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Simón Bolà­var anti-esclavagiste et centraliste, Alberto Pinzón Sánchez.








Agencia de Noticias Nueva Colombia, 30 janvier 2007.


Il est commun dans notre historiographie « traditionnelle » colombienne de faire référence à la contradiction qui a toujours existé entre Simón Bolà­var et le gouvernement des Etats-Unis en recourrant à des arguments supposément progressistes ou libéraux afin d’éluder le fond de la question et pour la réduire à une « simple tension » entre le Libertador et les Etats-Unis. On attribue même à Bolà­var une perception ethnico-raciale des Etats-Unis - sur la base du vocabulaire qu’il emploie dans sa correspondance : « albinos, regatones [boutiquiers qui pratiquent le marchandage], militaristes agressifs, canailles, égoïstes, capables de tout, humiliants, fratricides », On prétend ainsi cacher le fait que jamais Bolà­var ne faisait de cette façon référence au peuple états-unien, mais à la politique (économique et militaire) impérialiste du gouvernement des Etats-Unis, lors de sa phase ascendante et lors de son expansion en Amérique espagnole.

Il est également fréquent dans ces écrits de voir réduit cet antagonisme fondamental et cette contradiction essentielle à trois épisodes notoires effectivement survenus : 1) l’incident avec le gouvernement indépendant de la Floride ; 2) l’incident des bateaux Tigre et Libertad capturés sur le fleuve Orénoque pratiquant la contrebande d’armes au service des Espagnols, incident suivi de l’échange épistolaire avec Irving ; et, 3) le duel épistolaire avec le vice-président Santander, après l’invitation faite par ce dernier (contre l’avis de Bolà­var) au gouvernement des Etats-Unis à participer au Congrès Amphictyonique.

La première chose à opposer à toutes ces demi vérités -en plus de la différence qui existe entre gouvernement et peuple des Etats-Unis, et à propos de la réduction formelle de la question à ces trois événements notoires- c’est que la contradiction existant entre Simón Bolà­var et le gouvernement des Etats-Unis était basée sur deux phénomènes (l’un économique et l’autre politique) implicites qui accompagnent la naissance et le développement de l’impérialisme nord-américain : l’esclavage des noirs et le fédéralisme provincial. Ces deux phénomènes transcendants, qui se trouvaient dans l’arrière-fond de toute la « conjoncture historique » de l’Indépendance américaine et de ses développements postérieurs, ont été ressentis par le Libertador pendant toute sa vie. Et c’est pour cela qu’il regardait avec davantage d’intérêt le « modèle » d’Etat issu des révolutions de France et d’Angleterre que le « modèle d’Etat ultralibéral esclavagiste et fédéral » des treize colonies nord-américaines.

Tous les documents importants produits par le Libertador à la suite de chacune de ses expériences politico-militaires, comme le « Mémoire adressé aux citoyens de la Nouvelle Grenade » (Carthagène, le 15 décembre 1812), rédigée après la prise de Caracas par le général Monteverde ; ou la fameuse « Lettre de Jamaïque » écrite à Kingston le 6 septembre 1815, à la suite de la sanglante prise de Caracas par le premier paramilitaire des Amériques appelé Boves, après la guerre entre centralistes et fédéralistes à Bogotá et Carthagène, après avoir pris ample connaissance de la terrible guerre socio-raciale de libération des esclaves haïtiens contre l’armée impériale de Napoléon. Cette dernière a été vaincue, 60 000 soldats de l’armée impériale sont morts.

Il est tout à fait clair, pour qui souhaite y voir clair, que Simón Bolà­var a toujours rejeté l’esclavage des noirs et le fédéralisme provincial, qui dans nos pays avait pris la forme de « patriecitas » [« patriettes »] oligarchiques - comme les appelait le Libertador. L’expérience de l’esclavage des noirs, pour Simón Bolà­var ce n’est pas seulement le phénomène socio-racial et économique qu’il a pu percevoir dans les insurrections sanglantes des esclaves, très fréquentes dans la Nouvelle Grenade [Colombie d’aujourd’hui], au Venezuela et dans les Caraïbes, ce qu’il appelle la « guerre des couleurs » ; mais cette question a des racines beaucoup plus anciennes dans son vécu, remontant à son enfance.

