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État et autoritarisme bourgeois. Quelles perspectives pour le prolétariat contemporain ?

La question de l’État est centrale dans la théorie marxiste. Machine d’oppression au service de la classe dominante, l’État « est le produit et la manifestation de ce fait que les contradictions de classes sont inconciliables » (Lénine). Ces dernières années, le tournant autoritaire de la Ve République en France, pose sur le devant de la scène diverses questions notamment sur le rôle de la police et sur les structures de la Ve République. Mais ces questions sous-entendent la place et le rôle de l’État. La théorie marxiste, de Engels à Lénine, nous a apportés de précieux outils pour pouvoir analyser aujourd’hui ce qui se joue dans le durcissement de la politique de la classe bourgeoise. De cette analyse pourront être tiré des clés de compréhension de la situation politique actuelle en donnant des armes de lutte à la classe laborieuse se révoltant radicalement, semaine après semaine, contre un autoritarisme décomplexé.

L’État bourgeois face à la résurgence de la lutte des classes

L’État comme l’a décrit Lénine « surgit là, au moment et dans la mesure où, objectivement, les contradictions de classes ne peuvent être conciliées. » [1]. En d’autres termes, ce que l’on appelle de manière abstraite L’État n’est autre qu’une machine oppressif né de l’existence même de la lutte des classes. Cette machine d’oppression d’une classe sur une autre, est né de la domination de la classe bourgeoise sur la classe prolétaire durant les révolutions du XIXe siècle. « Si l’État est né du fait que les contradictions de classes sont inconciliables, s’il est un pouvoir placé au-dessus de la société et qui « lui devient de plus en plus étranger », il est clair que l’affranchissement de la classe opprimée est impossible, non seulement sans une révolution violente, mais aussi sans la suppression de l’appareil du pouvoir d’État qui a été créé par la classe dominante et dans lequel est matérialisé ce caractère « étranger ». » (Lénine, l’État et la révolution.). Ainsi, l’État a pris forme dans le moule bourgeois, il s’est imprégné des caractéristiques de la classe dominante. Cette dernière a pu modeler à sa guise un État bourgeois pour asseoir sa domination sur la classe opprimée. Cela à travers notamment diverses institutions coercitives. C’est pourquoi, s’éloignant de la réalité de la lutte des classes en se plaçant au-dessus de la société, l’État n’a aucune chance d’être réformé par la classe dominée. Il convient alors pour cette dernière, dans son affranchissement de l’État, d’effectuer une révolution violente mais aussi de détruire l’appareil d’État créait par la classe dominante.

Depuis la chute du mur de Berlin en 1989, le capitalisme mondial a réussi à imposer l’idée d’un système bienfaiteur ; d’un système marquant la fin de l’histoire. Depuis maintenant environ 30 ans, le marxisme a été foulé au pied par une grande majorité des partis communistes européen ainsi que par l’ensemble de la social-démocratie s’étant facilement allié au réformisme et au libéralisme, voir même au néo-libéralisme. Cet ensemble de composantes, couplé à une bureaucratisation de plus en plus forte des syndicats et des partis, a participé à l’invisibilisation de la lutte des classes jusqu’au début des années 2010. La crise des subprimes de 2008 a relancé un intérêt pour la figure de Karl Marx notamment. Pour ce qui est de la lutte des classes, nous assistons depuis 2016 en France [2] à une résurgence de cette dernière. Cette résurgence qui commence à peine à être conscientisé par le prolétariat contemporain, a été complétement compris par la classe bourgeoise.

Le mouvement des Gilets jaune, en dehors du fait qu’il a été une résurgence de la lutte des classes, a amené sur le devant de la scène une pratique radicale de la politique. Occupation de ronds-points, manifestations non déclarées et revendications offensives, sont trois aspects ayant marqué un tournant dans les formes de contestation en France. Depuis, tous les mouvements contestataires, de la grève contre la réforme des retraites au mouvement contre la loi Sécurité Globale se développent autour de manifestations sauvages ou quasi-sauvages. L’occupation de zones précises ainsi que le soulèvement offensif du mouvement sont quant à eux tombés en sommeil, mais il est plus que probable que les conséquences de la crise sociale, sanitaire et économique actuelle, couplée à l’autoritarisme galopant de l’État bourgeois, ces nouvelles formes de lutte radicales reviennent structurer les contestations dans un futur proche.

