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Bush donne un ultimatum au premier ministre irakien lors du sommet de Jordanie

WSWS, 1er décembre 2006.


La rencontre prévue entre le président américain Bush et le premier ministre irakien Nouri al-Maliki à Amman, la capitale de la Jordanie, n’a pu avoir lieu mercredi, après qu’une note confidentielle de la Maison-Blanche détaillant les plans américains pour l’Irak et critique envers Maliki, eut été coulée au New York Times.

La note écrite par le conseiller à la sécurité nationale de Bush, Stephen Hadley, le 8 novembre, a sans nul doute été délibérément coulé pour mettre un maximum de pression sur Maliki avant la rencontre avec Bush. Le document a la forme d’une série de propositions pour aider le premier ministre à réorganiser son gouvernement et à entreprendre des actions pour mettre fin à l’escalade du conflit sectaire en Irak. Mais il est évident du texte que l’avenir de l’Irak sera décidé à Washington, pas à Bagdad, et que les Etats-Unis ont l’intention d’aller de l’avant avec ses plans, avec ou sans Maliki.

Bush et ses conseillers se sont rendus en Jordanie, non pour avoir une réunion pour développer la collaboration avec le dirigeant d’un pays souverain, mais pour donner un ultimatum à leur homme de main Maliki. Une demande qu’ils considèrent comme parmi les plus importantes est que Maliki donne son accord à un durcissement envers l’imam chiite Moqtada al-Sadr et son Armée du Mahdi. Parmi les « étapes que devra entreprendre Maliki », la note de Hadley indique que le premier ministre doit « mettre fin à sa stratégie politique » avec Sadr et « amener devant les cours tous participants de l’Armée du Mahdi qui n’évite pas de recourir à la violence ».

Comme l’administration Bush le sait bien, Maliki risque le suicide politique s’il mettait une telle mesure en oeuvre. Les sadristes forment un grand bloc parlementaire de la coalition chiite de Maliki et sont politiquement cruciaux pour que son gouvernement puisse trouver un appui parmi les larges couches des pauvres chiites qui sont profondément hostiles à l’occupation américaine. Le week-end dernier, Maliki a visité le quartier ouvrier chiite de Bagdad, Sadr City, pour donner ses condoléances pour les victimes d’une série d’attentats à la voiture piégée, seulement pour être dénoncé pour être un « couard » et un « collaborateur ».

Craignant les ramifications politiques pour son gouvernement, Maliki n’a pas acquiescé aux demandes répétées des Etats-Unis pour une offensive militaire dans Sadr City et d’autres bastions de l’Armée du Mahdi. Comme le document de Hadley le note, « L’approche ci-dessus pourrait être difficile à mettre en oeuvre même si Maliki a de bonnes intentions. Il peut simplement ne pas avoir la capacité politique ou sécuritaire d’entreprendre de telles actions, qui risquent d’aliéner sa base politique sadriste et qui demanderont un plus grand nombre de forces plus fiables. Pousser Maliki à entreprendre de tels gestes sans augmenter ses capacités d’action pourrait le forcer à un échec... »

La perspective de l’effondrement du gouvernement Maliki n’a pas fait reculer l’administration Bush, qui a déjà commencé à mettre en place certains aspects des propositions de Hadley. Parmi celles-ci, on trouve l’obtention du soutien des élites dirigeantes sunnites de l’Arabie saoudite, de la Jordanie et de l’Egypte pour qu’ils fassent pression sur leurs contreparties en Irak pour que ces dernières appuient Maliki s’il acceptait de lancer l’armée contre le mouvement sadriste. La situation en Irak était la plus importante question dont voulait discuter le vice-président Dick Cheney qui s’est rendu en Arabie saoudite pour consulter le roi Abdullah.

L’armée américaine se prépare déjà à un affrontement sanglant contre l’Armée du Mahdi à Sadr City en effectuant une série d’opérations de reconnaissance et en rassemblant des troupes américaines à Bagdad. Mercredi, le Pentagone a annoncé qu’il prévoyait envoyer 3500 soldats de plus dans la capitale. Selon un reportage de ABC, il considère la possibilité d’augmenter de deux à cinq brigades le nombre total de soldats en Irak, soit de 7000 à 18 000 de plus.

Les médias américains jouent le rôle d’outil de propagande pour le bain de sang qui se prépare à Bagdad. Mardi, le New York Times a publié un article non fondé en première page prétendant que la milice de l’Armée du Mahdi était entraînée au Liban par le Hezbollah et avec l’aide de l’Iran et de la Syrie. Tout en diffamant al-Sadr et ses partisans, l’article sert à miner les appels au sein de Washington pour que l’administration Bush ouvre un dialogue avec la Syrie et l’Iran.

La couverture du dernier numéro du magazine Newsweek présente al-Sadr comme « L’homme le plus dangereux en Irak ». Son dossier intitulé « Comment al-Sadr peut-il contrôler le destin des Etats-Unis en Irak » montre clairement que l’administration Bush et le Pentagone voient l’Armée du Mahdi comme leur ennemi numéro un. L’article associe al-Sadr à un chef de la mafia, compare ses « gangsters » aux milices talibanes antiaméricaines en Afghanistan et blâme l’Armée du Mahdi pour la guerre civile qui s’intensifie entre une foule de milices ennemies.

On connaît le modus operandi : les médias américains présentent al-Sadr comme le nouveau méchant de Bagdad même si l’administration des Etats-Unis se prépare à causer davantage d’atrocités contre les Irakiens. Bush ne peut poursuivre cette trajectoire violente en Irak, face à l’immense opposition démontrée lors des récentes élections de mi-mandat, que grâce à l’appui des démocrates.

