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Tribunal australien : la presse n’a aucun droit sur les documents concernant Julian Assange. (Il Fatto Quotidiano)

États-Unis, Grande-Bretagne, Australie et Suède - Nous nous battons depuis 2015 pour accéder à la documentation complète sur l’affaire Assange. Quatre gouvernements nous ont refusé l’accès, et certains ont mystérieusement détruit des documents clés. Maintenant, le tribunal d’appel administratif australien a décidé que le quatrième pouvoir n’y a pas droit. Le public n’a-t-il pas le droit de savoir ce qui s’est passé dans une affaire concernant un journaliste qui risque la prison à vie pour avoir révélé des crimes de guerre et que la CIA prévoyait de tuer ?

La presse n’a pas le droit d’accéder à la documentation sur Julian Assange car, s’ils étaient divulgués, les documents causeraient ou pourraient raisonnablement causer des dommages aux relations internationales de l’Australie et divulgueraient des informations communiquées à titre confidentiel. Telle est la décision récemment rendue par le Tribunal d’appel administratif australien en réponse à notre bataille juridique pour obtenir les documents auprès du ministère australien des Affaires étrangères et du Commerce (DFAT). Cette décision ne représente que la dernière brique du mur qui empêche le quatrième pouvoir de découvrir ce qui s’est passé dans les coulisses de l’affaire Julian Assange et WikiLeaks. Une affaire qui décidera des limites de la liberté de la presse dans les démocraties occidentales, mais aussi une affaire marquée par des violations flagrantes, comme la révélation qu’en 2017, la CIA, alors dirigée par Mike Pompeo, avait prévu d’enlever ou de tuer Assange.

Julian Assange reste dans la prison la plus dure de Grande-Bretagne, Belmarsh, en attendant que la justice britannique se prononce sur son appel contre son extradition vers les États-Unis, où il risque 175 ans de prison pour avoir obtenu et publié des dossiers classifiés du gouvernement américain sur les guerres en Afghanistan et en Irak, des câbles diplomatiques américains et des dossiers sur les détenus de Guantanamo. D’Amnesty International à la Fédération internationale des journalistes (FIJ), toutes les grandes organisations de défense des droits de l’homme et de la liberté de la presse ont demandé l’abandon de la procédure d’extradition et la libération d’Assange.

Assange, qui est citoyen australien, a été détenu arbitrairement, selon le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire. Comme l’a documenté le rapporteur spécial de l’ONU sur la torture, Nils Melzer, il a été torturé psychologiquement. Il a également été espionné à l’intérieur de l’ambassade d’Équateur, où il est resté confiné jusqu’à son arrestation et son incarcération à Belmarsh. La CIA avait prévu de le tuer.

Seule une enquête indépendante peut reconstituer minutieusement ces faits et exposer les responsabilités des autorités impliquées dans ces abus. Mais une enquête indépendante n’est possible que si les journalistes peuvent accéder à l’ensemble de la documentation sur Assange et les journalistes de WikiLeaks. Depuis 2015, l’auteur de cet article tente de l’obtenir par le biais du Freedom of Information Act, l’outil qui permet aux citoyens d’accéder aux documents gouvernementaux d’intérêt public.

Quatre gouvernements - ceux du Royaume-Uni, des États-Unis, de l’Australie et de la Suède - se sont opposés à la publication de cette documentation, nous obligeant ainsi à mener une bataille juridique dans quatre juridictions, où nous sommes représentés par sept avocats différents. Il s’agit d’un processus extrêmement difficile et coûteux, mais c’est uniquement grâce à cet effort que des informations factuelles importantes et des faits suspects ont été mis en lumière.

La Grande-Bretagne, par exemple, nous refuse l’accès à la documentation complète depuis 2015. Dans la procédure d’extradition, les États-Unis agissent par l’intermédiaire du Crown Prosecution Service britannique, qui est la même autorité publique britannique qui était chargée de l’extradition d’Assange vers la Suède lorsqu’il faisait l’objet d’une enquête pour viol, bien qu’il n’ait jamais été inculpé et que l’enquête ait finalement été abandonnée. Notre combat juridique a permis de mettre au jour des preuves que le Crown Prosecution Service a contribué à créer le bourbier juridique et diplomatique qui a maintenu Assange en détention arbitraire, d’abord en résidence surveillée, puis à l’ambassade d’Équateur pendant près de dix ans. Pourquoi le Crown Prosecution Service s’est-il comporté de la sorte ?

Lorsque nous avons creusé cette affaire dans le cadre de notre litige sur la liberté d’information en Grande-Bretagne, nous avons découvert que le Crown Prosecution Service avait détruit des documents clés. Pourquoi ont-ils détruit des documents essentiels concernant une affaire juridique toujours en cours et très controversée ? Qu’ont-ils détruit exactement et sur les instructions de qui ? Au cours des cinq dernières années, le Crown Prosecution Service a refusé de fournir toute explication précise.

Lorsque nous avons tenté d’obtenir de la Suède une partie des documents détruits, considérant qu’une partie d’entre eux constituait une correspondance entre la Suède et la Grande-Bretagne, les autorités suédoises ont résolument nié détenir les milliers de pages de correspondance que les autorités britanniques ont admis avoir échangées avec elles.

La Suède a aussi détruit un courriel du FBI. Au cours de notre bataille juridique, les Suédois ont admis que l’e-mail provenait d’un cadre du FBI. On ne sait pas exactement ce que contenait le courriel, pourquoi ils l’ont détruit ni ce qu’ils ont détruit d’autre.