Face à cette radicalité, la bourgeoisie n’est pas restée sans réagir. Les violences et la criminalité policière, jusque-là cantonnés aux quartiers populaires et aux population immigrés, ont surgi dans la capitale et les grandes agglomérations (notamment Bordeaux, Toulouse et Montpellier). Cette violence est apparue au cœur même de la bourgeoisie, devant ses yeux. Dans les grandes villes où elle s’était coupée du monde. Jusqu’à devenir un sujet politique central avec l’assassinat de George Floyd aux États-Unis, de Cédric Chouviat en France, et le passage à tabac de Michel Zecler il y a quelques mois.

Mais cette violence et cette impunité de l’institution policière est elle aussi intrinsèquement lié à la question de l’État. Cette « force publique » comme l’a nommée Engels, est une force de l’État, produit et administré par ce dernier. En dernière instance, la police est donc la force publique de défense de la bourgeoisie. Ce fait, théorisé par Engels puis Lénine il y a plus d’un siècle, a été très bien compris par les acteurs des luttes sociales depuis les Gilets Jaunes [3]. C’est ainsi que le slogan « les policiers avec nous » entendus dans les premiers temps du mouvement, a très vite été remplacé par les plus pertinents « Tous le monde déteste la police » et sa variante « La police déteste tout le monde ». Une preuve que le meilleur apprentissage de la révolution et de ses théories, se trouvent au sein même de la lutte. De plus, l’institut de sondage Opinionway a publié une étude le vendredi 18 décembre 2020 selon laquelle 62% des français pensent que « les policiers qui commettent une faute sont couverts par leur hiérarchie » que 40% que la police française est raciste et que 60% considérent que les violences policières sont une réalité en France.

« Il est plus agréable et plus utile de faire l’expérience d’une révolution que d’en écrire. »
Lénine

LPPR & Loi sécurité globale. Le tournant autoritaire de l’État bourgeois.

En 2017, Emmanuel Macron – alors en campagne – nous montrait le visage d’une bourgeoisie progressiste. Pour ne citer que quelques exemples, il promettait d’instaurer un ministère plein et entier pour le droit des femmes, de punir toute acte de violence policière, en venant même à reconnaître, et c’est une bonne chose, le caractère criminel de la colonisation française. Ces trois dernières années d’exercice du pouvoir nous auront au moins servi à ne pas nous voiler la face. Le ministère se réduisant à un simple poste de secrétaire d’État chargé de l’égalité femme-homme, les violences policières restant toujours impunis, et un premier ministre qui de manière très décomplexée, en appel sur un plateau de télévision à ne pas s’autoflageller pour la colonisation. On peut aujourd’hui voir un projet politique qui s’épanouit dans un autoritarisme décomplexé, et un Macron qui se voulait égérie du progressisme bourgeois comme l’on put l’être Obama et Trudeau mais qui, en réalité, est l’incarnation la plus réactionnaire des classes dominantes.

Mais cette évolution loin d’être surprenante, s’explique. Ce n’est pas une erreur de parcours qu’est en train de vivre le gouvernement, mais bien une réaction mécanique du système capitaliste à un contexte économique, social et politique fortement changeant. La montée répressive de l’État peut, si ce n’est s’expliquer, du moins se comprendre à travers quelques points.

