En 1973, les mineurs de Brookside, dans le comté de Harlan au Kentucky, décident d’adhérer aux syndicats des Mineurs unis d’Amérique, l’UMWA. La compagnie qui les embauche refuse de signer la convention collective. C’est le début d’une longue et terrible grève, qui est racontée dans ce documentaire par Barbara Kopple, qui vécut avec son équipe au sein des communautés minières durant toute la durée du conflit.
Tout au long des mois qui s’écoulent à l’écran, le spectateur est confronté à la précarité de l’existence des mineurs : maladies professionnelles non-reconnues, accidents mortels, absence de couverture médicale, logement insalubre...
À cette violence sociale s’ajoute la violence physique que doivent affronter les mineurs et leurs familles en butte à la police, aux jaunes et aux voyous payés par la compagnie pour briser la grève. Des séquences extraordinaires d’une fusillade en pleine nuit, de revolvers exhibés de part et d’autre sur le piquet de grève, défilent sous nos yeux.
Mais le combat se mène aussi au sein-même de l’UMWA, contre une direction corrompue et qui n’hésite pas à recourir à l’intimidation et au meurtre pour faire taire les voix dissonantes...
Autant de scènes nous rappelant que l’histoire sociale des États-Unis s’est écrite en lettres de sang.
Le rôle des femmes, épouses, compagnes, filles de mineurs est l’un des points essentiels du film. Malgré les difficultés, les souffrances et les tensions, jamais dissimulées dans le film, elles jouent un rôle central d’organisation et d’entraînement.
« Ils peuvent me tuer, mais ils ne tueront jamais l’organisation qui est en moi » déclare une femme de mineur.
Car c’est aussi une histoire de fierté, de traditions prolétaires, de culture ouvrière qui s’exprime ici. La mémoire des luttes et des souffrances du passé irriguent la réflexion des mineurs et de leurs familles. Les chants – omniprésents dans le film – les mots d’ordre, rappellent à chacun qu’il fait partie d’une histoire, d’un tout, d’une communauté de travail et de vie, et que son sort est lié à la lutte qu’il mène avec les autres.
« Don’t mourra, organize », « ne vous lamentez pas, organisez-vous », ces mots de Joe Hill, leader syndicaliste étasunien assassiné en 1915, trouvent écho et résonnent comme un mantra, non seulement pour ces mineurs du Kentucky, mais aussi pour nous qui suivons fiévreusement leur lutte 45 ans après et qui évoquent également les nôtres.
Car les leçons de ce film traversent les époques et les frontières. N’en déplaisent à ceux qui voudraient nous faire taire, nous « normaliser », qui moquent ou répriment nos combats, la classe ouvrière devra toujours s’organiser, et lutter main dans la main, épaules contre épaules, sans jamais faiblir, toujours plus unie, toujours plus forte.
Un film fort, intense, émouvant, couronné par un Oscar. Une œuvre qui nous rappelle que lorsque le combat a commencé, personne ne peut rester neutre.
Harlan County U.S.A.
1976
durée : 120 minutes
réalisatrice : Barbara Kopple
Oscar du meilleur documentaire 1977