Le gouvernement communiste du Kerala, petit Etat du sud-ouest de la fédération indienne, vient de couronner par le lancement du label « Kerala Organic », les succès de sa politique volontariste en matière d’agroécologie : L’objectif est de passer à une production agricole 100% bio à l’horizon 2020. Avec 100 000 tonnes de produits bio annuels, la moitié du chemin semble déjà parcouru. Mais ce n’est pas tout : la diversification de la production agricole, propre à développer une véritable autosuffisance alimentaire, a déjà transformé le pays. La rupture avec le modèle de monoculture intensive dépendante, avec ses survivances féodales, semble bien engagée et « durable » (puisqu’agroécologique), et les principes politiques du gouvernement n’y sont certainement pas étrangers.
Le Kerala, gouverné par les communistes depuis 1957, présente sur cette voie agricole durable, certaines similitudes avec la révolution agroécologique cubaine, dont il est inutile de rappeler les incontestables succès et le leadership en la matière depuis les années 90 : Le peuple kéralais est le plus instruit de tous les peuples indiens, le système scolaire et universitaire rivalise en performance avec celui de Cuba et l’IDH (Indice de Développement Humain) combinant les indicateurs économiques, scolaires et sanitaires, compte parmi les plus élevés des pays en voie de développement, ... comme à Cuba.
C’est en particulier le développement du KAU (Université Agricole du Kérala) qui détermine les avancées décisives en agroécologie, par l’investissement gouvernemental dans la recherche agronomique et l’implantation de centres de formation partout dans les campagnes pour assister les paysans impliqués dans le processus. Les stations de recherche de l’IFSRS sur les « systèmes agronomiques intégrés » (coopératives de polyculture bio et agroforestières) jouent également un rôle déterminant en enseignant des rudiments de permaculture à la population notamment urbaine (à l’image des « organoponicos » urbains et périurbains qui font la fierté de Cuba).
Mais il faut aussi souligner que l’histoire et l’économie du Kérala ne permettent pas des avancées aussi spectaculaires qu’à Cuba. Le parti communiste kéralais, issu du mouvement maoiste, est l’un des plus importants du continent. Cependant, par la seule voie des urnes et dans le contexte spécifique qui est celui d’une lutte anti-impérialiste sous la forme d’un front politique hétérogène, marqué par plusieurs alternances, il n’a pas transformé de fond en comble la société. Il n’a pu que la gouverner et la réformer progressivement, en particulier en faveur de la paysannerie qui lui reste fidèle jusqu’aujourd’hui, plusieurs décennies après la réforme agraire anti-féodale / anti-coloniale dont elle a bénéficié. Il n’y a pas eu au Kérala de collectivisation de l’agriculture et la propriété de la terre n’est pas acquise à un pouvoir central et populaire susceptible d’impulser partout au même rythme une grande transition du modèle agricole comme c’est actuellement le cas à Cuba.
Le Kérala qui s’inscrit dans une fédération indienne politiquement hétéroclite, ne dispose pas de la marge de manœuvre d’un Etat socialiste dit classique. Ses succès récents en matière de « bio » sont évidemment liés à une volonté politique de souveraineté populaire à caractère anti-impérialiste (et donc d’autosuffisance alimentaire durable, respectueuse des sols sur le long terme), et à une capacité d’investissement planifié dont sont incapables les gouvernements capitalistes ou dépendants rétifs aux politiques de « long terme ». Mais il y manque encore la dimension nationale qui caractérise les expériences de socialisme réel au vingtième siècle.
Les prix du « bio », qui à Cuba sont fixes, sont ici plus couteux (même si le gouvernement achète les productions à des prix préférentiels), ce qui n’est pas compatible avec une perspective « durable » comme celle que l’ONU reconnait à Cuba. Même si le gouvernement kéralais subventionne abondamment les plantations qui se lancent sur cette voie, tout le territoire n’est pas encore concerné et la législation n’a évidemment pas atteint le stade d’une interdiction pure et simple des pesticides comme à Cuba.
D’une certaine façon les limites rencontrées par le Kérala sur la voie du bio, bien que son gouvernement ait depuis des décennies une tonalité communiste (mais sans structure socialiste au niveau des rapports de production) et malgré les premiers succès qu’ils enregistrent actuellement, souligne par la négative pourquoi Cuba devance tous les pays du sud en matière d’agroécologie depuis les années 90, y compris les pays de l’ex-camp socialiste.
