[Du Venezuela, Romain Migus va nous faire parvenir régulièrement des nouvelles sur cette opposition à la Révolution Bolivarienne qui va apparaitre dans nos medias dès la mi-novembre comme constituée des seuls "démocrates" capables de barrer la route à Chavez. ]
Venezuela - Election Présidentielle 1. Des nouvelles du "Rose-brun" : Le Léviathan Manuel Rosales.
Jeudi 5 octobre 2006.
Manuel Rosales est un des 24 candidats à l’élection présidentielle du Venezuela. Il est soutenu par 42 partis politiques sur les 88 qui présentent un candidat. [1] Il est appuyé en coulisse par Washington et ouvertement par toute l’oligarchie vénézuélienne. Les medias nationaux et internationaux le défendent quitte à mentir ou tronquer la vérité sur ce personnage, qui résume pourtant bien les 40 années d’ultralibéralisme sauvage qu’a connu le Venezuela avant la Révolution Bolivarienne.
Présenté à tort comme un social-démocrate par le journal Libération, Manuel Rosales a cherché à montrer qu’il ne partageait en rien les sentiments anti-autorité qui animent les lecteurs du quotidien de Rothschild. Le 27 septembre 2006, il présentait à ses partisans son "plan de sécurité" pour le pays. L’essentiel de ce plan se résume en 6 points. Nous allons voir de quoi il retourne.
Créer un Conseil de Justice et Sécurité dirigé par le Président de la République.
Ce Conseil de Justice et Sécurité intégrera notamment le ministre de l’Intérieur et de la Justice, le défenseur du Peuple, le procureur général de la République et sera dirigé par ... Manuel Rosales. Il est bon de se rappeler qu’une des matrices d’opinion utilisée par l’opposition pour calomnier le Président Chavez est de l’accuser de concentrer et personnaliser le pouvoir.
Or, ce que propose ici Rosales n’est rien moins que l’assujettissement du pouvoir judiciaire et du plus haut responsable des droits de l’Homme au Venezuela au bon vouloir de l’Exécutif. Qui plus est, ces différents pouvoirs, actuellement indépendants seront unis sur l’objectif présidentiel de lutte contre l’insécurité. Quelle indépendance peut avoir le défenseur du Peuple ou le Procureur Général de la République si, au nom de la lutte contre l’insécurité, on massacre impunément... Il ne manque plus qu’une levée des garanties constitutionnelles et le nouvel Etat fasciste sera complet. "On vit en sécurité dans un cachot" répondait Rousseau à Hobbes...
Sélectionner 150.000 nouveaux policiers, et donner un enseignement universitaire à tous les policiers du pays.
...et les faire voyager sur la lune. En soi, l’idée peut être attirante lorsque l’on sait que pour rentrer dans la Police Métropolitaine de Caracas, le bac n’était même pas demandé. Surgissent cependant plusieurs questions :
- Dans quelle université va-t-il les envoyer ? Dans les Universités privées, payant ainsi le droit d’admission, dans les Universités publiques s’acquittant encore des droits d’inscription, ou à l’Université Bolivarienne gratuite s’il lui prenait l’envie de la maintenir, ou encore va-t-il créer une Université pour la Police ?
- Combien de temps cela prendrait-il, et combien de temps les Vénézuéliens resteraient sans police jusqu’à ce que les étudiants finissent leurs études ?
- Dernière question. Peut-être la plus importante. Le policier fraîchement diplômé aura-t-il envie de rester dans la police, alors que son diplôme lui ouvrirait les portes de nouvelles carrières beaucoup plus attrayantes dans le domaine pénal ? Ou peut-être le diplôme obtenu ne serait qu’un diplôme au rabais, sans aucune conséquence sur le fonctionnement policier...
Autant de questions auxquelles le démagogue Rosales s’est bien gardé de répondre dans son empressement à penser que réformer les policiers équivaut à réformer la police.
Créer une Police Nationale.