Cette répression a connu une étincelle lors du mouvement des Gilets Jaunes. En venant s’abattre en 2018 sur le secteur de la classe moyenne et prolétaire qui les composait. Cette violence structurelle de l’État bourgeois et de sa police s’est rendue visible à une large frange de la population. Aujourd’hui, la crise du coronavirus a permis au gouvernement d’étendre ses mesures répressives (amendes, couvre-feu, confinements. Des mesures qui auraient pu être évitées). Cette gestion criminelle de la crise a fortement affaibli le gouvernement, en témoigne le remaniement opéré lors du premier déconfinement de juin. Cette faiblesse additionnée avec un contexte économique international qui prévoit des crises de grandes ampleurs dans les années à venir a forcé le gouvernement à opérer un renforcement sur sa droite.

Cette politique répressive du gouvernement s’est cristallisée ces dernières semaines à travers la loi Sécurité Globale et son article 24, mais aussi autour de la LPR et de son passage visant à criminaliser toute contestation étudiante. De plus, la prochaine Loi Séparatisme promet quant à elle d’exacerber la répression islamophobe du gouvernement. Tout cela agrémenté de polémiques toutes plus réactionnaires les unes que les autres : débat sur un prétendu islamo-gauchisme à l’Université ; un débat Darmanin-Le Pen dans lequel le ministre de l’Intérieur a trouvé les propositions racistes de Marine Le Pen « trop molles ».

L’année 2020 apparaît comme ayant été un tournant dans les luttes sociales et laissent entrevoir des temps violents pour les mouvements contestataires. Le gouvernement apparaît aujourd’hui comme le fossoyeur des libertés démocratiques. Cela amène à chaque nouvelle manifestation une hausse de la radicalité. C’est donc une véritable prouesse qu’a réussi le gouvernement en permettant la radicalisation politique d’une grande frange de la jeunesse mais aussi l’union rare d’une opposition allant de centre gauche capitaliste à l’extrême-gauche marxiste en passant par toute une gauche sociale-démocrate, libérale et radicale. Une union à relativisé somme toute, mais qui se retrouve dans les dernières manifestations [4].

Quelles perspectives pour le prolétariat contemporain ?

Il n’y a aucune perspective réformiste pour les travailleurs. Prenons l’exemple du cas français. Quelles perspectives a la classe laborieuse française, si l’on considère l’élection présidentielle comme structurant les changements politiques (vision bourgeoise, véritable absurdité historique et politique), aucun choix ne leur est donné pour reprendre le pouvoir politique. L’option France Insoumise n’étant ni une perspective à court terme, encore moins une perspective à long terme pour le prolétariat. Les luttes d’aujourd’hui, le mouvement ouvrier, doivent être structurées autour d’un programme éminemment révolutionnaire. Toutes les luttes, bien que différentes, doivent avoir pour perspective le renversement du système capitaliste. Un exemple parfait étant le soutien du collectif Du Pain et des Roses aux raffineurs de GrandPuits en grève. A court terme, l’avant-garde prolétarienne doit fonder un Parti Révolutionnaire profondément Internationaliste. La révolution socialiste ne peut être que permanente. Ce parti devra rassembler les éléments les plus avancés de la lutte des classes, des gilets jaunes révolutionnaires aux militants anti-racistes, féministes, LGBTQ+ les plus radicaux, en passant bien sûr par les marxistes révolutionnaires.
Seul l’existence de ce parti garantira, en France, l’émergence d’un mouvement révolutionnaire socialiste.

« La vie est belle. Que les générations futures la nettoient de tout mal, de toute oppression et de toute violence, et en jouissent pleinement. »
Trotsky

[1] Lénine, L’État et la révolution. La doctrine marxiste de l’État et les tâches du prolétariat dans la révolution, Montreuil-sous-Bois, éditions Sciences Marxiste, 2017.

[2] Je me concentrerai lors de cet article uniquement sur le cas de la France.

[3] Inconsciemment compris. Cette vision de la police au sein du mouvement c’est forgé au fur à mesure des contestation et de la répression.

[4] A relativiser car la gauche sociale-démocrate, écologiste et libérale, si elle n’est pas anticapitaliste et révolutionnaire, ne sera jamais un allié de la classe laborieuse.

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