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Avec l’« affaire Assange », c’est la liberté de la presse qu’on menace

L’« affaire Assange », du nom de l’inventeur du site Wikileaks, emprisonné à Londres sous l’effet d’une interminable procédure et menacé de l’être à vie si les États-Unis obtenaient son extradition, s’enrichit d’un nouveau livre. La journaliste d’investigation Stefania Maurizi publie L’Affaire WikiLeaks, où elle retrace cette histoire avec le savoir d’une enquêtrice qui a connu Julian Assange à ses débuts. WikiLeaks n’avait pas encore fait irruption dans le monde avec la vidéo Collateral murder, publiée en 2010 et où l’on voit des soldats américains tuer, en 2007, des civils irakiens depuis leur hélicoptère comme des gamins aux manettes de jeux vidéo, et une flopée d’autres documents accablants pour la gouvernance des États-Unis. Selon le livre du rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, paru en 2022, L’Affaire Assange. Histoire d’une persécution politique (Critiques), Julian Assange est l’objet, depuis plus de dix ans, de calomnies. Il bénéficie toutefois de nombreux soutiens, comme celui que lui portent le cinéaste anglais Ken Loach, signataire de l’avant-propos du livre de Stefania Maurizi, et le journaliste Serge Halimi du Monde diplomatique , qui l’a préfacé.

Alors que les avocats d’Assange se battent pour un dernier recours contre son extradition aux États-Unis – réponse de la Haute Cour britannique ce matin –, nous redonnons l’entretien que Stefania Maurizi a donnée à Anne Crignon pour L’Obs, où elle parle de Julian Assange, de son journalisme et militantisme, et aussi de l’homme qu’il est – Julian Assange serait en réalité porteur d’un syndrome d’Asperger, ce qui, par définition, lui confère plus ou moins d’étrangeté. Stefania Maurizi était les 20 et 21 février à la Haute Cour britannique, de Londres, où des juges, selon l’avis général plus attentifs que les fois précédentes, rassemblaient les éléments qui leur permettront de dire s’il peut présenter un ultime appel au Royaume-Uni pour empêcher son extradition vers les États-Unis.

Anne Crignon : Vous avez donc assisté à cette audience tant attendue. Que pensez-vous de la façon dont les choses se sont déroulées ?

Stefania Maurizi : Je suis journaliste depuis vingt-trois ans, dont dix-huit dans le journalisme d’investigation, eh bien jamais je n’ai vu de procès dans le monde occidental où la presse ait été traitée comme nous l’avons été. J’avais demandé l’autorisation d’assister à l’audience le 19 décembre 2023. Jusqu’à la veille de l’ouverture, les autorités britanniques ont refusé de valider ma demande. Une fois sur place, les journalistes ont fait la queue pendant deux heures devant le tribunal. Lorsque nous avons finalement été admis à l’intérieur, on nous a annoncé qu’aucun siège n’était réservé pour la presse. Nous étions relégués sur une galerie victorienne du XIXe siècle, sans tables pour prendre des notes ou utiliser nos ordinateurs portables, et aucune chance d’entendre ce qui se disait, aucune chance de comprendre qui parlait. Nous, journalistes, n’arrivions pas à y croire. Même lorsque avec un collègue du Spiegel, j’ai pu accéder à la salle d’audience et m’asseoir à trois mètres des avocats américains, ce qui se disait était inaudible ; non seulement la salle d’audience, très belle certes, ne dispose que d’une acoustique épouvantable mais, en plus, l’avocat principal représentant les États-Unis chuchotait, et les deux juges utilisaient rarement les microphones de manière efficace.

Nous n’avons pas pu entendre les questions posées par les juges et avons perdu la majeure partie de l’audience. C’est une injustice envers la presse étant donné qu’elle est ce contre-pouvoir que les États se doivent de respecter. Les autorités britanniques ont eu deux mois pour s’organiser de manière que nous puissions faire notre travail – il suffisait d’ailleurs de quelques microphones pour les avocats, et de tables pour prendre des notes. Apparemment, ils avaient reçu au moins 300 demandes d’accréditation pour assister à l’audience par liaison vidéo et de nombreuses autres pour y assister en personne ; ils étaient donc bien conscients de l’intérêt notoire de cet événement.