Celui que Bush a nommé pour remplacer Donald Rumsfeld au poste de secrétaire à la Défense, Robert Gates, a répondu aux questions de la commission des Forces armées en affichant son opposition à tout retrait rapide des troupes américaines de l’Irak. Quelles que soient les différences tactiques, il y a consensus au sein des sphères dirigeantes américaines que l’occupation doit être maintenue afin de protéger les intérêts économiques et stratégiques des Etats-Unis en Irak et au Moyen-Orient. Les démocrates ont déjà démontré leur appui pour la nomination de Gates.


La rebuffade de Maliki

La divulgation de la note de Hadley a grandement compromis Maliki, qui, malgré les dénis de représentants américains, a clairement fait une rebuffade à Bush afin de garder une certaine apparence d’indépendance. Toutefois, le fait qu’il soit à Amman pour rencontrer Bush démontre sa dépendance, politique et militaire, vis-à -vis de Washington. La semaine dernière, la faction parlementaire sadriste a prévenu qu’elle se retirerait du gouvernement si Maliki rencontrait le président américain en Jordanie.

Hier, la faction sadriste a exécuté sa menace, annonçant que ses ministres et ses 30 parlementaires « suspendaient » leur participation dans le gouvernement et le parlement. Comme Maliki lui-même, les sadristes balancent désespérément entre leur implication dans le gouvernement fantoche américain et l’opposition accablante de leur base d’appui dans la classe ouvrière chiite qui demande la fin de l’occupation, qui n’a amené que mort et misère.

La décision de « suspendre leur participation », plutôt que de se retirer complètement, a la caractéristique d’une manoeuvre. Comme l’a dit un officiel chiite au New York Times : « Ils font cela seulement pour montrer à leurs supporteurs qu’ils contrent toute entente ou contact avec les Américains...Ils vont annuler leur suspension dans une semaine ou deux. C’est un geste très stupide. » Mais dans le climat politique très volatil de Bagdad, avec la menace d’une offensive américaine, la trajectoire future des sadristes, et de fait de la forme du gouvernement, est loin d’être claire.

Durant des mois, une série de signaux sont parus dans les médias aux Etats-Unis, indiquant que si Maliki ne faisait pas ce que l’administration Bush lui demandait, il serait remplacé par un régime qui donnerait le feu vert à une offensive militaire contre Sadr City et l’Armée du Madhi. L’ancien secrétaire d’Etat, James Baker, qui copréside à Washington le Groupe d’étude sur l’Irak composé de membres de l’élite dirigeante, a déjà indiqué que l’administration Bush allait peut-être devoir sortir du carcan de la démocratie pour imposer ses plans en Irak.

Un autre article paru dans le New York Times hier observait que le fait d’accorder aux Irakiens leur mot à dire dans des élections contribue à la crise pour les Etats-Unis. « Si les entrevues à Bagdad entre responsables seniors américains et irakiens sont une indication, un problème encore plus grand pour l’administration [Bush] pour effectuer un changement dans ce pays vient peut-être du fait que les Etats-Unis, en renversant Saddam Hussein et fait la promotion d’élections qui ont mené les chiites au pouvoir, ont commencé un processus dans lequel Washington se retrouve avec de moins en moins d’influence. »

La conclusion évidente est de se défaire de la « démocratie » et de réarranger le gouvernement à Bagdad. « Les chiites à Bagdad sont déchirés par des rivalités fractionnelles, et il y a peut-être des occasions pour les Américains d’exploiter ces divisions pour créer un réalignement parlementaire. En effet, certains dirigeants irakiens ont commencé à explorer de nouvelles alliances pour briser l’embâcle politique, impliquant possiblement un coup parlementaire contre M. Maliki », note l’article. Alors que le Times ne le mentionne pas, d’autres ont déjà indiqué un scénario beaucoup plus sinistre de coup militaire - ce qui nécessiterait l’appui des Etats-Unis.

C’est la toile de fond de la rencontre d’aujourd’hui à Amman, que plusieurs commentateurs ont caractérisé comme étant celle de la « dernière chance » pour Maliki.

Peter Symonds

 Article original anglais publié le 30 novembre 2006.


 Source : WSWS www.wsws.org

 Lire aussi : Le sommet Bush-Maliki : la Maison-Blanche rejette tout retrait de l’Irak, par Patrick Martin, 2 décembre 2006.



Les rapports entre les Etats-Unis et l’Irak au point de rupture, par James Cogan et Peter Symonds.

Après les élections américaines : renouveau du consensus pro-guerre à Washington - WSWS.

Irak : Une guerre civile pour se partager le pays, par Giuliana Sgrena.



 Dessin : Mehdi Sadeghi (Iran)


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Lorsque l’on tente, comme ce fut le cas récemment en France, d’obliger une femme à quitter la Burqa plutôt que de créer les conditions où elle aurait le choix, ce n’est pas une question de libération mais de déshabillage. Cela devient un acte d’humiliation et d’impérialisme culturel. Ce n’est pas une question de Burqa. C’est une question de coercition. Contraindre une femme à quitter une Burqa est autant un acte de coercition que l’obliger à la porter. Considérer le genre sous cet angle, débarrassé de tout contexte social, politique ou économique, c’est le transformer en une question d’identité, une bataille d’accessoires et de costumes. C’est ce qui a permis au gouvernement des Etats-Unis de faire appel à des groupes féministes pour servir de caution morale à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Sous les Talibans, les femmes afghanes étaient (et sont) dans une situation très difficile. Mais larguer des "faucheuses de marguerites" (bombes particulièrement meurtrières) n’allait pas résoudre leurs problèmes.

Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

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