Quant à l’Australie, elle s’est avérée être la pire des quatre juridictions en termes de transparence gouvernementale. Nous avons soumis une requête FOIA au ministère australien des Affaires étrangères et du Commerce en janvier 2018, demandant une copie de la correspondance complète sur l’affaire Assange entre le ministère et le Foreign Office britannique et le Département d’État américain de 2016 à 2018.

Les autorités australiennes nous ont communiqué la bagatelle de 24 pages de documents, entièrement expurgés à l’exception de quelques mots qui ne permettent pas de reconstituer une seule phrase. Au cours des quatre dernières années, nous avons fait tous les efforts possibles pour obtenir ces documents. Finalement, représentés par deux avocats australiens de renom, Peter Bolam et Greg Barns, nous avons intenté un procès au ministère des Affaires étrangères.

Le tribunal d’appel administratif australien a toutefois donné raison au ministère. Dans une décision rendue par le président adjoint, M. B.W. Rayment, le tribunal a établi que la presse n’a pas le droit d’accéder à la documentation demandée, car si elle était divulguée, "elle causerait, ou pourrait raisonnablement causer, des dommages aux relations internationales du Commonwealth" - une association de 56 pays qui comprend la Grande-Bretagne et l’Australie et dont les racines remontent à l’Empire britannique - et "divulguerait toute information ou tout sujet communiqué à titre confidentiel par un gouvernement étranger ou en son nom".

Il est remarquable que les autorités australiennes aient refusé au public l’accès à des documents sur un journaliste australien que la CIA prévoyait d’assassiner de manière extrajudiciaire pour avoir publié des informations véridiques et d’intérêt public. Les contribuables australiens et le public n’ont-ils pas le droit de savoir si le gouvernement australien était au courant de ces plans et les a approuvés ?

Bien que complètement caviardées, les 24 pages que le ministère des Affaires étrangères nous a communiquées contiennent une bribe d’information importante : le 19 mai 2017, le jour même où la Suède a abandonné l’enquête sur le viol de Julian Assange, " Un haut responsable politique " affecté à la sécurité nationale à l’ambassade d’Australie à Washington DC a écrit un courriel au ministère des Affaires étrangères ou au département d’État américain qui se lit comme suit : "En bref, suite à la décision du procureur général de Suède de clore son enquête préliminaire et de retirer le mandat d’arrêt européen concernant M. Assange, Canberra a demandé des conseils initiaux sur [expurgé]". Le reste du texte étant entièrement rédigé, il est impossible de comprendre sur quoi Canberra a demandé des conseils et quel type de questions de sécurité nationale a été discuté avec le gouvernement américain ou britannique.

Cet échange de courriel est toutefois important, car il a eu lieu dans les semaines où la CIA était furieuse contre Julian Assange et WikiLeaks pour avoir publié Vault 7, une base de données de documents secrets sur les cyber-armes qui permettent à la CIA de pénétrer dans les téléphones, les ordinateurs et même les téléviseurs intelligents pour espionner les conversations et voler des documents. Quelques semaines avant cet échange de courriel - précisément à la fin du mois de mars 2017 - le FBI s’intéressait également à Assange ; il a envoyé un courriel à son sujet aux autorités suédoises, qui l’ont détruit.

Selon une enquête publiée par un média américain, Yahoo News, et basée sur des conversations avec plus de 30 anciens responsables américains, c’est précisément après la publication de Vault 7 en mars 2017 que la CIA, alors dirigée par Mike Pompeo, nommé par Trump, a planifié d’enlever ou de tuer Julian Assange.

Dans ces semaines où Canberra cherchait "quelques orientations initiales", les autorités australiennes étaient-elles au courant des plans de la CIA pour le kidnapper ou le tuer ? Il Fatto Quotidiano a demandé au ministère australien des Affaires étrangères s’il avait déjà demandé des explications aux autorités américaines sur ces plans. Le ministère n’a pas répondu à notre question, mais a commenté : "Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce est au courant des rapports des médias sur ce sujet. Le gouvernement australien continue de suivre de près le cas de Julian Assange. Le gouvernement est d’avis que l’affaire de M. Assange a duré trop longtemps et qu’il convient d’y mettre un terme".

Après une décennie de gouvernements de droite, l’Australie a maintenant un premier ministre de centre-gauche, Anthony Albanese, d’origine italienne. Parmi les défenseurs de la liberté de la presse et des droits de l’homme, nombreux sont ceux qui réclament une avancée dans l’affaire Assange et se tournent vers Albanese avec espoir. Le mois dernier, la plus haute représentante des Nations unies pour les droits de l’homme, la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a rencontré l’équipe juridique du fondateur de WikiLeaks, mettant en garde les autorités britanniques et américaines contre son extradition et déclarant qu’elle restait "inquiète pour son bien-être physique et mental".

Di Stefania Maurizi

Traduction "au temps pour le droit de savoir" par Viktor Dedaj avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles

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Dès 2008, deux ans après le lancement de la plateforme WikiLeaks, Stefania Maurizi commence à s’intéresser au travail de l’équipe qui entoure Julian Assange. Elle a passé plus d’une décennie à enquêter les crimes d’État, sur la répression journalistique, sur les bavures militaires, et sur la destruction méthodique d’une organisation qui se bat pour la transparence et la liberté de l’information. Une liberté mise à mal après la diffusion de centaines de milliers de documents classifiés. Les (…)
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