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Aéroports de Paris et la société de capital-investissement Ardian : l’endogamie politico-financière au sommet de l’Etat

La privatisation de Groupe ADP semble acquise. Il y a dix jours nous montrions ici-même comment la proposition des départements d’Île de France de racheter 30% du capital d’ADP cachait en réalité une opération de la société de gestion Ardian qui a trouvé là un moyen de faire une bonne affaire. Mais d’après le Canard Enchaîné, l’acteur principal de cette manœuvre n’est autre qu’Emmanuel Miquel, conseiller d’Emmanuel Macron, qui, maintenant qu’il quitte l’Elysée, retourne travailler chez… Ardian !

Nul n’est prophète en son pays... ou presque

Notre raisonnement était le bon mais la collusion est encore pire que ce nous avions envisagé. Il y a dix jours à peine nous publiions sur ce même site les raisons de penser que la solution proposée par les départements d’Île de France de racheter Aéroports de Paris cachait en réalité la pire issue possible pour cette entreprise française stratégique : se retrouver à la merci de la finance mondiale sans scrupule. Nous faisions en effet remarquer que les départements étant dans l’incapacité de faire cet achat, ils avaient décidé de s’allier avec Ardian, fonds d’investissement français de grande envergure dirigée par Dominique Senequier. Pour nous, cette proposition apparemment politique de la part des départements cachait en réalité une manœuvre financière habile permettant à Ardian de se mettre en position de réaliser une opération financière rapide comme il a su le faire plusieurs fois par le passé. Tous ces éléments sont confirmés. Mais la situation est encore plus grave, comme nous l’indiquent les révélations d’Odile Benyahia-Kouider dans les colonnes du Canard Enchaîné de ce mercredi 3 Avril.

Emmanuel Miquel, pivot d’une affaire politico-financière

Emmanuel Macron n’est pas arrivé au pouvoir tout seul. Tout le monde connait bien maintenant ceux que l’on appelle la « bande des strauss-kahniens » : Stanislas Guerini, Cédric O, Benjamin Griveaux, Ismaël Emelien et Emmanuel Miquel. Ce dernier, ancien financier chez Ardian devenu ensuite trésorier d’En Marche ! pour finir conseiller économique à l’Elysée a décidé de retourner à ses premières amours, à moins qu’il ne les ait jamais vraiment quittées. D’après le Canard Enchaîné en effet « le jeune loup de la finance a décidé de retourner dans le privé comme l’Elysée le confirme au Canard. Où ça ? Chez Ardian pardi ! La commission de déontologie est saisie... »

Le microcosme politico-financier ne se cache même plus pour faire ses affaires ! Comment Emmanuel Miquel ose-t-il faire un tel aller-retour entre Ardian et l’Elysée au moment même où Ardian tente de peser de tout son poids pour obtenir gain de cause et racheter ADP ?

Raison de plus d’écarter Ardian

Mais pour Odile Benyahia-Kouider, la candidature d’Ardian pour racheter ADP ne se contente pas d’être sérieusement entachée d’un manquement flagrant à la déontologie élémentaire, elle n’a pas non plus de sens économiquement. Ardian n’est pas connu pour ses investissements de long terme ni sa stratégie de développement industriel. Son but, comme tout fonds d’investissement, est de garantir à ses investisseurs un rendement élevé pendant quelques années pour revendre ensuite avec une plus-value importante. De plus si l’Etat vend Aéroports de Paris aux départements d’Île de France, dont on sait maintenant qu’ils ne sont rien de plus qu’un prête-nom pour Ardian, rien ne nous garantit que l’entreprise ne soit pas revendue à un groupe chinois, comme Ardian a tenté de le faire tout récemment avec sa participation dans les parkings Indigo. Ce ne serait pas la première fois qu’Ardian revend une infrastructure française importante à un groupe étranger. En 2017 la société de gestion s’est tout simplement délestée de son deuxième fonds d’infrastructures en le vendant à un fonds néerlandais. Ces infrastructures comptaient huit actifs, notamment l’A88 en France !

Petits arrangements entre amis

On peut débattre éternellement du bien-fondé de la décision de l’Etat de vendre ses parts d’ADP. Est-ce que l’argent de la vente sera réellement mieux utilisé dans ce fameux fonds pour l’innovation ? Sur ce point on est en droit d’espérer tout autant que de douter. En revanche, qu’une telle entreprise se retrouve bradée à des financiers sans scrupule devrait réellement nous inquiéter. Le Canard Enchaîné cite un industriel qui résume cette manœuvre en ces termes : « Ils sont prêts à pactiser avec des requins de la finance et à se retrouver un jour face à des Chinois. »

Quant au fait qu’Emmanuel Miquel quitte Ardian pour travailler à l’Elysée pour ensuite y retourner après qu’il a pesé de tout son poids politique dans les intérêts de la société de gestion, cela va au-delà du conflit d’intérêt, cela pourrait carrément se comparer à de la prévarication !

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