Le développement de l’agroécologie dans les pays du sud devient un axe politique majeur sur les trois continents, et ce n’est pas un hasard. En effet, comme l’avait déjà indiqué le dirigeant révolutionnaire marxiste burkinabé Thomas Sankara dans les années quatre-vingt, la protection de l’environnement dans les pays dominés ou dépendants, qui détermine la capacité du peuple à s’approvisionner en aliments et en énergie par ses moyens propres et de façon durable, sur le long terme, ne présuppose aucun acte de foi « écologiste » de la part des gouvernements pour qu’ils s’en emparent prioritairement, ce qui est d’ailleurs plutôt rassurant quand on est un « écologiste » sincère : L’intention n’est pas « morale » ou « romantique », mais bien animée par des objectifs concrets et immédiats.
De très nombreux pays, en Amérique Latine, en Afrique, en Asie, cherchent des fonds permettant d’inciter les travailleurs de la terre à rompre avec les funestes méthodes de l’agriculture intensive tout en limitant les pertes de productivité. Mais la conccurence est rude, et c’est sans surprise que de nombreux paysans « mixent » les semences d’Etat moins chers mais peu productifs, avec des semences ultraperformantes et dépendantes d’intrants chimiques fournis par Monsanto et consor. C’est le cas au Salvador par exemple le cas, malgré les efforts financiers du gouvernement.
Dans ce contexte, les performances de l’Etat cubain ne sont pas dues à un fantasmatique héroïsme, mais bien à des traits spécifiques de son socialisme : propriété étatique des terres, collectivisation avancée de la paysannerie et mutualisation du matériel agricole, haut niveau d’alphabétisation du peuple permettant aux paysans de s’instruire et devenir potentiellement « agronomes » de leurs propres sols, haut niveau de développement de la recherche (notamment agronomique) et de la diffusion du savoir scientifique à l’université, capacité de mobilisation des masses, y compris paysannes, dans des projets d’ampleur nationale, haut degré d’indépendance et de souveraineté nationale contre les appétits impérialistes extérieurs (notamment contre l’agrobuziness).
Evidemment, dans le contexte d’un pouvoir de type « électoral », dans une fédération où le Kérala est bien seul avec une telle couleur politique, les marges de manœuvres sont bien différentes, et les avancées moins rapides, quoique réelles. Tentons d’en tirer quelques enseignements.
L’anti-impérialisme entre résurrection des traditions rurales et bond en avant de l’agrobiologie
Les succès cubains déjà mentionnés, et exposés dans un précédent article intitulé « Socialisme cubain et agroécologie : le renforcement mutuel », résultent d’une double nécessité historique :
– La nécessité pour l’ensemble des pays du sud, confrontés à l’agressivité impérialiste américaine ou européenne, de parvenir à une autosuffisance alimentaire et énergétique, sur le long terme (« durable »), garante d’une souveraineté nationale effective, en sortant notamment des modèles agricoles dépendants de « sous-traitance », donc de la monoculture intensive chimique imposée par les multinationales agroindustrielles et usant les sols locaux surexploités ;
– Les potentialités politiques, économico-sociales, juridiques du modèle des pays rescapés du « camp socialiste », après la chute de l’Union Soviétique, pour accomplir mieux que d’autres les objectifs de cette agroécologie souveraine, et ce malgré les reculs de l’agriculture post-khrouchtchévienne, tardivement alignée sur le modèle intensif américain, et qui ont imprégné les pratiques de Cuba comme celle des autres « pays frères » jusqu’aux années 80. Pour connaître les conquêtes soviétiques en matière d’agroécologie et d’énergies alternatives avant la rupture khrouchtchévienne des années 60, lire les brochures du Cercle Henri Barbusse intitulées L’écologie à la lumière du marxisme léninisme et Les enseignements de l’agroécologie soviétique / 70e anniversaire du plan de transformation de la Nature de 1948, téléchargeables au format pdf.