Le Venezuela ne compte pas de Police Nationale. Les activités policières sont assurées par les différents Etats (police régionale) ou départements [2] (police départementale). Ces dernières dépendent donc des entités auxquelles elles se rattachent. Le Ministère de l’Intérieur ayant seulement la possibilité de lancer une procédure judiciaire si une police régionale ou départementale lui parait suspecte. En bref, c’est le système étasunien ; le Corps d’Investigation Scientifique, Pénal et Criminel (CICPC) jouant le rôle du FBI. Il en résulte que les tâches de maintien de l’ordre sont assurées par des milices locales très liées au pouvoir dont elles dépendent. Rappelons-nous que lors du Coup d’Etat d’avril 2002, la répression des partisans de Chavez fut assurée par la Police Métropolitaine de Caracas, qui dépendait du maire d’opposition Alfredo Peña [3]. De même, lors des violents blocages de rues (guarimbas) effectués dans les quartiers riches de Caracas, les activistes étaient protégés du mécontentement de la majorité des habitants de ces quartiers par les polices locales dépendant des mairies d’opposition.
On pourrait donc se dire que cette proposition de Rosales est bonne. Mais il ne faut pas oublier qu’un projet de Police Nationale avait commencé à se discuter à l’Assemblée Nationale en 2001. Et ce sont les députés d’opposition, soucieux de maintenir les milices locales qu’ils conservaient alors, qui le firent capoter. Après le raz-de-marée chaviste aux élections régionales et municipales, il ne resta plus beaucoup de polices aux mains de l’opposition. Le virage à 180° amorcé par Rosales et ses conseillers sur ce thème est non seulement empreint de démagogie et d’opportunisme mais il est aussi pensé pour s’assurer le concours d’hommes armés au cas où ils gagneraient les élections.
Lutte contre la guérilla et les paramilitaires.
Encore une fois, à partir du problème réel de l’incursion des paramilitaires en territoire vénézuélien, Rosales désinforme sur ses capacités à le résoudre. A-t-il oublié subitement qu’il est le gouverneur élu de l’Etat du Zulia, frontalier avec la Colombie ? A-t-il oublié que le Zulia et le Tachira sont les deux Etats les plus touchés par le fléau paramilitaire de part leur proximité avec la Colombie et l’incapacité des gouvernements régionaux à prendre des mesures concrètes. S’il est vrai que le contrôle aux frontières revient au gouvernement bolivarien, la police régionale est censée intervenir lorsque les paramilitaires s’installent dans un barrio. Dans l’Etat du Tachira, des réunions incluant le Ministère de la Défense, de l’Intérieur et de la Justice, leurs homologues colombiens et le gouverneur chaviste de l’Etat ont été tenues pour tenter d’éradiquer le paramilitarisme. Rien de tel dans l’Etat du Zulia, où les habitants continuent de subir la terreur paramilitaire. Est-ce Henry Lopez Sisco, qui est conseiller de Rosales aux affaires policières dans l’Etat du Zulia et fortement soupçonné de collusion avec...les paramilitaires colombiens, qui lui a suggéré cette stratégie ? [4]
Plan de désarmement national.
Ce plan de désarmement national consiste à racheter toutes les armes illégales du pays pour la somme de 5.000.000 de bolivars (2325 $US). Or selon Julio Borges, pressenti pour être vice-président en cas de victoire de Rosales, il existe au Venezuela 3 millions d’armes illégales [5]. Le calcul est facile. 3.000.000 x 2325 $US = 6.975.000.000 $US. C’est-à -dire plus que la somme allouée par PDVSA à l’ensemble des missions sociales du gouvernement Bolivarien pour l’année 2005, soit 6.909.000.000 $US comme l’a réaffirmé le ministre de l’Energie et du Pétrole, le 04 octobre 2006 [6]. Sans commentaires.
De plus, qui ce plan est-il censé désarmer ? Qui va vendre son arme à cet Etat policier ?
Les paramilitaires qui sévissent sur le territoire vénézuélien ne céderont jamais leur armement, puisque précisément, il leur sert à défendre leurs territoires et leur business.
Et que dire des amis de Rosales qui, au sein de l’opposition, ont fait venir des quantités non négligeables d’armes pour tenter des actions déstabilisatrices contre le gouvernement. [7] Désarmeront-ils ? Vendront-ils leurs armes à leur collègue, une fois celui-ci élu Président ? Rien n’est moins sûr.
