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Mémoire remis par la Défense de Mumia Abu-Jamal à la Cour d’Appel Fédérale pour invalider sa condamnation à mort.





Octobre 2006


Le Mémoire remis par la Défense de Mumia Abu-Jamal à la Cour d’Appel Fédérale du 3ème circuit


Mumia Abu-Jamal est un journaliste afro-américain qui a déjà 
passé un quart de siècle dans le couloir de la mort, condamné pour
le meurtre d’un policier blanc (NDLR ce qu’il a toujours nié).

L’appel de Mumia Abu-Jamal entre aujourd’hui dans une phase
critique, celle de la Cour d’Appel Fédérale. Le condamné à mort le
plus célèbre de Pennsylvanie et son avocat, Maître Robert R. Bryan,
viennent en effet de déposer un mémoire soulevant trois moyens qui
pourraient invalider sa condamnation.

Maître R. Bryan, avocat au barreau de San Francisco, assure
la défense de Mumia Abu-Jamal depuis 2003. Ce vétéran en matière de
lutte contre la peine capitale a remis le 20 juillet dernier un
premier mémoire à la Cour Fédérale du 3ème Circuit [dite Haute
Cour], exposant trois moyens susceptibles d’invalider la
condamnation pour meurtre de son client. Le mémoire reprend
également une décision de décembre 2001 de la Cour Fédérale du
District [dite Cour Inférieure] qui avait annulé la condamnation à 
mort. Le bureau du procureur de Philadelphie ayant fait appel de
cette décision, Abu-Jamal n’a finalement jamais quitté le couloir de
la mort.

Dans son mémoire, Maître R. Bryan expose trois moyens : tous
contestent l’accusation selon laquelle Abu-Jamal a tué le policier
Daniel Faulkner.


Le premier moyen souligne de manière incontestable que le
procureur Joseph Mac Gill, dans ses préconisations lors du procès,
et au mépris de la législation pénale, « a réduit le pouvoir du
jury, l’a induit en erreur et a porté atteinte à sa fiabilité dans
son aptitude à se prononcer sur l’innocence ou la culpabilité de
l’accusé ». Maître R. Bryan affirme que « le procureur a saboté le
droit à la présomption d’innocence et à ne pas être condamné à moins
d’être déclaré coupable au-delà du doute raisonnable » en disant au
jury de ne pas s’inquiéter s’il déclarait l’accusé « coupable par
erreur » car Abu-Jamal aurait ensuite une « multitude d’appels » et
la culpabilité pouvait donc « ne pas être définitive ».

Comme l’écrit R. Bryan dans son mémoire : « En déclarant que
la décision du jury ne serait pas définitive et en lui disant que le
verdict de culpabilité ferait l’objet d’appel sur appel, le
procureur a minoré le rôle et la responsabilité du jury ». Par
suite, argumente-t-il, Abu-Jamal « a été privé de son droit à être
jugé par un jury car, contrairement aux prérogatives
constitutionnelles dévolues au jury, on a fait croire aux jurés que
leur décision ne serait pas définitive ». Et d’ajouter que « la
présomption d’innocence et la nécessité de prouver la culpabilité au-
delà du doute raisonnable repose sur l’idée que le doute doit
profiter à l’accusé et, par voie de conséquence, conduire à son
acquittement ».


Le deuxième moyen du recours affirme que le procureur a fait
preuve de racisme dans la sélection des jurés.
La Cour Suprême des
Etats-Unis a établi depuis longtemps que si un procureur use
délibérément de peremptory challenges [élimination d’un juré
potentiel sans justification] pour écarter du jury des personnes en
fonction de leur appartenance ethnique, c’est en soi un motif
suffisant pour annuler la condamnation. Pour justifier et qualifier
cette allégation d’illégale, Maître R. Bryan démontre que parmi les
39 jurés potentiels entendus, 15 furent exclus ; et parmi eux 10
étaient noirs. « Cette disparité ethnique est un cas incontestable
de discrimination raciale » écrit R.Bryan.