— Par-delà cet étrange accueil de la presse, qu’est-ce qui ressort de l’audience ?

— Ce qui en ressort est extrêmement préoccupant : Julian Assange est si malade qu’il n’a pas pu être là, ni même par liaison vidéo. Je connais Julian Assange : il aurait bien sûr assisté à cette audience s’il allait bien ; il veut tout voir et entendre, comprendre ce qui se passe. Mais au moins aurons-nous eu le récit, au cours de l’audience, des avocats d’Assange affirmant comment la CIA avait conçu des plans pour le tuer ou le kidnapper, et ce avant même son arrestation. Nous aurons entendu comment les autorités américaines ont déclaré à plusieurs reprises que le Ier Amendement ne le protégerait pas s’il était extradé vers les États-Unis et jugé, parce qu’il n’est pas citoyen américain. Le Ier Amendement est ce formidable bouclier constitutionnel qui a protégé le New York Times et le Washington Post lorsqu’ils ont révélé les Pentagon Papers en 1971. Si Assange et WikiLeaks ne bénéficient pas de sa protection, il n’aura aucune chance de se défendre. Et il n’a en réalité aucune chance : comment prendre au sérieux les autorités américaines lorsqu’elles affirment que le fondateur de WikiLeaks bénéficiera d’un procès équitable, alors que les services de renseignements les plus puissants du monde disent que les mêmes ont envisagé de le tuer ou de le kidnapper ?

— Parlons, s’il vous plait, de l’homme qu’est Julian Assange, et de la première fois où vous l’avez rencontré…

— Je l’ai rencontré en personne pour la première fois le 21 juin 2010. A ce moment-là, j’avais déjà travaillé sur les documents de WikiLeaks pour L’Espresso et La Repubblica. WikiLeaks m’avait appelée un an auparavant, en juillet 2009, en pleine nuit, parce qu’ils avaient un dossier sur les prétendus accords entre l’État et la mafia en Italie concernant la crise des ordures à Naples, et ils cherchaient, en Italie, une journaliste d’investigation pour vérifier si le dossier était fiable et d’intérêt public. En 2009, ce site n’était pas célèbre. C’était une organisation connue d’un public de niche. WikiLeaks n’avait pas encore publié les documents qui allaient faire l’effet d’une bombe, comme la vidéo Collatéral Murder. Quand j’ai collaboré pour la première fois avec WikiLeaks pour mon journal d’alors, L’Espresso, principal hebdomadaire en Italie, la rédaction en chef n’était pas convaincue de son importance mais, en tant que journaliste, j’avais été profondément impressionnée par sa dimension révolutionnaire : j’avais commencé à analyser leur travail dès 2008 et constaté qu’ils pouvaient obtenir des documents cruciaux comme le manuel d’opérations de la force opérationnelle militaire qui dirige Guantanamo, le « JTF Gtmo ».

— Ce document que l’American Civil Liberties Union (ACLU) avait cherché en vain à obtenir…

— Et que WikiLeaks avait obtenu, oui. Dans un contexte de totale opacité du secret d’État, il y avait donc des sources prêtes à divulguer des documents exceptionnellement importants en utilisant la protection de la cryptographie. Mais Assange et WikiLeaks n’étaient pas seulement pionniers dans l’utilisation de la technologie pour protéger les individus prêts à révéler des secrets d’intérêt public, c’était aussi une équipe très courageuse. Lorsque le Pentagone a exigé de supprimer le manuel de leur site web, sa « publication » n’ayant pas été approuvée par eux-mêmes, ils ont dit non. Pour moi, leur bravoure était un espoir, étant donné l’opacité qui entourait le journalisme dans l’après le 11-septembre. J’ai d’ailleurs toujours été impressionnée par le courage exceptionnel de Julian Assange, des journalistes de WikiLeaks, et de leurs sources comme Chelsea Manning[1].

