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USA : Pétrole et eau dans l’empire de Bush, par Chris Floyd - il manifesto.




il manifesto, samedi 18 février.


Deux histoires, sur la même première page du New York Times, qui expliquent presque tout ce qu’il faut savoir sur les priorités en vigueur dans la société américaine sous l’empire de Bush. Titres : « Plan pour donner des bénéfices extraordinaires aux compagnies pétrolières » ; « Fin des coupons-hôtels, les évacués de Katrina doivent chercher des nouvelles dispositions ».

Commençons par le premier article. « Le gouvernement fédéral est sur le point de faire un des plus grands cadeaux de pétrole et de gaz de l’histoire américaine, d’une valeur estimée à environ 7 milliards de dollars pour 5 ans. Un nouveau projet, enfoui dans le budget qui vient d’être publié par le Département de l’intérieur, anticipe que le gouvernement laissera pomper aux compagnies pétrolières et de gaz naturel une valeur de 65 milliards de dollars environ sur le territoire fédéral dans les cinq prochaines années, sans payer aucune royaltie à l’Etat. Sur la base des chiffres fournis par l’administration, le gouvernement, à partir de maintenant jusqu’en 2001, renoncera à plus de 7 milliards de dollars de paiement de la part des compagnies pétrolières. Celles-ci devraient obtenir ce cadeau, appelé « aide fiscale », bien que l’administration soit certaine que le prix du pétrole restera au dessus des 50 dollars le baril pendant toute cette période... »


Le Grand Mensonge

(Vient ensuite l’incontournable Grand Mensonge du groupe de Bush) : « Des représentants de l’administration disent que le problème ne dépend pas d’eux, et font remarquer qu’ils s’étaient opposés aux mesures prévues dans la loi sur l’énergie de l’année dernière, qui donnaient d’autres « aides fiscales » en matière de pétrole pour les sondages en eaux profondes... Mais en réalité l’administration Bush n’a mené aucune bataille : elle a soutenu pleinement la loi, en se limitant à noter son opposition à ces « aides » dans une déclaration non contraignante. Au contraire, la Maison Blanche a sévèrement annoncé son propre veto à la loi de discussion au Sénat sur la nouvelle fiscalité, car celle-ci prévoit un impôt de 5 milliards de dollars sur les profits des plus grandes compagnies ... »

(Et maintenant, le véritable point-clé de l’article, littéralement caché par le New York Times au fond du long texte : une phrase qui, dans un monde normal, aurait crié sa vérité en tête de l’article, dans le titre) : « Si ces projets arrivent à bon port, le gouvernement admet que d’ici à 2011, il perdra une somme totale d’environ 35 milliards de dollars en faveur des contribuables, plus ou moins la somme que Mr Bush est en train de supprimer, pour la même période, aux programmes Medicare, Medicaid (la santé publique aux Usa, NDR) et de soutien aux programmes de santé infantile ».

Comparez maintenant ces soins tendres et affectueux prodigués aux barons du pétrole, qui empochent déjà les profits les plus énormes de l’histoire de leurs entreprises, avec la situation de ceux qui sont privés de tout et transformés en réfugiés par l’ouragan Katrina, et doivent maintenant supporter une seconde tragédie : l’indigne et cyclonique incompétence des hommes de Bush, dont la reconstruction de New Orléans est en train de mettre en évidence de sordides parallèles avec la « reconstruction » de l’Irak : un banquet pour ceux qui ont les bonnes connexions politiques, des miettes et des ordures pour les pauvres.


(Du deuxième article) : « Des milliers de réfugiés de l’ouragan Katrina sont revenus lundi à la précarité de nomades - poussant leurs vies, dans les rues, sur des petits chariots de commissions ou les traînant dans des sacs poubelles trop pleins, à travers les halls d’hôtels et de pensions, depuis que le gouvernement a arrêté de payer leurs notes d’hébergement. Accomplissant ainsi son pas le plus important dans la sortie de la phase d’assistance d’urgence pour le logement des victimes de l’ouragan, l’Agence Fédérale pour les urgences (Fema) a mis fin au paiement de leur hébergement en hôtel pour 12.000 familles, dans tout le pays, dont 4.400 qui vivent encore à New Orleans...

Mais aucune des dizaines d’évacués qui ont perdu leur hébergement en hôtel et qui ont été interviewés à New Orléans, ces deux derniers jours, n’avait un endroit où aller. Même sur le site Internet de la Fema, prévu pour les logements, il est évident qu’il n’y a pas de choix : il n’y a que cinq appartements de deux pièces qui coûtent moins des 800 dollars par mois fixés par la Fema comme prix maximal dans la région de New Orleans... Mark Smith, porte-parole du Service de sécurité intérieure et d’urgences de la Louisiane a déclaré que 15 familles ont trouvé une place dans un refuge à Shreveport, à cinq heures de voiture de New Orleans, et cent autres personnes se dirigeaient vers le même endroit. « Les personnes évacuées ne devraient pas être obligées d’aller s’inventer un plan de logement » a dit Bryan Mauldin, président d’un groupe qui aide les victimes de Katrina. « Ils ont déjà des maisons ; ce dont ils ont besoin c’est du droit d’y retourner. C’est la Fema qui a besoin d’un plan de logement... »