A ce propos, R. Bryan cite une étude (rejetée à tort en tant que
preuve par la Cour Fédérale en 2001) analysant les pratiques
discriminatoires des procureurs de Philadelphie entre 1981 et 1987.
Cette étude du Professeur David Baldus, qui eut pour effet
d’invalider une condamnation à mort en Pennsylvanie, établit que
durant cette période - incluant le procès d’Abu-Jamal en 1982 - les
procureurs ont exclu 51% des jurés potentiels noirs contre 26% de
blancs. « Il s’agit d’une preuve accablante de discrimination
raciale anticonstitutionnelle » conclut l’avocat de Mumia Abu-Jamal.
De plus, R. Bryan fait remarquer que, même après le procès de son
client, le bureau du procureur utilisait une cassette vidéo pour
apprendre aux nouveaux procureurs comment écarter les noirs des
jurys sans se faire accuser de discrimination raciale. La solution
consistait à garder toutes ses notes et d’inscrire un motif sans
rapport avec la race chaque fois que l’on éliminait un juré noir,
ceci afin de justifier sa décision et sans tomber sous le coup de la
jurisprudence Batson. [1]

Maître R. Bryan allègue que puisque l’on n’a jamais demandé
au procureur Mac Gill de fournir une justification pour son racisme
apparent dans le choix des jurés, la Cour d’Appel devrait annuler la
condamnation ou, tout le moins, exiger une audience de la Cour
Fédérale au cours de laquelle le procureur, aujourd’hui retraité,
devrait justifier qu’il n’a pas éliminé les jurés noirs sur des
critères de race.


Le troisième moyen du recours développe l’argument du parti
pris manifeste du juge Albert Sabo
(aujourd’hui décédé) lors du
procès
. Maître R. Bryan affirme que, devant témoin (la greffière) on
l’a entendu déclarer en coulisses, après le premier jour de
sélection des jurés, qu’il allait aider l’accusation « à faire
griller le nègre ». Dés lors, on enlevait ainsi toute chance à Abu-
Jamal d’avoir un procès équitable, dit R. Bryan. Il souligne par
ailleurs que le Juge Sabo, qui détient le record des condamnations à 
mort parmi les juges américains a une longue histoire de préjudice
racial : sur 33 condamnés à mort à son actif, seuls deux n’étaient
pas afro-américains ! R. Bryan ajoute, à propos de l’audience
d’appel de 1995 (Post Conviction Relief Act), également présidée par
le Juge Sabo, que « l’hostilité et le manque d’objectivité du Juge
était si flagrants que les journalistes locaux et nationaux ont tous
décrit l’injustice des procédures ». L’un des principaux journaux de
Philadelphie avait fait ce commentaire : « le comportement du juge
nous a troublés dès le début, et lors des audiences, il n’a jamais
donné l’impression à ceux qui assistaient au procès de faire preuve
d’objectivité. Au contraire, il manifestait, ce qui était
extrêmement préjudiciable au bon déroulement du procès, son
empressement à vouloir en terminer au plus vite, faisant preuve
d’hostilité constante envers la défense ».

Maître R. Bryan admet que, conformément à la législation
fédérale, les Cours Fédérales ne peuvent pas renvoyer le cas de son
client devant les Cours d’Etat pour une nouvelle audition des
preuves et de témoignages. Mais, ayant démontré que le Juge Sabo
avait eu un comportement d’obstruction systématique, il écrit qu’une
juste réparation serait que la Cour Fédérale d’Appel réexamine les
faits présentés lors du premier procès ainsi que les faits et
témoignages nouveaux présentés lors des audiences de 1995. Il
précise enfin que la même procédure devrait s’appliquer aux éléments
de preuves et aux témoignages écartés par le juge Sabo lors des
procès en 1982.

