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De Defensa

Etats Unis : L’ivresse

7 novembre 2002 - Au lendemain des résultats des élections, voici les commentaires. Ils nous font part, pour la plupart, de l’ivresse triomphaliste qui doit colorer le sentiment de GW et de tous ses gens. Une dépêche de l’agence UPI en rend compte de manière significative. En voici quelques extraits qui donnent le ton et disent à peu près tout ce qu’il importe d’en savoir.

"le monde est maintenant confronté à un Président George W. Bush triomphant après les élections du midterm. Son parti républicain est aux commandes des deux Chambres du congrès, et Bush peut réclamer un nouveau mandat pour une politique étrangère autoritaire dont les implications unilateralistes du type "l’Amérique d’abord" ont déconcerté les amis comme les ennemis."

"Nous devons traiter avec une puissance qui n’a aucune limite dans son traitement des questions étrangères, " laffirme Mohammed Shahed, chef du Conseil égyptien sur les relations étrangères, dont l’inquiétude au sujet d’une administration qui ne serait restreinte par aucune autre branche du gouvernement était largement partagé au delà des rivages des ETATS-UNIS.

les "diplomates à Washington mercredi, tout en notant que la branche exécutive avait toujours été responsable de la politique étrangère, ont proposé que les majorités républicaines dans le congrès donnent à l’administration de Bush bien plus de latitude en matière de politique étrangère, en accordant plus de poids à ses voix les plus radicales etr en affaiblissant les colombes.

"Je pense qu’un des perdants de cette élection pourrait être (le secrétaire d’état) Colin Powell, qui était vu par la plupart des gouvernements étrangers comme voix d’écoute et de sagesse dans une administration qui semble autrement en grande partie remplie de faucons " a commenté un diplomate de l’cOtan basé à Washington."

 [1]

On distingue dans certains des propos cités, qui se veulent froids et détachés, ou plutôt derrière ces propos froids et détachés, l’émotion, voire l’exaltation qui aujourd’hui conduit le jugement. Il s’agit de l’"effet d’annonce" ; il y en a déjà eu (qu’on se rappelle l’enthousiasme, évidemment pro-US, qui suivit la chute de Kaboul ou le discours de GW à l’ONU) et il y en aura encore ; c’est l’effet direct du vertige que procure ce qu’on juge être une "démonstration par la force" et qui n’est en général qu’une "démonstration de force" ; cet effet conforte évidemment ceux qui croient en la méthode, dont manifestement font partie nombre d’analystes interrogés ici, y compris celui qu’on nomme ici, « one senior NATO diplomat based in Washington" Cet effet est temporaire. La grande victoire du parti de GW sera oubliée demain ; surtout, elle ne changera rien aux problèmes que rencontre Washington pour lancer enfin sa guerre contre l’Irak. Elle accentuera la crainte générale qui, aujourd’hui, dicte les politiques étrangères du reste du monde, avec l’alternative de la collaboration ou de la résistance. (Citons nous-mêmes nos sources : une source britannique, qui parle un excellent français, à qui nous tenions ce propos, jugeait le choix des termes assez fâcheux et lui préférait « une alternative entre adaptation tactique et réaliste d’une part, opposition spectaculaire mais risquée d’autre part ». Nous comprenons ces réticences et ces corrections de langage ; sur le fond, la source partage l’analyse sur ce point.)

D’une façon générale, on a pu relever ici et là les remarques suivantes :

La défaite des démocrates est un événement politique important. Le site WSWS, avec son systématisme et sa précision de type-trotskiste, a donné une analyse sévère mais entièrement justifiée de la défaite d’un parti démocrate qui s’est montré incapable, dans tous les domaines, de prendre ses responsabilités d’opposants. Notre analyse est que cette situation intérieure américaine est l’exact reflet de la situation extérieure : le refus de prendre nettement position, quitte à s’opposer s’il le faut, conduit à des désastres politiques. (Notre source britannique désapprouve cette partie de notre analyse en toussotant.) En trois paragraphes, WSWS exécute les démocrates. Comme nous le disons, sévère mais juste :

"Les démocrates ont rationalisé leur soutien pour une guerre impérialiste préventive en clamant que faire autrement aurait été un suicide politique, ajoutant à cela qu’une fois la question de guerre mise à l’écart, ils pourraient se concentrer sur les politiques domestiques de Bush et s’y opposer.

Ils ont simplement ignoré une éruption des sondages d’opinion publique indiquant l’inquiétude répandue au sujet de la guerre et diminuant le soutien apporté à l’ordre du jour militariste de Bush. "en réalité, en soutenant la guerre ils soutenaient l’intégralité du programme de l’administration. Il est impossible de séparer la politique étrangère prédatrice de Bush, de ses politiques de répression et de réaction sociale à la maison. Elles constituent les deux faces du même ordre du jour - qu’ils poursuit non pas au nom des interêts des américains, mais au profit de ceux de l’oligarchie des entreprises et de la finance.

"en fin de compte, les démocrates n’étaient ni capables ni désireux de proposer aucune mesure sérieuse pour traiter le problème de la croissance du chômage ou la crise de la détérioration du système éducatif, de la santé et du logement. Ils n’ont pas osé défier Bush sur la question de la reduction des impôts aux riches, ou ses attaques au sujet des programmes sociaux, ou son budget militaire record. C’était une capitulation sur toute la ligne.

