Préambule : J’ai retrouvé ce texte écrit en 2015 que j’ai reformaté pour en faire un appel à la jeunesse pour comprendre l’avenir. Comment un « vieux de 60 ans » et « toujours pas à la retraite » [1], peut-il lancer un « appel à la jeunesse » ?
Moi qui suis fonctionnaire, intégré, bien payé, ayant maison, jardin, la mer à portée de vélo, et tout le nécessaire et plus…suis-je bien placé pour lancer un « appel à la jeunesse » dont le quotidien est la précarité et à qui on fait de la retraite, un « horizon » [2] présentée désormais comme inatteignable ??? D’où les réformes libérales multiples…et successives [3] en vue de la supprimer. Merci à Jupiter…
C’est justement du fait que je ne suis pas encore à la retraite, et ayant le recul historique sur le travail et ses évolutions que je lance cet appel. C’est aussi parce que je ne supporte plus ce système qui ne produit que des « riches » et des « précaires ».
En 1987, au moment où j’ai commencé à travailler, 87 % des emplois proposés étaient en C.D.I, aujourd’hui c’est l’inverse, 90 % des emplois proposés sont hors C.D.I et cette Révolution est imposée à la jeunesse, car c’est par la jeunesse au nom du réalisme que la révolution conservatrice avance…
- Non la précarité, les « précarités » d’emplois de salaires, de logement, de santé ne permettent en aucun cas, à l’image des esclaves de Rome, de construire un avenir…
- Non la précarité, les précarités ne sont pas un avenir obligatoire et indépassable à moins de considérer que la compétitivité est la finalité de l’humanité.
Et la retraite ne coûte pas à la société, à l’image de la santé « c’est un investissement de la société pour elle-même ». Que font les « retraités en bonne santé » si ce n’est que participer à la vie de la cité… [4]
Je n’ai pas ici le temps de démontrer cette vérité économique, je ne fais ici, que décrire ton avenir possible si tu ne te révoltes pas…car telle est la seule vérité qui vaille que « 100 % de ceux qui ne se battent pas perdent… » D’où ce texte qui décrit ton avenir planifié si tu ne te révoltes pas…et que tu ne transformes pas ta révolte individuelle en revendication et action collective organisée. Les « conquis sociaux » (Code du travail, congés payés, sécurité sociale, retraite etc..) ont toujours été le résultat des luttes sociales collectives. Il n’y a pas de solution, ni d’avenir dans « l’individualisme de marché ».
TUE PAR LE PATRONAT, TEL EST LE DESTIN DU PRECARIAT
Tu étais fier de ce que tu faisais, de ton travail, de tes revenus, de ton entreprise et de ton patron,
Tu étais alors intégré dans ce monde de « la société de marché », dépensier, donc vraiment inséré,
Tu aimais le « management individuel », la vitesse, le clinquant, le marketing et la frime du costar,
Tu travaillais beaucoup le jour et pour oublier, tu pratiquais les soirées nocturnes teintées de H,
Tu profitais des congés payés et des R.T.T, acquis de la « lutte des classes » pour te refaire une santé.
Tu dénonçais alors les chômeurs, les précaires, les fonctionnaires et le communisme « liberticide »,
Tu montrais du doigt, les « assistés », les immigrés et tous les autres « sans-papiers »,
Tu incriminais les « sans logements » et ceux qui « dorment sur les bancs » … gratuitement,
Tu dénonçais aussi la solidarité, produit de la Révolution, que le Patronat appelle « assistanat ».
Tu affectais ton argent aux placements financiers, au détriment des « cotisations sociales »,
Tu préférais alors, les assurances privées et la capitalisation, à la sécurité sociale collective [5],
Tu détournais tes yeux des « souffrances du travail », et celles subies « au travail »,
Tu refusais les tracts du syndicat [6], ne lisant que les cours de bourse, et leur hausse vertigineuse,
Du seul « prix de marché », tu faisais ton horizon indépassable, car « There is no alternative » [7],
Tu évitais les discussions politiques et les confrontations philosophiques, car obligeant à réfléchir,
Tu n’avais jamais d’opinions car dans le fil de l’eau et au gré des vents, tu naviguais à vue.
Tu as, lors de tes cinquante-cinq ans, reçu un S.M.S, missive précise mais plus que lapidaire,
Tu apprenais que le « Grand Patron », sous contrainte des actionnaires, te remerciait sans délais,
Tu chutas alors, avec pertes et fracas et plus rien de collectif (code du travail) [8], pour retenir ta chute, Tu vis alors comment, ceux qui la veille encore te souriaient, détourner plus que leurs yeux,
Et « tu avais beau traverser la rue, tu ne trouvais pas d’emploi » [9]…désespérément.
Tu tombas alors dans le chômage, les précarités et les dettes plus qu’irremboursables,
Tu écrivais des C.V le jour et, pour oublier, tu buvais la nuit, d’une « ivresse sans frontières »,
Ta femme fatiguée de tes frasques, te laissa tomber et tes enfants ne voulurent plus te voir,
Tu fus, « toi le blanc », obligé d’accepter, des emplois mal payés, souvent monnayé au « black »,
Tu deviens alors, « à l’insu de ton plein gré », précaire de l’emploi, de la santé et du logement.
Tu te mis alors à dormir sur les bancs, en attendant un H.L.M dans ces « maudits quartiers »,
Ceux des trafics de survie, de la drogue, de la prostitution et des armes qui tuent en rafales,
Tu rencontras la solidarité de la rue, du service public et des associations militantes,
Tu bénéficias du R.M.I et du R.S.A, renforçant tes dépendances individuelles,
Tu ne payais plus d’impôt, mais la misère te gangrénait profondément au plus profond de toi,
Tu tombas gravement malade et seul l’Hôpital public put t’accueillir, sur un « brancard de couloir »,
Jamais tu ne pus te remettre de cette déchéance planifiée et seule la mort enfin… te libéra.
Tu ne le sais pas, mais sur tes cendres encore incandescentes, des syndicalistes et des militants anonymes, « communistes et insoumis » associés ont écrit :
« Tué par le patronat, tel est le destin du précariat. [10] »
La Couronne, le 27 Mars 2015, Fabrice