conducteurs de trains, en promettant, d’ailleurs sans véritables garanties, qu’ils partiraient en retraite à 55 ans (contre 50 ans actuellement) là où les autres cheminots seraient mis à 60 ans. Cette manoeuvre montre au passage que le problème pour le gouvernement n’est absolument pas le financement des retraites, ni l’abolition de prétendus privilèges catégoriels, mais uniquement l’enjeu politique et social de passer sur le corps des cheminots pour briser toute la classe ouvrière. Elle montre l’inanité de la tactique "branche par branche" poussée jusqu’à l’extrême, "métier par métier", par la FGAF, le syndicat autonome des conducteurs qui, prétendant avoir obtenu cette promesse, a appelé les conducteurs à la reprise. La direction de la fédération CGT peut à bon droit protester contre cette rupture de l’unité des cheminots, mais confiner le combat des cheminots dans la défense de leur "régime spécial" en l’isolant de la revendication commune du salariat de retour aux 37,5 annuités pour tous ne relève-t-il pas à une autre échelle de la même méthode ?

La grève reconductible des cheminots n’était et n’est concevable qu’étayée sur la mobilisation de toute la classe ouvrière. Or, celle-ci, répétons-le, prend son élan doucement, massivement. La perspective de l’affrontement central avec Sarkozy, qui est une question politique, pose à terme la question de la grève générale, mais c’est là un aboutissement et non une chose à organiser immédiatement. "Ce n’est pas la grève en masse qui nourrit la révolution [la lutte pour la lutte], c’est la révolution qui nourrit la grève en masse." (Rosa Luxembourg), c’est la perspective, l’organisation et l’explication politiques qui ouvrent la voie du combat.

Dans l’immédiat, une question importante doit être posée : si la loi anti-grève dans les transports terrestres qui doit s’appliquer au 1° janvier 2008 avait été en application ce 18 octobre et le lendemain, que se serait-il passé ? Ne la renvoyons surtout pas d’un revers de main en disant que la puissance de la grève aurait tout balayé. Car Sarkozy ne calcule pas ainsi : il prépare un affrontement ciblé, sectoriel, pour casser tel ou tel secteur -en l’occurrence les cheminots, ou les chauffeurs de cars. Le combat pour l’abrogation de la loi anti-grève dans les transports terrestres, parce que cette loi est une arme de l’Etat et des patrons, appelée à se généraliser à tous les secteurs s’ils y parviennent, est plus d’actualité que jamais.

Dans l’Allier, l’appel Le droit de grève n’est pas négociable !, présenté par un camarade agent de lycée, militant CGT, à une réunion organisée par le Conseil régional sur les transports ferroviaires, puis dans les manifestations montluçonaise et moulinoise du 18 octobre, a recueilli 142 signatures dont celles du député-maire apparenté PS d’Yzeure et Moulins, du secrétaire fédéral du PCF, de l’adjointe PS au maire de Cusset, de deux conseillers régionaux, un PCF et une Verte, de très nombreux militants et responsables de la CGT, la section départementale FSU soutenant le texte, de plusieurs militants FO à la Poste, au conseil général, dans l’enseignement ...

Les pseudos négociations dans les transports terrestres non ferroviaires sur l’application de la loi anti-grève en sont au point qui a été décrit dans la précédente Lettre de Liaisons, mais les mêmes "négociations" devraient démarrer à la SNCF. Elles n’ont pas plus de légitimité que les "négociations" contre les régimes spéciaux, quel qu’en soit le "cadre" pour parler comme Bernard Thibault. Une vraie négociation, c’est sur les revendications des travailleurs et sur la base d’un rapport de force. Aucune des "négociations" sur les revendications de Sarkozy et des patrons ne sont des négociations. La place des syndicats n’est pas là  : cette discussion doit être portée, sans ultimatums mais sans tabous, partout où le problème se pose, de la base au sommet.

Pendant ce temps, Cécilia et Nicolas se sont officiellement séparés. De même que l’échec du jeu mécanique mais sans élan de l’équipe française de Rugby n’a pas abouti à la victoire à la coupe du monde. Ces "évènements" prennent un sens politique, qu’on le veuille ou non : Sarkozy avait intégré Cécilia à son dispositif en l’envoyant voir Khadafi juste avant de lui vendre le nucléaire, et il avait misé sur une opération d’union nationale autour de l’affairiste Laporte et de son équipe : leur défaite finale devant les Pumas argentin clôt le cycle commencé par le ridicule de la lecture de la "lettre de Guy Môquet" juste avant leur première défaite devant les mêmes Argentins !

Il y a plus important : EADS, Arnaud Lagardère, Denis Gautier-Sauvagnac et les 20 millions d’euros pour "fluidifier les relations sociales"... Dans le ridicule pipole (people) comme dans les grands scandales d’Etat, l’ombre du gouffre, de la chute qui sera d’autant plus dure que gesticulatoire et agressive aura été la fiesta, se dessine pour Sarkozy. S’il y a cette grande ombre, c’est parce que la classe ouvrière française a gardé sa capacité de combat. Le second tour des législatives et le 18 octobre le montrent, le 18 octobre à un niveau supérieur. Patiemment, hâtons nous de tout faire pour l’armer.

Vincent Présumey
http://site.voila.fr/bulletin_Liaisons




Vérités et mensonges sur les régimes spéciaux, par Yves Housson.






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