(Et maintenant, un peu de conservatisme pieux en action :) « Donna Lee, 44 ans, raconte qu’elle avait trouvé un appartement à Houston mais que, la veille de Noël, quelqu’un a frappé à sa porte. Son fils de 28 ans, qui l’avait auparavant sauvée des eaux en la hissant sur le toit de sa maison de East New Orleans, a ouvert : et un homme lui a tiré dessus, et l’a tué. Donna est alors rentrée à New Orleans pour enterrer son fils, emmenant avec elle ses enfants. « Je ne veux absolument pas rentrer à Houston, a-t-elle dit ; mais la Fema lui a refusé un séjour en hôtel » (Jésus n’aurait-il pas fait comme ça lui aussi ?). « Gary Martin, qui a travaillé 27 ans comme garçon d’étage au Fairmont Hotel, raconte que, lui, on lui a refusé le droit de rester à l’hôtel en tant qu’hébergé parce que quelqu’un d’autre a utilisé son numéro de téléphone... Et il ajoute ; « je devrais aller en Irak ou en Afghanistan pour avoir quelques sous du gouvernement ». Gary affirme qu’en quelques semaines seulement, en travaillant à la dépose de l’amiante, il aurait pu gagner assez d’argent pour se trouver un appartement sans l’aide de la Fema, si seulement on l’avait autorisé à rester encore un peu logé dans un hôtel ».

Pas sur le même journal (et pas en première page, malheureusement), voici une autre histoire du même jour, trop tristement typique de l’Amérique de Bush pour être ignorée. Titre : « Le budget de Bush fera des coupes dans les programmes sanitaires populaires ». Le mépris brutal affiché par les hommes de Bush pour le bien-être des citoyens étasuniens est à vous couper le souffle : ils veulent carrément arracher le défibrillateur de votre grand-mère et la laisser mourir, rien que pour donner 70 autres milliards de dollars en cadeaux fiscaux à une classe de parasites, et cacher l’obscène, dément, niveau de profits de guerre provenant du bain de sang continu en Irak. Une fois de plus, les vraies priorités de ce gang rapace et impitoyable d’immoraux sont exposées au monde entier, et une fois de plus cette exposition ne semble pas faire un poil de différence : les médias décrivent en bref et passent à autre chose ; certains démocrates discutaillent brièvement et ne font rien ; et des millions de ceux dont les proches vont être exposés à de vraies souffrances iront aux urnes avec la plus grande discipline cette année et en 2008 pour voter pour les chefs du parti ».


La grand-mère et les pétroliers

(Du Washington Post :) « S’il est appliqué, le budget 2007 éliminera les programmes fédéraux qui soutiennent : la diffusion des défibrillateurs dans les zones rurales, une campagne d’information sur la maladie d’Alzheimer, les centres pour les accidents traumatiques cérébraux et la banque de données nationale pour la maladie de Lou Gehrig (sclérose latérale amyotrophique, Sla). Le budget supprimera environ un milliard de dollars de subventions aux Etats en matière sanitaire et mettra totalement sur le pavé le Centre sur la paralysie dédié à Chris Reeve. »

Dans un budget total de 2.800 milliards de dollars, les chiffres concernant ces suppressions peuvent sembler minuscules, mais certaines personnes font remarquer que les projets sanitaires qui sont dans le collimateur de Bush sont des défenses « vitales pour la sécurité des personnes dans la patrie » comme dit Vinay Nadkarni, porte-parole de l’association américaine des cardiopathes. Selon Nadkarni, il est impossible de comprendre pourquoi l’administration a recommandé d’éliminer un programme de 1,5 millions de dollars qui prévoit la fourniture de défibrillateurs aux populations rurales, et la formation d’un personnel local à l’utilisation de ces instruments pour faire repartir le coeur de ceux qui ont fait un arrêt cardiaque : « L’infarctus coronarien est le premier killer des Etats-Unis, et ces machines sont réellement utiles pour nous défendre... ».

Le budget 2007 supprimera 12 millions de dollars de subventions de l’état pour les soins de la maladie d’Alzheimer opérés par les communautés, et 1,6 million pour une campagne d’information et de prévention sur cette maladie. « Aujourd’hui, plus de 4,5 millions d’étasuniens ont un Alzheimer, et ils seront au moins 16 millions d’ici 2050, dit Stephen McConnell, vice-président d’une association de lutte contre cette maladie. « A Medicare, ça coûte trois fois plus cher de faire soigner quelqu’un atteint d’Alzheimer que de le faire soigner dans des communautés, dit-il. Si on pouvait ne serait-ce que ralentir la progression de cette maladie, on réduirait les coûts sanitaires de façon décisive...  ».

Après avoir raté son objectif l’année dernière, la Maison Blanche est en train de tenter à nouveau d’éliminer, pour 2007, 99 millions de dollars de subventions pour les services de prévention sanitaire, lancés sous Reagan. Pendant ces dernières années, le Texas a utilisé ces fonds pour un programme de prévention des maladies cardiovasculaires, le Mississipi a acheté aux mères nécessiteuses des sièges auto de sécurité pour leurs enfants, le Colorado a fait face à une épidémie d’infection intestinale et l’état de New York a isolé les premiers cas du Virus du Nil occidental, affirme Georges Hardy jr., directeur de l’Association des responsables sanitaires d’état et territoriaux. « C’est un petit chiffre - 100 millions ce n’est rien dans le budget fédéral - mais c’est décisif pour déterminer la capacité d’un Etat à affronter les besoins occurrents ». Dans presque tous les cas, les Etats ont des données qui montrent comment ces projets ont sauvé des vies et de l’argent ».

Chris Floyd, journaliste étasunien. Le texte est tiré de « The Empire Burlesque ».


 Source : il manifesto www.ilmanifesto.it

 Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
Cet article est la traduction italienne d’un texte anglais, des termes m’ont semblé incertains, j’ai simplifié en fonction du contexte...


Le rapport Anti-Empire. Certaines choses que vous devez savoir avant la fin du monde, par Wiliam Blum.

Une tragédie américaine : ­ la détresse des blessés de guerre américains, par James Cogan.

Débat d’amnésiques sur la torture, par Naomi Klein.



 Dessin : Allan McDonald


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