— Dans les années 2010, tandis que les rédactions du monde entier sont en ébullition pour « réinventer-la-presse-à-l’heure-d’internet », Julian Assange cherche ailleurs, tenté par un journalisme issu de la pensée cypherpunk. L’une de ses motivations premières réside dans ce constat : les États mentent pour justifier des guerres aux mobiles inavouables. Il veut encourager les lanceurs d’alerte et mettre gratuitement à la disposition de tout le monde de quoi faire monter le niveau de lucidité et d’esprit critique dans « nos sociétés devenues des bidonvilles intellectuels », selon sa formule…

— Tout à fait. Il s’agissait d’utiliser les avancées technologiques – internet et la cryptographie − pour démocratiser le savoir en révélant la criminalité d’État au plus haut niveau, relative à la guerre et aux crimes, tortures, exécutions extrajudiciaires. Ces données devenaient accessibles à des millions de personnes. Tout citoyen, journaliste, chercheur, politicien ou activiste du monde entier pouvait désormais avoir accès aux documents sur les guerres, de l’Afghanistan à l’Irak à celles menées contre le terrorisme, et faire de son propre chef des recherches spécifiques et en tirer des conclusions, sans se fier exclusivement aux récits parfois biaisés des journaux.

— Son idée était donc de corriger l’asymétrie d’information qui, selon les analystes cypherpunks, ne cesse de s’aggraver entre les citoyens, exposés à une visibilité de plus en plus totale de leur vie privée, et les puissants de ce monde qui disposent de moyens de dissimulation antidémocratiques ?

— Oui. Ce choix était révolutionnaire. Rendez-vous compte : cela signifiait que n’importe quel lecteur pouvait se prévaloir de ces sources originales pour demander justice devant un tribunal, ou encore les comparer avec les informations rapportées par les journalistes dans leurs articles : avaient-ils traité ce sujet avec précision, ou l’avaient-ils déformé, exagéré, censuré ? Ce processus de démocratisation a bel et bien donné du pouvoir aux lecteurs «  ordinaires » : ils ne sont plus des destinataires passifs de tout ce qui est rapporté par les journaux, les télévisions ou les radios ; pour la première fois, il y avait un accès direct aux sources, ce qui diminuait considérablement l’asymétrie entre ceux qui jouissent de ce privilège et ceux qui ne l’ont pas.

— Julian Assange ne serait-il pas, au fond, un idéaliste qui a échoué ?

— C’est un idéaliste, oui, mais aussi un être humain complexe, capable de penser stratégiquement. Je ne crois pas du tout qu’il ait échoué, bien au contraire. Il a perdu sa liberté précisément parce que lui et son organisation, WikiLeaks, ont trop bien réussi. WikiLeaks a montré que la bataille contre ce que j’appelle le « pouvoir secret » – le plus haut niveau de pouvoir, où les services secrets, les armées et les diplomates opèrent dans le secret – peut être gagnée. C’est pourquoi le pouvoir veut sa mort et celle de WikiLeaks. Tant que WikiLeaks existera et sera opérationnel, cette puissance le percevra comme une menace.

— Est-il vrai que Julian Assange soit un autiste Asperger et, si oui, en quoi cette caractéristique influe-t-elle sur sa façon d’être et de travailler ?

— Julian Assange a été officiellement diagnostiqué comme porteur du syndrome du trouble autistique Asperger en 2020, lors de l’audience d’extradition. Je ne peux pas dire que j’en avais conscience auparavant mais, avec le recul, j’en vois chez lui des signes ; d’autant plus que, ayant obtenu un diplôme en mathématiques avant le journalisme, j’ai croisé dans cette discipline plus d’une personne avec ce profil. Le fait qu’Assange soit un Asperger était évident dès 2010, mais cela n’a été révélé au public que dix ans plus tard. Ce diagnostic explique bien certains comportements déroutants que nous sommes nombreux à avoir remarqués dans nos interactions avec lui au fil des ans.

