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Aéroports de Paris : un heureux dénouement pour le monde de la finance ?

La cession des parts de l’Etat dans ADP fait couler un peu plus d’encre chaque jour. Dernier rebondissement de ce feuilleton économique et politique : la candidature des départements d’Île de France au rachat auprès de l’Etat de 30% du capital d’ADP, en alternative à une concession totale au privé. Reste la problématique du financement, à laquelle est censée répondre l’union de la carpe et du lapin : pour être jugée solvable, la candidature des départements passera par leur association à… un fonds privé d’investissement.

Concours de galipettes politiciennes

Les Gilets Jaunes ont eu le mérite de rendre audibles les revendications sociales soutenues par la majorité des Français. Parmi celles-ci, figure l’urgence que l’Etat sorte de sa logique libérale, inspirée des banquiers et autres startuppers qui constituent en bonne partie l’entourage du président. Il n’est donc pas étonnant que la « privatisation » d’ADP ait suscité des réactions quasi-pavloviennes chez les opposants. Dès l’annonce de cette vente de nombreux candidats se sont bousculés au portillon comme le fonds américain Global Infrastructure Partners, le fonds australien IFM ou encore, le favori, Vinci. Près d’un an plus tard, et en réponse à la levée de boucliers sur les deux flancs parlementaires, l’Etat donnera-t-il à des gages à l’opinion ?

C’est du moins ce que laisse entrevoir la candidature des collectivités territoriales, en l’occurrence sept départements d’Île de France. Pour Patrick Devedjian, président du conseil départemental des Hauts de Seine et ancien ministre de Nicolas Sarkozy, il s’agit bel et bien d’une opération politique : « C’est un compromis que nous leur offrons, qui devrait permettre de pacifier la situation. » Voilà qui devrait rassurer. Le groupe ADP ne tombera finalement pas dans l’escarcelle de n’importe qui. Sauf que cette candidature revêt tous les aspects d’une opération camouflage visant à favoriser politiquement la candidature... d’un acteur privé ; et non des moindres.

Une alliance douteuse avec la haute finance

Une telle opération financière (près de 10 milliards d’euros) est hors de portée des collectivités locales qui ont promis qu’il n’y aurait pour cela aucune hausse de dette, ni d’impôts. Pour y parvenir les départements vont devoir s’associer avec la société d’investissement française Ardian, qui gère près de 90 milliards d’actifs dans le monde entier.

Ardian est une société aguerrie qui sait maximiser les profits rapidement. Or les départements affirment que, contrairement à un acheteur privé, le rendement ne sera pas leur priorité : « Des opérateurs purement privés pour un actif aussi stratégique qu’ADP ne sont pas la meilleure solution. Leur priorité sera le rendement financier, pas l’aménagement des territoires environnant. » Ce n’est pourtant pas l’avis d’Ardian elle-même qui présente l’investissement dans les infrastructures comme une opération présentant des « rendements réguliers » et offrant un « profil rendement-risque attractif. » Pas de quoi interpeller les hérauts du service public pour autant.

Chassez le court-termisme, il revient au galop

La différence entre confier la gestion d’une telle infrastructure à un « gestionnaire d’infrastructures » comme Milan Atlantia ou Vinci et la confier à un « gestionnaire de fonds » comme Ardian pose plusieurs problèmes.

Certes, un article des Echos auréole Ardian du statut de « grand gestionnaire d’aéroports, habitué des collectivités ». Mais à y regarder de plus près, on constate qu’Ardian, accompagné de Crédit Agricole Assurances, a simplement acquis 49% de F2i Aeroporti S.p.A, elle-même holding qui détient des participations dans quelques aéroports en Italie. CQFD. Simple entrée indirecte au capital donc, rien à voir avec une concession aéroportuaire opérationnelle réelle.

En outre, comment être sûr qu’Ardian ne cèdera pas sa participation dans le capital une fois son investissement rentabilisé, ou au profit de nouveaux arbitrages financiers ? Ce ne serait pas la première fois pour ce gestionnaire de fonds, qui avait tenté de revendre les parkings Indigo en 2017 à peine deux ans après les avoir acquis. Sans parler des scandales multiples qui ont frappé Streeteo, société de contrôle du stationnement payant, qui, par l’intermédiaire du groupe Indigo Infra et la société Infra Foch Topco, appartient à Ardian Infrastructure et Crédit Agricole Assurances. Ardian s’est aussi tristement illustré par son implication dans des tentatives de manipulations boursières lors du rachat du Club Med par le chinois Fosun.

Quant aux aéroports dont Ardian prétend être un « grand gestionnaire », la dernière opération en date est la revente de ses parts dans l’aéroport de Londres Luton quelques années seulement après les avoir acquises. Bonjour le projet industriel !

Une opération financière habile

Mais aussi étrange qu’il puisse paraître, le mariage insolite des départements d’Île de France avec Ardian a une belle dot à la clé : la dispensation de la prime de contrôle évaluée à près de 2 milliards d’euros. En effet, la proposition des collectivités et d’Ardian est d’acheter seulement 29,9% des parts d’ADP. Premièrement ce seuil permettrait, pour des raisons juridiques, d’acheter de gré à gré à l’Etat en évitant des enchères qui feraient grimper le prix. Ensuite cela viendrait mettre un terme aux propositions d’opérateurs privés qui souhaitent acheter la totalité des parts de l’Etat dans ADP et ainsi piloter la concession les mains libres.

Or, outre le montant des parts évalué à 8 milliards d’euros, cela permettrait à l’Etat de faire payer à l’acquéreur en question une prime de contrôle de 1 à 2 milliards supplémentaires. Un conseiller de Le Maire le résumait pour le Canard Enchaîné en ces termes : « Renoncer à un appel d’offres conduirait à vendre à prix cassé ADP à un fonds privé, même s’il se cache derrière l’alibi de collectivités publiques. Ce serait une faute de diminuer ainsi les recettes de l’Etat. »

Une financiarisation déguisée en opération de sauvetage des collectivités locales, l’idée est bonne mais la manœuvre n’aura pas échappé à ceux qui savent compter jusqu’à trois. 1, le gouvernement veut se sortir d’une mauvaise posture politique ; 2, les collectivités sont les héros grâce, en partie, à l’argent du contribuable local ; 3, Ardian a flairé une bonne affaire à côté de laquelle il serait quand même idiot de passer. Est-il utile d’ajouter à cela que Emmanuel Miquel, qui figure dans la liste des conseillers du président Macron au pôle économie, a toujours sa fiche de Senior Investment Manager au sein de la société d’investissement Ardian ?

Nicolas Grégoire

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