D’autre part, cette vision quantitative et libérale fait fi des véritables enjeux des canaux d’armements illégaux. En plus des armes volées ou récupérées, il existe au Venezuela (en Amérique Latine et ailleurs...) des filières de production d’armes à feu. Si ces dernières sont de moins bonne qualité qu’une arme de poing normale, il n’empêche que selon le plan de sécurité de ce candidat de l’opposition, elles vaudront le même montant si elles sont revendues à l’Etat. On imagine sans peine la genèse de cette nouvelle économie informelle.
D’autre part, si la culture des armes n’est pas inscrite dans la Constitution comme c’est le cas du grand voisin du nord, elle est tout de même très présente dans le pays créole. En témoigne cette discussion entre deux jeunes entendue à Petare, quartier populaire de Caracas : "génial, avec ça, je vends mes deux pistolets et avec les dix millions, je m’achète un Uzi." L’éradication de l’armement illégal passe avant tout par l’éducation au désarmement. Mais pour l’ultralibéral Rosales, tout s’achète, tout se vend...
Système de coopération communautaire.
Le meilleur pour la fin. Ce système permet l’anonymat des dénonciations ainsi que leur rémunération. Pas besoin d’invoquer Vichy pour imaginer les conséquences de cette mesure : il suffit de concevoir que le Venezuela compte encore 60% d’habitants vivant sous le seuil de pauvreté. Même si la grande majorité de ces Vénézuéliens conserveront un sens de la dignité, combien résisteront à la tentation d’une fausse déclaration rémunérée, condamnant une personne avec laquelle les rapports ne sont pas au beau fixe ? Combien d’amoureux blessés dénonceront le petit ami de la belle qu’ils n’ont pas su séduire ? Combien de frères dénonceront leurs frères pour une vague querelle familiale ? Cette mesure ne fera en rien baisser le crime, au contraire. Qui peut prévoir la réaction de ces innocents condamnés à la suite d’une fausse déclaration, à leur sortie de prison ?
Ce point n’est pas un acte démagogique. Pour s’en assurer, il suffit de se pencher sur les mesures de sécurité prises par le maire de Chacao, arrondissement le plus riche de Caracas. Leopoldo Lopez, du parti Primero Justicia qui appuie et conseille la candidature de Rosales, a créé dans son arrondissement la Brigade Policière Juvénile. Celle-ci incorpore des enfants et adolescents de 7 à 17 ans, dont la tâche est "de dénoncer tous les incidents qui se passent aux alentours de l’école et de servir de lien entre le centre éducatif et les autorités." [8] Depuis son incorporation dans cette brigade, le petit José Pérez a gagné tous les tournois de billes de son école primaire...
Comme on peut le voir, le "plan de sécurité" de Manuel Rosales comporte toute la démagogie et les promesses sans suite, typiques des années de la Quatrième République vénézuélienne où la grande majorité des Vénézuéliens ont été réduits à l’Etat de spectres sociaux, sans existence réelle. Mais en plus, il comporte aussi tous les aspects qui feraient du présent Etat démocratique vénézuélien un Etat policier et fasciste. Prééminence de la figure du Président pour traiter des questions sécuritaires au mépris de la séparation des pouvoirs ; résurgence d’un corps policier armée aux ordres du chef du Conseil pour la Justice et la Sécurité (CJS), c’est-à -dire le Président ; contrôle de la formation des policiers (qu’on imagine encore une fois lié à ce fameux CJS) quitte à renvoyer des contingents se former aux Etats-Unis à la guerre révolutionnaire ; système de dénonciation pervers qui introduirait la suspicion et la guerre de tous contre tous que ne manquerait pas de réprimer le Léviathan.
Le "Rose Brun" a définitivement montré sa face brune. Fort heureusement, le bruit des bottes au Venezuela est largement couvert par le cri des millions de révolutionnaires qui accompagnent le Président dans chacun de ces déplacements : "Uh, Ah, Chavez no se va !" [9]
Romain Migus
(Brigade Policière Juvénile - Publicité de la mairie de l’arrondissement Chacao ( opposition à Chavez) paru dans l’édition du 21/08/06 du quotidien Ultimas Noticias, p. 16.)
Traduction : « Pour cela à Chacao, nous semons la conscience...nous semons la sécurité...Nous semons le futur.
Chaque jour depuis Chacao nous démontrons qu’avec de la volonté, le Venezuela peut être un territoire sûr !
Chacao - Construire le Venezuela que nous aimons/voulons. (jeu de mots NDT) »
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