L’écrivaine australienne Kathy Lette, ancienne épouse de l’éminent avocat des droits de l’homme Geoffrey Robertson, qui représentait Assange, a écrit que, dès 2010, elle avait réalisé que le fondateur de WikiLeaks était probablement autiste − son fils l’est, elle a donc une sorte de radar. Elle expliquait que les principales caractéristiques sont une mauvaise communication, une socialisation qui peut être brouillonne elle aussi, et souvent un trouble obsessionnel-compulsif chronique. S’ajoutent à cela l’anxiété, et bien sûr le très haut niveau de QI. Très vite, Assange est focalisé sur Wikipédia − une focalisation comme on en observe chez beaucoup de génies informatiques. Julian est quelqu’un de passionné, épris de philosophique, et il s’est révélé être un invité très divertissant. Je pense que bien entendu le syndrome d’Asperger a eu un impact sur sa vie, mais la plus grande déflagration dans son existence n’est pas l’autisme dont il est porteur mais le « super pouvoir » : les États-Unis qui l’ont tué à petit feu, aidés en cela par le gouvernement britannique. Et ils l’ont fait exclusivement parce que WikiLeaks a dévoilé de sales secrets. Si les États-Unis obtiennent l’extradition, il est perdu. Là, c’est le dernier appel pour Julian Assange, mais aussi pour nous, car si les journalistes ne sont pas libres de dénoncer les secrets de nos gouvernements, et si le public n’a pas le droit de savoir, alors les démocraties mourront et céderont peu à peu la place aux régimes autoritaires.

— Au début, Julian Assange jouissait d’une très flatteuse renommée internationale. Il a reçu les plus grands prix de journalisme, du The Economist New media Award (2008) au prix de la Dignité catalane (2019). Il a été nominé pour le prix Nobel de la paix et il est même présent dans un album d’Astérix, Le Papyrus de César (2015), où son personnage, baptisé Doublepolémix, est correspondant à Rome du Matin de Lutèce. Et puis est arrivée l’« affaire suédoise », cette histoire de double agression sexuelle, suivie d’une chute immédiate de popularité. Qu’avez-vous pensé quand vous l’avez appris ?

— Il est absolument crucial de comprendre qu’il n’y a jamais eu d’« accusations » en Suède. Et c’est là le nœud du problème. L’opinion publique et d’éminents journalistes croient toujours que Julian Assange a été « accusé » de viol en Suède, qu’il était censé rester en Suède pour le procès, et qu’il a échappé à la justice suédoise en se réfugiant à l’ambassade d’Équateur à Londres. C’est absolument faux. Il n’a jamais été inculpé pour viol ni d’agression sexuelle. Il a été mis en examen pour viol et agression sexuelle présumés, à peine quatre semaines après que lui et WikiLeaks ont commencé à publier les dossiers secrets sur la guerre en Afghanistan, les Afghan War Logs. Cinq jours plus tard, la procureure en chef de Stockholm de l’époque, Eva Finné, clôturait l’enquête pour viol en déclarant : « Je ne pense pas qu’il y ait de raison de soupçonner qu’il ait commis un viol », comme l’a rapporté la BBC. Cependant, Eva Finné a maintenu ouverte son enquête sur les allégations d’agression sexuelle sur Anna A. Assange s’est immédiatement rendu disponible pour un interrogatoire et le 30 août 2010, il a été interrogé par la police suédoise. Mais deux jours plus tard, le 1er septembre 2010, une autre procureure, Marianne Ny, a rouvert l’enquête préliminaire pour viol, agression sexuelle et contrainte. De ce jour, l’enquête sur des allégations de viol allait en rester à ce stade préliminaire pendant plus de six ans, précisément jusqu’en novembre 2016, parce que Marianne Ny a refusé d’interroger Julian Assange à Londres.

— Il y avait pourtant un éventail de possibilités, non ?

— Oui. Assange et ses avocats ont demandé que l’entretien soit mené par téléphone, ou par vidéoconférence, ou par écrit, ou en personne à l’ambassade d’Australie. Toutes ces options étaient parfaitement admissibles selon la loi suédoise. Mais Marianne Ny les a toutes rejetées : elle voulait absolument l’extrader vers Stockholm pour l’interroger. Il faut bien avoir en tête que Julian Assange faisait seulement l’objet d’une enquête ; il n’était pas du tout censé être jugé à Stockholm, vu qu’il n’était pas inculpé. Personne ne comprenait pourquoi Marianne Ny voulait l’extrader juste pour l’interroger. Quoi qu’il en soit, jamais Assange ne s’est pas opposé à l’interrogatoire : dès le début, il a accepté d’être interrogé. S’il s’est opposé à l’extradition vers la Suède, c’est qu’il était convaincu qu’elle pourrait ouvrir la voie à une extradition vers les États-Unis. Marianne Ny aurait pu s’y prendre autrement et se prévaloir des accords d’entraide judiciaire entre la Suède et la Grande-Bretagne pour l’interroger à Londres, comme de nombreux procureurs le font chaque jour − et comme la juge française Eva Joly l’a dit publiquement pendant des années.