Le leadership cubain traduit cette double nécessité sous la forme d’une resurrection de cultures et pratiques traditionnelles précoloniales, parallèle à un bond en avant socialiste sur le plan social, économique et scientifique, condition objective d’une réelle planification écologique, couteuse sur le court terme et contraignante sur le plan social et technique. Une telle rencontre a pu s’effectuer ailleurs, et jusqu’à un certain point, dans des pays du sud à plus fortes traditions rurales et moins affectées par l’agroindustrie moderne, mais sans influence du camp socialiste, ou au contraire dans des pays plus avancés comme la Chine, qui fut au centre même du camp socialiste. Il faut pourtant reconnaître que nulle part ailleurs qu’à Cuba, aujourd’hui, cette contradiction n’a été mieux surmontée. Et il est nécessaire d’en identifier les raisons concrètes.
Le sommet de la Tricontinentale à la Havane en 1966, avait déjà acté, notamment par la voix du révolutionnaire marxiste africain Amilcar Cabral, qu’une réelle indépendance nationale ne pouvait se construire sans une résurrection de la culture nationale et des traditions précoloniales, point d’appui des futures conquêtes politiques et économiques. Vingt ans plus tard un autre dirigeant marxiste, Thomas Sankara, insistera davantage encore sur cette nécessaire exhumation, y compris en ce qui concerne les pratiques agricoles : le savoir faire des anciens, complexe et adapté au terrain, aux sols, aux ressources, à la complexité des écosystèmes locaux, ne peut être nié comme il l’a été par la monoculture intensive et homogénéïsante, destructrice des sols et des espèces endémiques, et par la brutalité de sa chimie, antiscientifique parce qu’antibiologique.
A Cuba, la polyculture traditionnelle n’a jamais vraiment disparu, entretenue parallèlement à la monoculture intensive de la canne à sucre destinée au marché soviétique en échange de denrées alimentaires. C’est d’ailleurs sur cette continuité d’un savoir faire paysan, certes marginale avant 90, que l’agronomie cubaine moderne planifie ses recherches et approfondit sa connaissance de terrain, par une alliance étroite, dans les milliers de centres villageois d’échanges « de paysan à paysan » (campagne « Campesino a campesino »).
Un tel savoir faire permet par exemple d’innover dans les pratiques agroforestières pour améliorer les économies d’eau et le microclimat des plantations. Un exemple simple parmi tant d’autres sur le prestigieux marché des Havanes : La culture du tabac peut se passer de pesticides parce que la nicotine présente dans la sève des feuilles, qu’on peut faire sortir d’un mouvement de doigts, repousse naturellement les ravageurs.
Les centres de semences endémiques se développent à Cuba pour alimenter l’ensemble des coopératives bio avec des semis aptes à résister aux terrains sans béquilles chimiques, par des sélections vieilles de plusieurs siècles, et que le « catalogue » Monsanto n’autorise pas dans le reste du monde. Le célèbre agronome cubain Humberto Rios Labrada a obtenu en 2010 le prix Goldman, « prix Nobel vert » très prisé des écologistes, pour sa campagne de développement des centres de semences endémiques pour l’agriculture, sur la base des traditions rurales de l’île.
Toutes les expériences ancestrales peuvent contribuer à redévelopper la productivité malgré le non-usage des pesticides, par le jeu de coopérations inter ou intraspécifiques. En Chine par exemple, le riz de Huen Yang (Yunnan) est mis à l’étude parce qu’il a la propriété, depuis plusieurs siècles d’éducation, de résister à quasiment toutes les maladies sans aucun pesticide, par sa grande biodiversité intraspécifique (une trentaine de variétés très proches cultivées ensemble). On peut également considérer que le recours à l’agroforesterie à Cuba mais aussi en Chine ou au Vietnam, représente d’une certaine façon un retour aux sources, d’avant la « révolution verte », et sa déforestation massive.
Le développement des « systèmes intégrés », c’est-à-dire d’agrosystèmes de polyculture où les espèces s’entre-aident pour suppléer aux dopants chimiques sans baisse de rendement, répond à la fois à la demande d’une diversification agricole liée au besoin de souveraineté alimentaire, et à la restauration durable de la fertilité des sols, ressources pour ne pas dire richesses nationales stratégiques, après des années d’érosion par les intrants chimiques. Au Vietnam par exemple, on associe par exemple dans le delta du Mékong riz, soja (réincorporant l’azote dans le sol sans besoin d’engrais chimiques) et pisciculture (produisant un équilibre faune / flore propre à résister globalement à l’incursion d’espèces indésirables, sans pesticides donc).
