Le 19 octobre 2002, les dernières parmi les 25 familles résidant dans le village de Yanoun sont parties, au bout de quatre ans d’agressions de plus en plus violentes de la part des colons qui, au fil des années, se sont installés sur les sommets des collines voisines.
C’est la première fois, dans l’histoire récente, que les Palestiniens ont abandonné un village entier à la suite de leur harcèlement par les colons. Au lendemain de leur exode, des efforts sont en cours afin de leur permettre de revenir, en toute sécurité, du village voisin d’Aqraba où la majorité d’entre eux se sont réfugiés temporairement. Le compte-rendu suivant a été fait par Abdelatif Sobih, conseiller communal de Yanoun :
Yanoun se trouve à une distance de 3 kilomètres au nord d’Aqraba. Le village est aussi ancien que les oliviers qui recouvrent les collines et les prés environnants. Ce village est divisé en deux parties, haute et basse. Durant la période ottomane, il était habité par des familles aristocratiques et bien connues qui étaient venues naguère de Bosnie. Il y a, dans la partie est du village, un tombeau sacré que l’on croit être celui du prophète Noun. Le visiteur peut également apercevoir les ruines d’une ancienne mosquée ottomane. Le village contient une source d’eau naturelle dont dépendent en temps normal les agriculteurs et les bergers qui y vivent.
La partie nord (partie haute) de Yanoun est considérée comme "illégale" par les autorités israéliennes ; les habitants ne sont pas autorisés à y construire de nouvelles maisons ni d’autres installations quelconques.
Yanoun est l’exemple-type des villages palestiniens qui ont été victimes de la politique expansionniste des gouvernements israéliens successifs, ainsi que des attaques perpétrées par les colons. Ce sont en l’occurrence les habitants de l’implantation voisine d’Itamar, qui sont légalement couverts, protégés et armés jusqu’aux dents et qui ont eu recours à des actions agressives, voire à la terreur, pour chasser les habitants de Yanoun de leurs foyers et faire main basse sur leurs terres et même sur celles, toutes proches, appartenant aux résidants d’Aqraba.
Voici une liste de ces actions :
1) De manière répétée, les résidants ont été attaqués jusque dans leurs maisons par des jets de pierres et des tirs dirigés contre les fenêtres et les portes, ayant pour effet de terroriser les femmes et les enfants.
2) Les villageois ont été également agressés sur leurs terres. Voici quelques exemples :
- Au cours d’une de ces attaques, Galib Adel (40 ans) a été frappé brutalement. Il a perdu un oeil et a eu la jambe fracturée, en plus de contusions multiples. Trois autres résidants (Atif Tawfiq, Rashad Saleem et Inbisat Ahmad) ont eux aussi été frappés lors de cet incident.
- Moflih Adel a été sévèrement battu, au point de perdre connaissance et de devoir être hospitalisé.
- Gassan Abou Katif (38 ans) a reçu une balle dans la jambe et échappé de peu à la mort.
- Ahmad Mahmoud (80 ans) a perdu un oeil à la suite d’une agression des colons.
- Abdoul Latif Yousif, maire de Yanoun, a lui aussi subi un tabassage en règle.
- Lors d’une autre agression, Hani Hamdallah (24 ans) a été tué par balles, et Fadi Fadil a été blessé.
3) Des centaines de moutons ont été tués soit par balles, soit par injection de substances toxiques.
4) La route principale menant au village a été bloquée.
5) La source naturelle du village a été souillée.
6) Le générateur électrique, qui avait été donné au village par le Groupe de Développement Economique et qui constituait sa seule source d’électricité, a été détruit.
7) Les agriculteurs ont été empêchés d’accéder à leurs terres, par des tirs à balles réelles et aussi en lançant contre eux des chiens féroces.
8) Des récoltes ont été détruites en saccageant les terres cultivées ; d’autres récoltes, déjà amassées et prêtes à être transportées, ont été brûlées (au moins à trois reprises).
9) En plein jour, des oliviers appartenant aux agriculteurs du village ont été volés.
10) Les bergers ont été empêchés de se rendre aux pacages naturels.
11) Les visiteurs extérieurs ont été bloqués à l’entrée du village, en tirant sur les voitures (notamment sur la voiture du maire d’Aqraba).
12) La route principale d’Aqraba à Naplouse a été coupée. Cette route, achevée en 1935, est devenue dangereuse.
13) Les instituteurs de l’école communale ont été soumis à des interrogatoires et à diverses provocations.
Document paru dans "Report on Israeli Settlement in the Occupied Territories" (Publication bimestrielle de la Fondation Américaine pour la Paix au Moyen-Orient), numéro de novembre-décembre 2002.