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La génitrice méprisée d’un poète immortel

Une tombe trop discrète …

C’est une modeste tombe en granit, sur lequel le temps a presque effacé son seul ornement : un poème gravé, signé Aragon. La ville de Cahors ne la signale pas sur le plan à l'entrée du cimetière. Ici repose Marguerite Toucas, décédée le 2 mars 1942 à l’hôpital, dans le dénuement.

Le 1er janvier, jour des ballonnements et de l’Alka-Seltzer, jour des « j’ai trop bouffé et trop picolé hier », avec mon fils aîné et sa compagne, installés dans le Lot, je suis allé me recueillir (photo) sur la tombe de la mère de Louis Aragon.

Il y a des débuts d’années plus béotiens.

Je connais bien le réflexe pavlovien qui, au seul nom d’Aragon, fait s’écrier« Stalinien » à tous les chiens de garde du CAC 40, à leurs chiots gavés par BFM, à ceux dont Hugo disait : « Ils sont humiliés d’aboyer, ne pouvant, jusqu’au rugissement, hisser leur petitesse ».

Ah ! Que je méprise les imbéciles qui se pâment devant Céline sans penser à dire : « Collabo, traître à sa patrie, antisémite... ! ».

Ah, que j’en veux à la ville de Cahors de ce tranquille mépris, de ce procédé (« stalinien » ?) par lequel on efface de la photo du cimetière le visage d’une mère dont on n’aime pas le fils.

Il faudra que cela se sache, que l’outrage soit lavé, que la lacune soit comblée, que les touristes et les Cadurciens puissent enfin marquer un arrêt devant la dépouille de cette femme qui mit au monde un des plus grands poètes qui soit.

Voici le poème d’Aragon gravé sur la pierre, aujourd’hui illisible et qui attend d’être dressé sur un panneau (le monde en serait meilleur) :
« Ici repose un coeur en tout pareil au temps
Qui meurt à chaque instant de l’instant qui commence
Et qui se consumant de sa propre romance
Ne se tait que pour mieux entendre qu’il attend.
Rien n’a pu l’apaiser jamais ce coeur battant
Qui n’a connu du ciel qu’une longue apparence
Et qui n’aura vécu sur la terre de France
Que juste assez pour croire au retour du printemps.
Avait-elle épuisé l’eau pure de ses souffrances
Sommeil ou retrouvé ses rêves de vingt ans
Qu’elle s’est endormie avec indifférence
Qu’elle ne m’attend plus et non plus ne m’entend
Lui murmurer les mots secrets de l’espérance
Ici repose enfin celle que j’aime tant.
Aragon. »

Savoir ce que fut la vie de cette femme, ses rapports avec son fils imposés par l’époque, aide assurément à décrypter ce poème et à le lire avec les larmes aux yeux.

Maxime Vivas

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Lorsque l’on tente, comme ce fut le cas récemment en France, d’obliger une femme à quitter la Burqa plutôt que de créer les conditions où elle aurait le choix, ce n’est pas une question de libération mais de déshabillage. Cela devient un acte d’humiliation et d’impérialisme culturel. Ce n’est pas une question de Burqa. C’est une question de coercition. Contraindre une femme à quitter une Burqa est autant un acte de coercition que l’obliger à la porter. Considérer le genre sous cet angle, débarrassé de tout contexte social, politique ou économique, c’est le transformer en une question d’identité, une bataille d’accessoires et de costumes. C’est ce qui a permis au gouvernement des Etats-Unis de faire appel à des groupes féministes pour servir de caution morale à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Sous les Talibans, les femmes afghanes étaient (et sont) dans une situation très difficile. Mais larguer des "faucheuses de marguerites" (bombes particulièrement meurtrières) n’allait pas résoudre leurs problèmes.

Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

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