— Même l’Équateur a voulu aider à ce que Marianne Ny puisse l’interroger, avant même de lui accorder l’asile…

— L’Équateur proposait sa coopération pour que Julian Assange soit interrogé à son ambassade à Londres. Dans une correspondance diplomatique datée du 25 juillet 2012 − que j’ai obtenue des autorités suédoises en vertu de la loi sur la liberté d’information −, l’Équateur a écrit au ministère suédois des Affaires étrangères, l’informant que Julian Assange était prêt à être interrogé à l’ambassade et que les responsables équatoriens étaient prêts à fournir toute aide nécessaire à la procureure suédoise, et ceci avant de proposer l’asile diplomatique. La Suède n’a même pas répondu. Pourquoi ? Mon enquête [publiée dans L’Espresso] a permis d’en découvrir la raison : ce sont les autorités britanniques du Crown Prosecution Service, en particulier l’avocat Paul Close, qui ont conseillé aux procureurs suédois de ne pas interroger Assange à Londres. En excluant la seule stratégie juridique qui aurait pu permettre une résolution rapide de l’affaire suédoise, les autorités britanniques du CPS ont contribué à créer le bourbier juridique et diplomatique qui maintient Julian Assange coincé à Londres depuis 2010.

— L’embrouillamini suédois est-il la raison pour laquelle tout le monde a cessé de soutenir Assange et WikiLeaks ?

— Ces allégations faisaient certainement partie de la campagne de diabolisation contre Julian Assange et WikiLeaks. Assange a été laissé dans les limbes. Ni inculpé ni innocenté. L’étiquette de «  violeur », elle, est restée attachée à son nom pendant des années, lui aliénant l’opinion publique − un des rares boucliers pour quelqu’un qui a révélé les secrets du Pentagone, de la CIA et de la diplomatie américaine. L’affaire suédoise a joué un rôle décisif dans la diabolisation prolongée et continue de Julian Assange, en le privant de l’empathie et du soutien de l’opinion publique mondiale. En particulier de la partie la plus sensible aux révélations sur les crimes de guerre et la torture, qui est souvent aussi la plus soucieuse des droits des femmes. D’autres attaques sont venues, comme les allégations selon lesquelles lui et WikiLeaks mettaient des vies en danger par leurs publications, alors qu’à ce jour les autorités américaines n’ont jamais été en mesure de nommer un seul individu tué, blessé, torturé ou incarcéré à la suite de ces publications.

— Ce n’est pas faute d’avoir cherché pourtant.

— Je pense que les révélations de Julian Assange et de WikiLeaks ont été examinées et étudiées par la CIA, le Pentagone, la communauté du renseignement américain, et les services secrets du monde entier. Il n’est pas exagéré d’affirmer que les publications de WikiLeaks ont été plus scrutées que celles de toute autre organisation journalistique. En 2013, lors du procès en cour martiale de Chelsea Manning, le chef du groupe de travail du Pentagone chargé d’enquêter sur les conséquences des révélations de WikiLeaks, Robert Carr, général de brigade, a déclaré qu’il n’avait jamais eu connaissance d’un seul individu tué à la suite de ces publications. Il est grotesque qu’une puissance dont la seule guerre en Irak a causé des centaines de milliers de morts innocents et 9,2 millions de réfugiés traque un journaliste qui n’a pas causé un seul mort, et cherche à l’enterrer en prison pour le restant de ses jours. Seul Franz Kafka, dans Le Procès, est à la hauteur de tels mensonges et absurdités.

Propos recueillis et traduits de l’anglais par Anne Crignon, parus sous le titre « Julian Assange a perdu sa liberté parce que lui et WikiLeaks ont trop bien réussi » dans L’Obs le 9 mars 2024

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