Alors pourquoi les succès enregistrés à Cuba, tardent-ils à s’étendre nationalement chez d’autres rescapés du camp socialiste, comme la Chine ou le Vietnam ?
L’histoire du camp socialiste et les limites rencontrées par l’agroécologie chinoise
Si Cuba s’est illustré en matière d’agroécologie, la Chine est devenu le leader incontestable des énergies renouvelables et de ce qu’on appelle ici la « transition écologique ». Il faut lui reconnaître cet immense mérite. Le puissant développement industriel du pays, à travers une volonté politique forte de restaurer la vitalité et la biodiversité des environnements chinois, l’a conduit aux succès que l’on sait sur la question des énergies solaires (les plus grandes centrales solaires au monde sont chinoises), hydroélectriques (la Chine est le premier producteur mondial d’électricité d’origine hydraulique), des « villes-forêts » bientôt énergétiquement autosuffisantes, etc. 630 milliards de dollars sont investis dans ce domaine, sous l’impulsion de Xi Jinping qui déclarait solennellement il y a quelques mois : « Vantez le développement écologique ! Développez l’énergie renouvelable ! ».
La Chine est également réputée pour sa campagne sans précédent de reboisement : l’Etat a planté plus de 6 milliards d’arbres depuis 1978. Une « muraille de Chine » verte est de plus en capacité de barrer la route au menaçant désert de Gobi. Il rivalise sur ce terrain avec les exploits soviétiques de l’immédiat après-guerre, avant le grand tournant révisionniste khrouchtchévien de 1956.
Cependant, les tentatives de transition agroécologique tardent à venir, malgré les résolutions des derniers congrès du PCC. En réalité, la Chine est bien plus avancée sur le plan industriel que sur le plan agricole, du point de vue socialiste, et ceci pour deux raisons historiques :
– D’abord les tentatives de collectivisation lors du « grand bond en avant » dans la Chine maoïste se sont globalement soldées par des échecs. Ce grand pays semi-féodal se refusait à appliquer le modèle soviétique de collectivisation, mais revendiquait d’une certaine façon une marche forcée plus rapide qu’elle ne l’avait été en URSS, après des années de « NEP » (re-développement provisoire d’un marché agricole privé pour accroître les forces productives, quitte à laisser se développer transitoirement une couche de paysans riches et exploiteurs). On imposa une alternative aux kolkhozes et aux sovkhozes soviétiques (modèle qu’ont repris les cubains) ; les « communes populaires ». Celles-ci se destinaient à l’autosuffisance matérielle à l’échelle du village, sur un mode autogestionnaire et dans un pays encore insuffisamment industrialisé, encore incapable de développer dans les champs une mécanisation et une aide matérielle suffisante. Chaque village devait avoir son petit haut fourneau pour produire ses outils, etc. Mais cette politique volontariste et non-pragmatique s’est vite soldée par un échec et il fallu rebrousser chemin.
– Les reculs ont sans doute été eux-mêmes exagérés puisque sous Deng Xiao Ping on décida de « décollectiviser » les campagnes. L’agriculture redevint familiale plutôt que coopératif et tout fut pensé pour le court-terme, suivant l’adage de Deng « Si elle augmente la production, l’agriculture privée est tolérable ».
Ce double échec tranche avec l’expérience soviétique : les kolkhozes et sovkhozes y ont duré jusqu’aux années 90 et nombreux sont encore les paysans qui refusent de sortir de leurs kolkhozes, tant les conditions y étaient meilleures que dans les exploitations privées. L’idéologie maoïste dans le traitement de la question agraire a également influencé le Vietnam, qui a vécu à peu de choses prés ces deux phases consécutives de collectivisation non contrôlée / dé-collectivisation, non sans une certaine agitation entre les tenants de la ligne pro-soviétique d’Ho Chi Minh et les dirigeants influencés par la ligne maoïste, majoritaires à cette époque.
