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Dans le casino financier, la turbulence est permanente.








Alai-Amlatina, Montevideo, Uruguay, 17 août 2007.


La crise boursière met en évidence la fragilié économique et politique de la superpuissance [Etats-Unis]. Les pays de l’Amérique latine devraient accélérer la mise en oeuvre de moyens pour se déconnecter de la folie financière globale.

C’est la crise la plus annoncée des dernières décennies. Il y a au moins deux lectures. A court terme on on essaye, comme l’indique Deloitte Consulting, "d’éviter une débandade". Pour cela les banques centrales du Japon, Suisse, Canada, Australie, de l’Union Européenne et la Réserve Fédérale des Etats-Unis, ont injecté environ 400 milliards de dollars en à peine une semaine. Avec ce chiffre, supérieur au PBI argentin et presque la moitié du brésilien, elles n’ont pas réussi à rassurer les investisseurs et le système financier.

A long terme, c’est la survie du dollar comme monnaie d’épargne, de transaction et de refuge qui est en jeu. Sur ce point, sont apparues des lectures des styles les plus variés. Les économistes et les autorités des finances internationales attribuent l’inquiétude à la chute du marché immobilier et du crédit étasunien. Deux millions de propriétaires sont sur le point de perdre leurs maisons, surtout en Arizona, Californie et Floride, ne pouvant pas supporter les nouvelles conditions que leur imposent les banques pour le remboursement de leurs dettes.

En dépit de cela, "on ne connaît pas l’impact réel de la crise", comme l’indique une des signatures newyorkaises les plus importantes, Graham Fisher. Les analystes tendent maintenant à regarder les crises financières du passé pour essayer de comprendre ce qui peut arriver. Ils regardent, par exemple, l’effondrement de l’indice Dow Jones de 1987 ou la turbulence provoquée par les hedge funds en 1988. D’autres, assurent que le prix du logement dans certains états des Etats-Unis s’est effondré comme en 1929.

Que peuvent faire les Etats-Unis ? Et l’Union Européenne ? Selon Paul Craig (ex secrétaire adjoint du Trésor sous le gouvernement Reagan) peu ou rien. La Réserve Fédérale, qui dans une autre situation pourrait baisser les taux d’intérêt pour affronter la situation, ne peut pas bouger simplement parce cela ne dépend déjà plus d’elle-même mais de la Chine. Ses réserves s’élèvent à 1.2 milliards de dollars. La Chine a trois fois plus de réserves que les douze pays de la zone Euro. Si elle décidait de se défaire de ses 900 milliards qu’elle possède dans des titres du Trésor étasunien, le dollar connaîtrait une forte et soudaine dévaluation, plus aigüe que celle dont il souffre ces dernières années. D’autres pays feraient la même chose, aussi le dollar cesserait de fonctionner comme monnaie "universelle".

Contrairement à des chocs précédents, comme la « Tequila » de 1995, la crise asiatique de 1997, la crise russe de 1998 ou argentine de 2001, celle-ci a eu son épicentre au oeur du système. C’est là où il faut chercher la clé de la situation en cours. La superpuissance est arrivée à son apogée entre 1945 et 1970. Dans les années 50, 60% de la production industrielle mondiale était localisée aux Etats-Unis. Aujourd’hui à peine plus de 20%. Presque 50% des titres du Trésor étasuniens sont dans des mains étrangères. C’est un pays dépendant qui depuis 1970 consomme plus que ce qu’il produit.

Le capitalisme financier, virage qui s’est produit vers des débuts des années 70, est la cause de la déstabilisation permanente que nous vivons. La relation entre des actifs financiers et la production a augmenté de 109% en 1980 à 316% en 2005, mais a atteint 303% dans la zone Euro, qui a eu la plus grande croissance relative, et 405% aux Etats-Unis. Mais le monde financier n’est pas centré sur les prêts à long terme mais sur les transactions, ce qui élève considérablement le risque. Et les possibilités de s’enrichir d’un coup. La quantité de hedge funds a augmenté de 610 en 1990, à 9.575, au premier semestre de cette année.

Comme l’écrit Martin Wolf, dans le Financial Times du 28 juillet, "partout dans le monde s’est produit une migration considérable du revenu du travail vers le capital". En clair, il s’agit de la spéculation financière au moyen de laquelle les élites "se sentent le droit de gagner des multiples du salaire de leurs employés". Il signale que cette mutation sans précédent du capitalisme crée de nouvelles élites dédiées à gagner des milliards en peu de temps. Immanuel Wallerstein et l’école du système-monde soutient, dans sa prévision à long terme, que cette mutation fait partie de la période de déclin du capitalisme et de la superpuissance.

Ce n’est pas que la Chine veuille la déplacer. Elle a déjà fait, et d’autres pays - comme l’Inde - s’apprêtent à dépasser les Etats-Unis comme puissance productive. Ce que nous vivons maintenant, sont les conséquences financières d’un changement qui se fait à feu lent, comme sont les vrais une question de temps. La question n’est pas quand va se produire quelque chose qu’il est impossible de pronostiquer, mais comment. C’est à dire, si cela sera un atterrissage forcé ou une tragédie à l’échelle planétaire.

Pour les pays de l’Amérique latine, il est urgent de prendre des mesures de défense qui ne peuvent pas être d’autres qu’approfondir l’intégration régionale et se débrancher du casino financier global. Au Brésil, la turbulence actuelle a provoqué la sortie de 16 milliards de dollars entre mai et août. Pour donner seulement un exemple, Petrobras, a reculé à la bourse de Sao Paulo de 38 milliards de dollars. La mise en oeuvre prévue d’un mécanisme entre l’Argentine et le Brésil, pour échanger dans leurs propres monnaies et non en dollars, peut être l’important pas vers la création d’une monnaie régionale. Mais, aura-t-on du temps et la volonté politique pour éviter que la chute de la superpuissance entraîne avec elle toute la région ?

Raúl Zibechi


 Alai-Amlatina http://alainet.org

 Source : Elcorreo www.elcorreo.eu.org




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