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Le Monde Diplomatique (juillet 2020)

Serge Halimi décrypte (comme disent dans un réflexe pavlovien les médias neuneux) le mot « systémique : « Les multinationales américaines ont très souvent recours à la philanthropie pour cacher les méfaits qui les ont enrichies. Depuis mai dernier, elles versent donc des centaines de millions de dollars à diverses associations afro-américaines, dont Black Lives Matter. De telles libéralités envers une structure militante qui combat le « racisme systémique » font un peu penser au paiement d’une police d’assurance. Apple, Amazon, Walmart, Nike, Adidas, Facebook, Twitter, qui savent mieux que personne ce que « systémique » signifie, doivent redouter que la mise en cause d’iniquités structurelles aux États-Unis cible bientôt d’autres infamies que les violences policières – et situées plus près de leur conseil d’administration. Dans cette hypothèse, les protestataires ne se satisferont pas très longtemps de gestes « symboliques » consistant à s’agenouiller devant des Afro-Américains, à déboulonner des statues, à rebaptiser des noms de rue, à se repentir de son « privilège blanc ». Or c’est bien à ce répertoire, inoffensif pour eux, que les patrons de multinationales souhaitent cantonner le mouvement populaire ayant réveillé la société américaine après la diffusion des images de la mort d’un homme noir étouffé sous le genou d’un policier blanc.

Laurent Bonelli décrit la violence des forces de l’ordre social : « Tout le monde déteste la police. » Courant dans les manifestations françaises, ce slogan exprime une exaspération qui n’est plus cantonnée aux groupes les plus militants. Trop souvent requises pour réprimer des mouvements sociaux, avec une brutalité remarquée, les forces de l’ordre ont vu leur mission se confondre avec celle d’une garde prétorienne du pouvoir. Leur popularité n’y a pas résisté. »

Pour Philippe Descamps, l’aviation civile traverse la tempête du siècle : « Le transport aérien représente le principal vecteur de la diffusion mondiale du Covid-19 et le secteur d’activité le plus affecté par la pandémie. Porté par la croissance débridée du tourisme, il se retrouve au carrefour des crises sanitaire, économique, sociale et environnementale. En Occitanie, on redoute l’effondrement d’une industrie qui structure le développement régional, tout en espérant sa transformation. »

Félix Tréguer nous présente les deux visages de la censure : « En France, le Conseil constitutionnel a invalidé le 18 juin 2020 l’essentiel de la loi Avia, un texte qui organisait la censure extrajudiciaire d’Internet sous l’égide du gouvernement et des grandes plates-formes numériques. Cette décision n’est cependant pas de nature à remettre en cause la relation multiséculaire entre l’État et le capitalisme informationnel. »

Maille Mariette nous emmène « En Bolivie, sur la route avec l’élite de Santa Cruz. Du « Wall Street Journal » aux franges les plus écervelées de la gauche internationale, la quasi-totalité des commentateurs ont défendu l’idée que le président bolivien Evo Morales avait fraudé lors du scrutin présidentiel de novembre 2019. Leur erreur a contribué à priver le chef d’État sortant de sa victoire au premier tour, au profit d’une élite réactionnaire, établie à Santa Cruz. Cette dernière rêve de prendre les rênes du pays, mais ses espoirs devraient être douchés lors du nouveau scrutin, prévu le 6 septembre. »

André Singer suit les traces de « La cavalcade autoritaire de Jair Bolsonaro : « Ancien parachutiste, le président brésilien Jair Bolsonaro sait que l’une des meilleures stratégies de défense consiste à attaquer. Accablé par les institutions du pays pour sa gestion calamiteuse de la pandémie de Covid-19, il profite de l’épisode pour accuser le Congrès, la justice et les gouverneurs d’opposition de dérive dictatoriale, alors que les appels à la destitution se multiplient. »

Pour Richard Keiser, les Etats-Unis sont « Un pays miné par les homicides policiers. Aux États-Unis, le maintien de l’ordre relève des autorités locales. Comment dès lors expliquer qu’une ville réputée progressiste comme Minneapolis soit le théâtre d’exactions policières racistes à répétition ? Dotés d’un lourd passif en matière de violences contre les habitants noirs, ses services de police y jouissent d’une impunité presque totale. Du moins jusqu’à la mort de George Floyd. »

Pierre Rimbert déconstruit le mythe Taubira : « Si chacun connaît la militante anticolonialiste engagée contre les discriminations de genre et de couleur de peau, souvent cible d’attaques racistes, la ministre qui a défendu la loi du « mariage pour tous », peu se souviennent que Mme Christiane Taubira, députée de Guyane, vota la confiance au premier ministre de droite Édouard Balladur en 1993 et se présenta l’année suivante aux élections européennes sur la liste de l’homme d’affaires Bernard Tapie. Candidate à la présidence de la République en 2002, partisane de Mme Ségolène Royal en 2007, ministre de M. François Hollande en 2012, y compris quand M. Manuel Valls était premier ministre (elle démissionna en janvier 2016), elle participe depuis aux recompositions incessantes du centre gauche français, où, désormais, le rose et le vert convergent pour ripoliner l’ordre économique aux couleurs du temps. » J’en profite lâchement pour signaler un article que j’avais publié en 2013 sur cette éminence de notre République.

