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Palestine : La paix interprétée par les palestiniens, M.Dinoi, N.Perugini.


il manifesto, mercredi 15 mars 2006.


«  La culture comme pilier d’une paix durable ». Ainsi peut-on synthétiser l’objectif des activités organisées par Al Kamandjâti à l’intérieur des Territoires occupés palestiniens et au Liban voisin. L’école musicale de Ramallah est composée de musiciens palestiniens, français et tunisiens qui se retrouvent dans l’orchestre Dal’Ouna, autour du jeune violoniste Ramzi Aburedwan. L’occupation militaire par Israël ne semble pas décourager l’initiative des musiciens. Ce que confirme aussi le film It’s not a gun (« Ce n’est pas un fusil »), tourné par les réalisateurs français Pierre-Nicolas Durand et Hélène Cotinier, qui sera projeté à chacun des trois rendez-vous italiens prévus ces jours ci avec l’orchestre.

Plutôt, la sensation de vivre dans une grande prison, clôturée par le mur et contrôlée militairement, sert-elle de stimulus pour développer le plus possible ce projet de longue haleine de création d’une école de musique. Ramzi a lui-même grandi en subissant les violences qui ont effacé une partie de sa famille. En marchant dans le camp de réfugiés de Al Amari, où il est né il y a 25 ans, il nous a montré à chaque coin de rue le nom de parents tués par l’armée pendant la première et le seconde Intifada. A cette violence, toujours vive en lui, Ramzi ne semble pas disposé à répondre simplement en lançant des pierres, l’image la plus courante par laquelle sont représentés les enfants palestiniens. La réponse, mûrie dans un parcours qui l’a amené à sa formation en France, semble être celle qui passe à travers la diffusion de la connaissance musicale, sans, évidemment, la prétention de soustraire facilement les enfants des camps de réfugiés à la violence quotidienne à laquelle ils sont soumis.



A quels enfants s’adressent les activités de Al Kamandjâti ?

L’association veut rendre la musique accessible à ces enfants qui en sont le plus privés. En plus du centre de musique de Ramallah, où nous donnons des cours aux enfants de la vieille ville, nous avons créé des cours de musique dans les camps de Al Amari, Jalazon, Aida (Bethlehem), Shufat et nous serons bientôt à Qalandia. Nous avons démarré aussi des cours dans les villages oubliés de Palestine, Dar Ghassana, Dar Astia, Ajjoul...


Quels sont les principaux obstacles à vos activités dans les Territoires ?

L’occupation, et les restrictions qui en dérivent pour les déplacements, rendent très difficiles l’accès de certaines localités. Par exemple, nous avons essayé au moins quatre fois d’aller au camp de Naplouse, pour faire démarrer des ateliers de musique, sans aucun succès. C’est le problème le plus impérieux, et le plus restrictif pour nos activités. En outre, certains musiciens n’ont pas de permis pour entrer à Jérusalem ou dans les régions intérieures de la Palestine, comme Nazareth. Enfin, il y a un problème lié à la conception que certains palestiniens ont de la musique. Ils ne reconnaissent pas l’effet positif que la musique peut avoir sur les enfants et ils ne soutiennent pas du tout notre tentative ou celles des enfants pour participer aux cours. Nous devons donc arriver à faire passer le message de l’importance sociale de la musique.


Dans le film « It’s not a gun » vous parlez de votre prise déposition, de votre enracinement dans le panorama culturel palestinien...

Après la Nakba (« Catastrophe ») de 1948, le peuple palestinien s’est arrêté, et la vie palestinienne, en conséquence, s’est assoupie. Il faut donc redonner vie à la culture et à la musique palestiniennes, retrouver le dynamisme d’avant parce que c’est la culture qui forge l’identité d’un peuple et assure sa survie.


De quelle manière le nouveau panorama politique palestinien pourra-t-il influencer votre travail dans les camps de réfugiés ?

L’objectif principal de l’association n’est pas politique mais culturel. Donc la vie politique ne doit en rien influencer notre travail, nos projets, ni changer nos objectifs. L’important est de faire passer notre message, de toutes les manières.


Aujourd’hui, plus que dans le passé peut-être, on parle de la Palestine comme « fabrique du terrorisme » et de « fondamentalisme ». Ressentez-vous le risque d’un isolement et, plus encore que dans le passé, d’un oubli total de votre panorama culturel ?

Les médias travestissent très souvent l’image du peuple palestinien, en le stigmatisant et en lui collant l’étiquette de terroriste. Cette représentation est fausse et ne représente pas du tout la réalité. La culture a un rôle très important, malgré les difficultés qui perdurent quotidiennement. Le peuple palestinien, à cause de toutes les violences et déplacements dont il a été victime, s’est accroché à sa culture comme seul bien à emporter avec lui, et ainsi il peut se vanter aujourd’hui d’un niveau d’éducation très élevé dans le monde arabe.


Avez-vous des contacts ou collaborations avec la société civile israélienne ?

Al Kamandjâti n’a pas de contacts avec la société civile israélienne. Les seuls contacts que les palestiniens ont avec les israéliens sont ceux de l’armée aux check points et sont faits d’humiliations et d’attentes interminables. C’est difficile de trouver quelque forme de collaboration. Le contact entre les palestiniens et les israéliens est rendu encore plus difficile par le gouvernement israélien qui interdit à ses citoyens d’entrer en Palestine, sous peine d’emprisonnement et d’amende très salée.


Une enfant qui participait à un de vos ateliers disait : « Ou je joue du violon, ou quelqu’un me fera épouser un cousin que je ne connais même pas »...

Oui, de fait, la musique apporte aux enfants, mais aux adultes aussi, une grande ouverture d’horizon. C’est une forme d’accès à l’éducation qui permet à tout le monde de grandir, de se construire, et de former sa personnalité. C’est aussi un moyen de développer sa propre réflexion, personnelle, son propre sens critique. La musique permet de libérer ses capacités, et de les développer. C’est surtout un moyen d’expression pour ceux qui ont des difficultés à traduire leurs pensées en paroles ; donc c’est un moyen qui peut se révéler particulièrement utile dans une société qui a encore beaucoup à dire.

Marco Dinoi et Nicola Perugini, de l’ Université de Sienne, membres de l’ organisation de la tournée italienne de l’orchestre Dal’Ouna.


 Source : Edition de mercredi 15 mars 2006 de il manifesto www.ilmanifesto.it

 Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio


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