On sait, par exemple, qu’en raison de la tuberculose de sa mère il a dû être allaité pendant longtemps par la généreuse esclave noire Hipólita - il l’a appelée « ma vraie mère ». Ses camarades de jeu durant l’enfance étaient des enfants noirs esclaves. Lorsque adolescent il part de Caracas pour aller à l’hacienda de la famille à San Mateo -il y réside pendant cinq ans et il y connaît l’influence du « rebelle » Simón Rodrà­guez-, la première chose qui le frappe, et qu’il n’oubliera jamais, ce sont les conditions de vie inhumaines des 5 000 esclaves noirs de la propriété familiale qui s’entassaient dans des baraques immondes.

C’est son anti-esclavagisme pur et profond qui le conduit à fraterniser avec le président haïtien Pétion et à affronter les esclavagistes vénézuéliens, néo-grenadins [colombiens], péruviens et leurs alliés nord-américains, se gagnant ainsi définitivement leur hostilité. C’est pour cela qu’il décrète, sur les plages solitaires d’Ocumare, la liberté totale des esclaves et qu’il implore le Congrès d’Angostura le 15 février 1819, comme le Congrès de Cúcuta en 1821, à agir dans le même sens. C’est aussi pour cela qu’il dit sarcastiquement à Santander, en 1826, que son projet de constitution pour la Bolivie sera « vu avec horreur par les intolérants maîtres des esclaves ». C’est également pour cela qu’il s’oppose à la formule des esclavagistes et fédéralistes qui donnait « la liberté de ventre », proposition émise par les partisans du vice-président Santander lors de la Convention d’Ocaña en avril 1828. C’est d’ailleurs ce qui provoque l’attentat contre sa vie survenant cinq mois plus tard.

Le modèle ultralibéral d’Etat esclavagiste et fédéré des treize colonies nord-américaines était défendu à mort pour nos pays par le vice-président Santander et par les esclavagistes de Popayán et de Carthagène, alliés aux grands propriétaires terriens de Cundinamarca, tous soutenus par le gouvernement des Etats-Unis. A l’opposé, le projet de Liberté et de Souveraineté populaire et nationale, défendu par Simón Bolà­var, a toujours été présent qui dynamisait la contradiction économique, sociale et idéologique, dans le cadre de la lutte de libération des pays de la Grande Patrie contre le colonialisme impérialiste d’alors.

Malheureusement le projet bolivarien a été vaincu et abandonné par les grands propriétaires terriens esclavagistes et exportateurs des richesses produites par les esclaves noirs, en Colombie l’or, au Venezuela le cacao et le sucre, et dans les hauteurs andines les métaux blancs. Sur la base d’arguments fédéralistes, phagocytés par le gouvernement des Etats-Unis à partir du Congrès Amphictyonique, ils ont réussi à dépecer la Grande Colombie.

Ainsi, 170 ans plus tard, pour maintenir l’« esclavage salarié » et pour conserver la soumission des peuples de la Grande Patrie, la stratégie impériale consiste à prolonger la désunion et stimuler des fractures fédérales. C’est ce qu’ils tentent de faire actuellement à Santa Cruz en Bolivie, dans le Zulia au Venezuela ou sur la côte caraïbe de la Colombie. Nous avons retenu ce qui avait été dit par ce premier bolivarien de Notre Amérique que fut José Martà­ : pour conclure ce qui avait été laissé inachevé dans l’oeuvre de Simón Bolà­var -c’est-à -dire pour parvenir à la véritable Indépendance et aux Souverainetés Populaires et Nationales dans nos pays et pour dépasser l’« esclavage salarié », comme Marx appelle le capitalisme- nous devons, clairement et à tout moment, nous identifier à la lutte du Libertador et nous inspirer des enseignements théoriques et pratiques légués par sa féconde vie.

Alberto Pinzón Sánchez


 Source : Agencia de Noticias Nueva Colombia (ANNCOL)
www.anncol.org/es/site/doc.php ?id=2795

 Traduction : Numancia Martà­nez Poggi


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