Si les trois juges de la Cour d’Appel, qui examinent
aujourd’hui le recours, reçoivent l’une ou l’autre des deux
premières demandes selon lesquelles les droits constitutionnels
d’Abu-Jamal ont été bafoués, Mumia pourrait bénéficier d’un nouveau
procès et être rejugé. Dans le cas de reconnaissance du choix
discriminatoire des jurés, Abu-Jamal et son avocat proposent, en
réparation, une nouvelle audition en Cour Fédérale devant le juge
William Yohn qui avait rejeté en 2001 les deux premières requêtes,
mais qui avait cependant annulé la condamnation à mort d’Abu-Jamal.

Le juge Yohn avait rejeté la plainte d’Abu-Jamal quant aux
instructions du procureur aux jurés [selon lesquelles il y aurait
eu « appel après appel »]
ainsi que la clause portant sur le manque
d’objectivité du juge Sabo. Il s’ensuit, selon Bryan, que la Cour
Fédérale du 3ème Circuit n’a certes aucune obligation de réexaminer
ces deux premières requêtes. Toutefois, fin 2005, la Cour Supérieure
a rejeté les conclusions de Yohn et confirmé que ces deux requêtes
pouvaient être de nouveau examinées en appel. Il semble donc qu’au
moins deux des trois juges chargés du dossier en appel d’Abu-Jamal
aient pensé que les deux moyens additionnels étaient valables. Yohn
a également rejeté le motif relatif aux choix discriminatoires des
jurés, mais a confirmé sa validité pour un examen en Cour Fédérale
du 3ème Circuit.

En 2001, le Juge Yohn a annulé la condamnation à mort d’Abu-
Jamal en argumentant de façon très détaillée sa décision. Ainsi,
écrivait-il, lors du choix de la peine, les formulaires fournis aux
jurés étaient non conformes, ce qui, en plus des informations
erronées du juge Sabo, a induit les jurés en erreur [ils ont ainsi
cru, à tort, que si les 12 jurés n’arrivaient pas à une décision
unanime sur la présence d’une circonstance atténuante - décision qui
écarte la condamnation à mort - ils ne devaient pas tenir compte de
cette circonstance atténuante lors des délibérations]
. L’unanimité
des jurés ne peut, en effet, être requise qu’en cas de circonstances
aggravantes qui, elles, peuvent entraîner une condamnation à mort.
Et tout juré, individuellement, peut décider qu’il y a une
circonstance atténuante, différence cruciale puisque le verdict de
peine de mort requiert un vote unanime du jury. Donc, si un juré
trouve une circonstance atténuante - l’accusé, par exemple, est un
bon père de famille qui s’occupe bien de son jeune enfant - ce juré
peut décider de ne pas voter la sentence de mort. Or, les
formulaires remis aux jurés et les instructions du juge impliquaient
tous les deux que l’unanimité soit requise pour qu’une circonstance
atténuante [2] puisse être prise en considération. Pour ces raisons,
le juge Yohn a conclu à l’invalidation de la condamnation.

Le procureur a fait appel de ce jugement, espérant que la
peine de mort serait à nouveau prononcée par la Cour Fédérale du
3ème Circuit. Le bureau du Procureur, en charge de la suite à donner
à l’affaire, avança alors l’argument tatillon que l’appel n’était
pas recevable car le mémoire en défense ne mentionnait que la 3ème
page du formulaire remis au jury (pas le formulaire complet) ; pour
conclure que le Juge Yohn n’avait donc pas pu appréhender le
problème de façon globale. Maître R. Bryan rejette cet argument qui
conduirait son client à être exécuté pour un simple détail portant
sur la forme et non sur le fond du dossier.

Depuis 5 ans, bien que la sentence de mort ait été annulée, Mumia
Abu-Jamal n’a toujours pas quitté l’isolement du couloir de la mort
alors qu’il n’a cessé de répéter avec insistance qu’il était
innocent du meurtre du policier Faulkner.