Ainsi, l’absence d’une réelle collectivisation des campagnes explique au moins en partie la difficulté rencontrée par la Chine et dans une certaine mesure par le Vietnam, à développer rapidement et correctement une planification agroécologique d’ampleur nationale. Certes les progrès existent de ce coté, mais ils restent limités à certaines régions, et reposent sur des politiques uniquement incitatives, par subventions, et sans le soutien direct des masses paysannes organisées, habituées aux intrants. L’Etat a les moyens, au niveau de la superstructure, de financer l’agronomie scientifique et la formation de nombreux agronomes, de légiférer pour interdire ceci ou favoriser cela, mais cette politique rencontre des masses paysannes encore imprégnées de féodalisme dans certaines régions, et souvent impréparées à d’aussi difficiles transitions techniques.
La Chine ou le Vietnam ont sans doute plus de marge de manœuvre que la Kérala puisque le parti communiste gouverne l’Etat tout entier, mais également moins que Cuba ou que feu l’URSS pré-Khrouchtchévienne, faute d’une collectivisation suffisante après la phase indispensable de réforme agraire.
L’agroécologie : une affaire de rapports de production, et non de « consommateurs » revendicatifs
Il est à ce titre intéressant de remarquer qu’un pays comme Cuba qui dépendait matériellement du marché soviétique, a effectué malgré tout une véritable révolution agroécologique ces dernières années grâce aux rapports de production qui déterminent sa paysannerie, pendant que la Chine, retardé dans sa rupture avec des rapports de production féodaux par rapport à l’URSS, n’a pas tiré de son indépendance politique vis-à-vis du marché soviétique les ressources nécessaires à une véritable transition agroécologique. Nous sommes bien ici dans une approche matérialiste qui place comme déterminants fondamentaux les rapports de production, devant les formes politiques de l’Etat qui les gère.
Allons plus loin : il est plutôt rassurant que l’évolution mondiale des luttes de classe, hors de toute question morale ou de toute abstraction sur de prétendus « droits de la nature », crée naturellement les conditions d’une protection de fait de l’environnement, conçu comme une richesse nationale à soigner durablement. L’origine en est la nécessité d’une sécurité alimentaire et énergétique des pays dominés, pour échapper à leurs prédateurs. La finalité est de ne pas gâcher les environnements nationaux avec des pratiques aveugles guidées par le profit maximum et l’anarchie de la production (capitalisme).
Il n’est donc pas besoin de se réclamer de « l’écologie politique » pour accomplir les exploits que l’on connait à Cuba. Il suffit de donner à l’Etat, contre l’anarchie de la production capitaliste court-termiste, les moyens de gérer les terres à l’échelle nationale, et aux masses paysannes les moyens de s’instruire et d’innover dans la culture de leurs terres par l’articulation des savoir-faire traditionnels et des avancées de la science agrobiologique.
Pourquoi l’écologie politique, si prompte ici à dénoncer le « totalitarisme » socialiste, cache t-il autant que possible les succès de Cuba et des autres rescapés du camp socialiste en la matière ? Serait-elle gênée par la dimension profondément « souverainiste » de ce type d’agroécologie, elle qui, chez nous, défend ardemment et sur le mode fédéraliste la construction européenne, contre les souverainetés nationales et populaires ?
Soyons plus clairs : le soucis écologique ne peut être l’affaire de « lobby de consommateurs » soucieux de leur santé (légitimement !), comme tentent de le résumer les écologistes occidentaux. Preuve est faite chez nous que ce seul soucis, non lié à la lutte de classe et à l’état des rapports de production agricole, conduit à un non sens absolu : le « bio low cost ». Celui-ci consiste à produire en quantité industrielle des denrées légèrement plus chères que les denrées équivalentes imprégnées de pesticides, à partir de cultures hors sol et sous serre, c’est-à-dire en niant purement et simplement la question de la fertilité des sols, jugés incurables.
Tout est lié ; indépendances nationales anti-coloniales et anti-impérialistes, luttes anticapitalistes et protection des environnements que détruisent les bourgeoisies occidentales. Toute lutte partielle ou niant les autres aspects mentionnés se heurtera rapidement à des limites concrètes que seule la résolution de la contradiction principale, celle qui oppose la chaîne bourgeoise impérialiste aux classe ouvrières et aux peuples opprimés, pourra résoudre jusqu’au bout.
Guillaume SUING