 [2]

Loin de renforcer une puissance américaine qui n’a certainement pas besoin de poids supplémentaire, cette victoire du parti républicain enferme tragiquement l’Amérique dans un extrémisme qui peut difficilement servir de politique exploitable. Il n’existe plus aucun frein, non dans les actes (car il y en beaucoup moins qu’il semblerait à écouter les exclamations autour de la puissance US) mais dans la perception psychologique unilatéraliste de l’équipe GW, c’est-à -dire dans le déploiement d’une rhétorique brutale, tout entière axée sur la menace de l’utilisation de la force ("hard power") de préférence à l’utilisation de l’influence et de la persuasion ("soft power"). La politique américaine est de plus en plus orientée vers l’exigence du "tout ou rien" (qui n’est pas avec nous est contre nous), avec l’obligation de gagner à chaque coup, et le danger d’une profonde déstabilisation en cas d’obstacle résistant.

La victoire républicaine va également exercer, de façon indirecte, par le truchement de la politique de GW, une pression considérable sur les pays extérieurs pour les soumettre dans les conditions les plus humiliantes possibles. L’Allemagne est la première sur la liste. Ces exigences seront d’une telle force que la capitulation sera de plus en plus difficile à envisager, à moins d’accepter un suicide politique intérieur pour les dirigeants de ces pays. De cette façon, l’Amérique de GW devrait à terme faciliter les regroupements contre elle.

Cette idée rencontre des analyses critiques actuellement développées aux USA, et qui s’accordent particulièrement à la situation créée par la victoire des républicains. C’est le cas dans un récent (4 novembre) séminaire, au Carnegie Endowment for International Peace, à Washington, où parlaient plusieurs analystes critiques de la stratégie de l’administration GW, dont Michael Lind (directeur du Strategy Project, à la New America Foundation). L’hebdomadaire Defense News en rapporte un compte-rendu. Parlant des nouvelles conditions de "coopération" offertes par l’administration GW, sous l’inspiration essentiellement de Paul Wolfowitz, il nous dit :

"sous couleur de ses nouvaux partenariats, [ ajoute Lind ] , l’administration" offre essentiellement à des pays la même chose que ses prédécesseurs ont fait avec la Rép. Féd. d’Allemagne et le Japon "pendant la guerre froide. Elle les transforme en "semi-satellites" de la politique étrangère des ETATS-UNIS qui dépendent complètement des militaires des ETATS-UNIS pour assurer leur survie. Ce faisant, l’administration cherche à préserver la domination militaire des ETATS-UNIS sur chaque coin du globe, même si ceci signifie assumer la responsabilité de chaque autre nation.(...)

 [3]

Article paru dans Dedefensa


[1« The world now faces President George W. Bush triumphant after the midterm elections. His Republican Party is in command of both Houses of Congress, and Bush can claim a potent new mandate for an assertive foreign policy whose unilateralist "America First" implications have disconcerted friends and foes alike.

We are dealing with a power that has no limit in its dealing with foreign issues," said Mohammed Shaker, head of the Egyptian Council on Foreign Relations, whose wariness of a Bush administration unrestrained by any other branch of government was widely shared beyond U.S. shores.

Diplomats in Washington Wednesday, while noting that the executive branch was always in charge of foreign policy, suggested that the Republican majorities in Congress would give the Bush administration even more self-assurance in foreign policy, and adding weight to its more hawkish voices and weakening the doves.

"My guess is that one of the losers of this election campaign might be (Secretary of State) Colin Powell, who has been seen by most foreign governments as a voice of caution and of wisdom in an administration that otherwise seems largely filled with hawks," commented one senior NATO diplomat based in Washington."

[2« The Democrats rationalized their support for an unprovoked imperialist war by claiming that to do otherwise would be political suicide, adding that once the war question was out of the way, they could concentrate on opposing Bush’s domestic policies. They simply ignored a rash of public opinion polls revealing widespread disquiet over the war and declining support for Bush’s militaristic agenda.

 » In reality, in supporting the war they were supporting the entirety of the administration’s program. It is impossible to separate Bush’s predatory foreign policy from his policies of repression and social reaction at home. They are two sides of the same agenda-one that is pursued in the interests not of the American people, but of the corporate and financial oligarchy.

 » In the end, the Democrats were neither able nor willing to propose any serious measures to deal with the growth of unemployment or the worsening crisis in education, health care and housing. They dared not challenge Bush’s tax handouts to the rich, his attacks on social programs, or his record military budget. It was capitulation all down the line.

[3« Under these new partnerships, [Lind] added, the administration "essentially offers countries the same bargain its predecessors made with West Germany and Japan" during the Cold War. It turns them into "semi-satellites" of U.S. foreign policy that are wholly dependent on U.S. military might for their survival. In so doing, the administration seeks to preserve U.S. military dominance over every corner of the globe, even if this means assuming responsibility for the security of every other nation, Lind

 » Such a rationale undermines "our best bet for achieving security, which is coalition-building," said Charlie Kupchan, senior fellow with the New York-based Council on Foreign Relations. Kupchan conceded that the neoconservative belief "that if we lead strongly, other countries will get behind us, may have been true in Imperial Age." But he noted that such an "unadorned use of power is no longer seen as legitimate" in the eyes of most world leaders and encourages the very sort of counter-coalitions the U.S. leadership seeks to prevent. »


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