â– 

Durant les mois d’août et septembre 2006, la défense et
l’accusation ont procédé à l’échange de leur mémoire respectif
permettant à chaque partie d’affiner son mémoire définitif. Dans
quelques jours la Cour d’Appel Fédérale du 3ème Circuit disposera de
tous les éléments lui permettant de réexaminer l’affaire et de
décider quelle suite elle entend lui donner.

Au terme de ce résumé de l’imposant mémoire [plus de 130 pages]
déposé par Maître R. Bryan [témoignant de l’investissement
monumental de la défense], Dave Lindorff a tenu à apporter sa note
personnelle sur cette affaire qui accuse la justice états-unienne.
Il l’exprime en ces termes : « L’administration Bush a liquidé
nombre de nos droits civiques. Elle a bafoué la Constitution,
supprimant notre loi fondamentale l’Habeas Corpus [le droit de
chacun de contester sa détention devant une Cour de justice pour en
juger la légalité] et le droit à un procès juste devant le jury
impartial de ses pairs. Dans ces conditions, le cas Abu-Jamal
devient un enjeu majeur dans la lutte pour défendre les droits
civiques de tous les citoyens américains ».

â– 

1982 Mumia Abu-Jamal est condamné à mort par la justice de l’Etat
de Pennsylvanie au terme d’un procès expéditif et truqué sous la
présidence du juge Albert Sabo

1995 Première ordonnance d’exécution

1999 Deuxième ordonnance d’exécution

2001 Une Cour d’Appel Fédérale (Juge Yohn) annule la sentence de
mort

2003 La Cour Suprême de Pennsylvanie rejette tous les recours de
la défense et annule la décision du Juge Yohn

2005 La Cour d’Appel Fédérale du 3ème Circuit accepte d’examiner
trois requêtes de la défense

2006 Maître Robert R. Bryan, avocat principal de Mumia Abu-Jamal,
remet un mémoire de 130 pages à la Cour d’Appel Fédérale du 3ème
Circuit avec l’objectif de démontrer l’iniquité du procès qui a
conduit son client dans le couloir de la mort


 Résumé de Dave Lindorff [3]

 Traduction de Claude Guillaumaud-Pujol
avec la collaboration juridique de Eric Bernard,
et de Jacky Hortaut pour le conseil rédactionnel.


Ce document a été réalisé par le Collectif Unitaire National de
soutien à Mumia Abu-Jamal
43 Bld de Magenta 75010 Paris.
Tél 01 53 38 99 99 - Fax 01 40 40 90 98

www.mumiabujamal.net
abujamal@free.fr...



Mumia Abu-Jamal : « J’ai besoin de vous ! »

2006 est l’année de l’espoir pour sortir Mumia du couloir de la mort !


Qui est Mumia ? les faits, les révélations, les documents, etc...<BR>
www.mumiabujamal.net/mumia.html

Vous pouvez vous procurer la brochure : Mumia Abu-Jamal, l’affaire qui accuse la justice américaine.




 Photo : www.freemumia.de


[1Batson v. Kentucky, 1986 « La Cour Suprême des Etats-Unis a statué qu’il suffisait qu’un accusé prouve que des jurés avaient été exclus sur des crtitères de race lors de son procès pour qu’il lui soit accordé un nouveau procèsdevant un nouveau jury ».

[2« L’absence d’inscription au casier judiciaire en est une » Jonathan D. Schiffman, Fundamentals of the Criminal Process 7 § 11 The Lawyers Co-operative Publishing USA 1986

[3Diplômé de l’Ecole de journalisme de Colombia University (NY), Dave Lindorff est Grand Reporter depuis 30 ans. Il a travaillé pour le Daily News à Los Angeles. Il fut le correspondant de Businessweek en Chine. Récompensé à plusieurs reprises, il aussi écrit pour The Nation, Village Voice, The London Observer, The National Times ...Depuis 6 ans il vit près de Philadelphie et a publié une étude très complète sur les procès de Mumia Abu-Jamal, "Killing Time, An investigation into the Death Row Case of Mumia Abu-Jamal » chez Common Courage Press, USA, 2003.


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