Pour Jamal Bukhari et Ariane Lavrilleux, l’armée éguptienne est vorace : « Depuis l’arrivée au pouvoir, en 2013, du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi, l’armée égyptienne est engagée dans une expansion économique qui semble sans limites. Menant une diversification à tout-va, elle supervise des milliers de chantiers et accapare les contrats publics au détriment des entreprises étatiques et privées. Cette omniprésence ne profite guère au pays. »

Boubacar Boris Diop espère un réveil pour l’Afrique après la pandémie : « La pandémie de Covid-19, piteusement gérée par les Occidentaux, a révélé les limites de leur hégémonie. Désormais, l’Europe et les États-Unis ont perdu leur autorité morale. Mais un ordre international plus juste reste à imaginer. Pour l’Afrique, ces événements réveillent le sentiment d’un destin commun et une certaine combativité. Les obstacles restent nombreux. »

Jordan Pouille et Lei Yang nous font visiter un village chinois en Italie : « Prato, haut lieu européen de la diaspora chinoise, n’a déploré que très peu de décès liés au coronavirus. Artisans de ce succès sanitaire, les Chinois de cette ville italienne, engagés dans l’industrie locale du prêt-à-porter, jouissent d’une reconnaissance tardive, après plus de vingt ans de désamour. »

Camille Bortolini se demande si la guerre des terres rares aura lieu : « Alors qu’elle semblait avoir le monopole des terres rares, indispensables à la fabrication des produits de haute technologie, la Chine en a importé en 2018 et 2019 plus qu’elle n’en a exporté. Mais peut-on vraiment parler de retournement alors que ses clients restent très dépendants de sa production ? Du reste, Pékin n’a pas renoncé à menacer les États-Unis de stopper les livraisons. »

Akram Belkaïd nous fait découvrir la face honteuse du métal bleu : « Indispensable pour la fabrication des batteries électriques, le cobalt fait partie des matières premières les plus convoitées. Sa rareté alimente les inquiétudes quant à d’éventuelles pénuries. En République démocratique du Congo (RDC), principal producteur mondial, des enfants travaillent dans les mines pour fournir les grandes entreprises des secteurs de l’automobile, de l’informatique et de la téléphonie. »

Il fut un temps (HélèneRichard) où les Soviétiques étaient quête de bons plans : « À la faveur de la pandémie de Covid-19, l’idée de planifier le développement économique est revenue dans le débat public. Assimilée au « totalitarisme stalinien », l’expérience soviétique, qui s’installa sous la forme de plans quinquennaux à partir de 1929, demeure néanmoins un repoussoir. L’urgence climatique invite à l’alléger de quelques clichés. »

Qui en douterait, le livre est une sacrée valeur (Thierry Discepolo) : « La multiplicité des titres et des maisons d’édition inciterait à croire que « le livre n’est pas un produit comme les autres ». Pourtant, là comme ailleurs, la concentration du capital s’exerce avec vigueur et n’a pas pour seules conséquences d’aimables prises de bénéfice. »

Renaud Lambert (“ Pompiers en blouse blanche ”) s’interroge sur le rôle politique des médecins pendant la pandémie : « Transformer un pays en prison à ciel ouvert sans soulever d’émeute constitue à coup sûr un tour de force. Réussir cette prouesse alors qu’on vient d’essuyer un puissant mouvement social relève de l’exploit. De nombreux dirigeants y sont pourtant parvenus à l’occasion de la pandémie de Covid-19. Dans certains pays, le pouvoir opta pour la force ; en France, il s’effaça derrière une poignée d’experts en blouse blanche, alors qu’il avait ignoré les revendications des soignants à l’automne 2019. Depuis quelques mois, pas une déclaration politique qui ne s’accompagne d’un « suivant l’avis des scientifiques » ou d’un « sur décision collégiale des médecins ». Les savants ont « pris le pouvoir », s’alarme Éric Zemmour. Mais ne se sont-ils pas plutôt évertués à le servir ?

Á lire un gros dossier sur « Tourisme année zéro » : Affaiblis par la crise de l’euro, meurtris par le Covid-19, les pays du sud de l’Europe redoutent désormais un effondrement du tourisme. La paralysie de la circulation mondiale révèle la vulnérabilité de cette activité et oblige à repenser son développement, fondé sur un échange marchand inégal. Derrière un discours volontariste se cache souvent une impuissance à changer en profondeur un modèle destructeur, alors même que l’État le conforte (« À la recherche du voyage “écoresponsable” »). Relocaliser les loisirs s’avère moins urgent que d’imaginer autrement le temps libre en s’ouvrant à la mondialité (« Le bout du monde en bas de chez soi »). Tandis que les perspectives climatiques hypothèquent un retour à la croissance d’hier dans l’aéronautique (« Aviation civile, la tempête du siècle »), la critique de la « massification » mérite d’être débarrassée de ses préjugés sociaux (« Des loisirs à la chaîne »). »

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Même Auteur
En finir avec l’eurolibéralisme - Bernard Cassen (dir.) - Mille et Une Nuits, 2008.
Bernard GENSANE
Il s’agit là d’un court ouvrage collectif, très dense, publié suite à un colloque organisé par Mémoire des luttes et la revue Utopie critique à l’université Paris 8 en juin 2008, sous la direction de Bernard Cassen, fondateur et ancien président d’ATTAC, à qui, on s’en souvient, le "non" au référendum de 2005 doit beaucoup. La thèse centrale de cet ouvrage est que l’« Europe » est, et a toujours été, une machine à libéraliser, au-dessus des peuples, contre les peuples. Dans "La fracture (…)
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