Le mensonge à beau courir... 75 ans après, les massacres d’Algériens, le 8 Mai 1945, n’ont toujours pas livré leur secret. La France officielle considère que c’est « une tragédie inexcusable » qui fait partie du « crime contre l’humanité » durant 130 années de colonisation.
Ces déclarations ont un sens. Pour les comprendre, il faut revisiter l’histoire. Durant la Seconde Guerre mondiale, la France a été occupée par l’Allemagne en laissant une partie du territoire dirigée à partir de Vichy par le maréchal Pétain sous l’autorité allemande. Quant à l’Empire colonial français de l’époque et l’Algérie en particulier, l’Allemagne avait laissé la gestion à Vichy. Avec l’abrogation du décret Crémieux, le 7 octobre 1940, les juifs d’Algérie perdent la nationalité française. C’est alors que se constituent des groupes autour de quelques personnages comme le tristement célèbre Jean Achiary, Roger Carcassonne et José Abouler qui organisèrent, sous le nom de code « opération Torch », le débarquement des troupes étasuniennes à Sidi Ferruch (même endroit que le débarquement de 1830) le 8 novembre 1942.
Un débarquement suivi aussitôt par un putsch organisé par les milices regroupées autour de José Aboulker, renversa les responsables militaires et civils de Vichy en occupant les points névralgiques de la capitale algérienne. A partir de ce moment-là, l’Algérie n’était plus dirigée par la France, mais par des individus au nom de la France. Des individus qui ont régné en maîtres le 8 mai 1945. La France qui n’existait que par un gouvernement provisoire dirigé par le général De Gaulle, n’avait aucune prise sur ce qui se passait réellement en Algérie. Le 22 octobre 1943 le décret Crémieux est rétabli.
Dans cette confusion générale qui régnait en Algérie et en France, Messali Hadj était, le 8 Mai 1945, en résidence surveillée à Brazzaville (Congo). Des militants du PPA ont organisé le 1er Mai et le 8 Mai 1945 des manifestations pour demander la libération de Messali. Il faut rappeler que Messali revendiquait, dans son programme, l’indépendance de l’Algérie. C’est pourquoi les manifestations du PPA ne pouvaient pas être tolérées par les colons les plus extrémistes qui avaient organisé le putsch pour se séparer de l’Etat français. Le prétexte fut tout trouvé et Achiary, l’un des chefs de l’opération Torch, se chargea de « rétablir » l’ordre dans l’Algérie « française ». Ce criminel prit soin de s’éloigner d’Alger pour agir loin des regards et éviter les témoignages pour s’en aller organiser son génocide dans l’Est algérien.
On sait aujourd’hui que ce trio de comploteurs ne faisait pas confiance au général De Gaulle sur le sort à réserver au territoire algérien. D’où l’idée de lui forcer la main et le mettre devant le fait accompli lorsque, fier de lui, le général Raymond Duval à qui avait été confiée la mission de « maintien de l’ordre » par le trio d’assassins, déclara à l’adresse des pieds-noirs : « Je vous ai donné la paix pour dix ans ! ».
Toute la longue période de la colonisation de l’Algérie (1830-1962) fut gérée de la même manière. C’est-à-dire par les colons qui y faisaient la pluie et le beau temps (pour eux) au nom de la France. Tout le monde se rappelle la tentative de putsch du général Salan en avril 1961. Il était calqué sur le même mode opératoire que le putsch de 1942 organisé par les milices de José Aboulker. Sauf qu’en 1961, De Gaulle ne dirigeait plus la France de façon « provisoire » comme en 1945, mais d’une main de fer et avec toute l’autorité d’un chef d’Etat. C’est pourquoi l’aventure de Salan échoua. Ceci pour dire que fort de tous ces éléments de l’histoire, Emmanuel Macron a pu qualifier la colonisation de « crime contre l’humanité ». Il n’accuse pas la France, mais les milices qui agissaient au nom de la France. Dans les deux cas, la responsabilité de l’Etat français reste entière. D’ailleurs, bien plus tard, une femme politique française, dans un autre contexte, établit cette différence par cette phrase devenue célèbre : « Responsable mais pas coupable. »
Comme ce n’était pas la première fois que la France devait endosser des actions « empruntées ». En 1830, le débarquement et ensuite la colonisation de l’Algérie fut l’œuvre de Bacri et de Busnach, deux associés dans le négoce qui induisirent en erreur le dey d’Alger et le roi de France Charles X. Avec la complicité de Talleyrand, alias le Boiteux. C’est exactement avec le même procédé et le même écran de fumée que fut organisé le massacre des 45 000 Algériens le 8 mai 1945. Ce qui ne dédouane en rien l’Etat français, mais permet une plus grande précision dans l’étude de l’histoire de la colonisation de l’Algérie. Pour mieux comprendre le présent !