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Haïti, Préval vers la victoire (il manifesto)


il manifesto, envoyé spécial à Port-au-Prince, 11février 2006.


Selon toutes probabilités, ça se terminera comme en Bolivie. Dans les Andes, le 17 décembre, les sondages donnaient Evo Morales légèrement en tête mais au coude à coude avec Tuto Quiroga, son rival « blanc » et néo libéral, et en fait l’indien cocalero a gagné avec plus de 53 % des voix et il est immédiatement devenu président. Ici, aux Antilles, le 7 février, les sondages donnaient René Préval légèrement devant ses deux rivaux les plus accrédités, Charles Henri Baker, l’industriel « blanc » et richissime, et Leslie Manigat, le chouchou du business haïtien, mais pas au point de pouvoir éviter le ballottage du 19 mars. Et par contre, si les premiers résultats sont confirmés, ce sera le candidat des masses pauvres, celui qu’on voit comme le suppléant le plus proche d’Aristide exilé, qui deviendra président immédiatement, sans avoir besoin de passer par le ballottage du deuxième tour.

Les premiers chiffres fournis jeudi soir par le Conseil électoral provisoire, pour 15 % des votes du scrutin, donnaient Préval à 61 %. Très loin devant ses deux concurrents qui arrivaient péniblement à 13 %, pour Manigat, et 6 %, pour Baker. Un troisième surprenant, et dérangeant, par contre, ce Jeune Jean Chavannes que les sondages n’avaient absolument pas repéré et qui, de fait, est en train de comptabiliser entre 18 et 26 % des votes à Les Cayes, et dans le sud où il est implanté. Signe des dégâts produits et de l’influence croissante, même ici à Haïti, des sectes évangéliques d’origine et de souche étasuniennes. Ce Chavannes est un pasteur baptiste, comme son père, diplômé dans des universités américaines de cette Christian majority qui a tant contribué aux deux élections de Georges Bush. A Haïti, on estime qu’environ 80 % de la population est catholique et 20 % appartient déjà à de confessions protestantes mais surtout à ces sectes évangéliques agressives (et riches) dont on voit un peu partout les temples et les églises.

Une ascension d’autant plus inquiétante si l’on considère que la hiérarchie catholique haïtienne et le nonce n’ont jamais aimé Aristide, alors même qu’il n’était que le petit prêtre des bidonvilles (depuis, après avoir été suspendu par l’ordre des salésiens, il n’est même plus prêtre et s’est marié), et qu’il y avait une base conséquente de prêtres et religieuses de la Ti Legli, la petite église, qui se réclamait des pauvres - plus de 80 % de la population- et de la Théologie de la libération. L’église catholique, qui s’y connaît, a dû apprendre à coexister de façon syncrétique avec le vaudou originaire ; les sectes évangéliques - porteuses d’une vision beaucoup plus « américaine » de la vie avec des promesses de bonheur, d’argent et de santé ici et maintenant, et pas dans l’au-delà - en Amérique latine et à Haïti, ont toujours été , et sont encore largement, des ennemies jurées du vaudou (et, ça va sans dire - en français dans le texte, ndt - de la gauche).

Tout porte à croire que la victoire de René Préval soit chose faite. C’était déjà dans l’air depuis mardi, quand on a vu l’enthousiasme et la patience avec lesquels les haïtiens se sont mis en rang pour aller voter. Cette foule d’électeurs voulait aller voter pour Préval, certainement pas pour Baker, le « blanc », ou pour ce vieux rosse de Manigat. C’était aussi dans l’atmosphère, tendue et préoccupée, chez les mulâtres clairs et rupins de Pétionville et Kescoff, les faubourgs « riches » (et, dans certains cas et demeures, scandaleusement riches) des collines qui dominent Port-au-Prince. Si on essaie de les réconforter en leur disant que, dans le fond, Préval devrait leur convenir à eux aussi parce que ce n’est pas un révolutionnaire, qu’il est probablement le seul capable de stabiliser une situation incontrôlable jusqu’à il y a un mois - quand la violence généralisée a mystérieusement cessé - et d’apporter, si ce n’est la paix, au moins une trêve dans la guerre civile séculaire entre les 95 % de noirs et les 5 % de mulâtres et blancs, ils n’ont pas l’air très convaincu. Ils sont convaincus au contraire qu’une fois président, Préval, à qui ils attribuent « l’ordre » imparti aux « gangs » armées barricadés à Cité Soleil (voire dû directement à Aristide depuis son exil de Pretoria...) déchaînera à nouveau contre eux la rage et la haine accumulées par les foules, victimes de deux coups d’état sanglants en à peine dix ans, contre « leur » unique président qu’ils aient jamais eu (et élu), Jean Bertrand Aristide : coups d’état de septembre 1991, du général Cédras (et des américains) et de février 2004, des américains (et français). Ils croient aussi que l’élection de Préval amènera un retour rapide et redouté d’Aristide, depuis l’Afrique du Sud, et c’est avec soupçons qu’ils ont observé l’arrivée de l’évêque Desmond Tutu à Port au Prince.

Si les masses espèrent et l’oligarchie blanche- mulâtre a peur, la « communauté internationale », elle, est satisfaite. Elle a confiance dans la modération de Préval, déjà prouvée quand il fut président de la république entre 1996 et 2001, dans sa capacité à stabiliser une situation dans laquelle la Mission Onu a échoué, dans leur capacité de poser des conditions, pour lui et son gouvernement, avec des ministres-clés « sûrs ». Même les américains semblent être tranquilles : « Aucun des trois principaux candidats ne représente un problème pour les Etats-Unis » a déclaré hier à Port au Prince, le diplomate Tim Carney. Ils espèrent que l’ agronome sexagénaire (63 ans) diplômé de l’université belge de Louvain, accomplira le miracle et réussira à refermer cet enfer que l’arrogante stupidité du président Bush et de madame Rice ont ouvert par le coup d’état à peine masqué d’il y a deux ans. Il est vrai que Préval a été communiste et qu’il était considéré comme l’homme d’Aristide, mais c’était une autre époque.

Si l’on pense à l’extrême particularité de Haïti en regard de la République Dominicaine, avec qui elle divise l’île de Hispaniola, et en regard de Cuba et Jamaïque, les autres grandes îles des Caraïbes - même si la côte orientale de Cuba n’est qu’à 80 kilomètres de Haïti - il est peut-être exagéré de dire que l’onde forte de l’Amérique latine est arrivée jusqu’ici et qu’elle a poussé Préval à la victoire du 7 février. Exagéré mais pourquoi ne pas y croire et l’espérer ?

Maurizio Matteuzzi


 Source : manifesto www.ilmanifesto.it

 Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio


Haïti : « Les jeux sont faits » par Maurizio Matteuzzi.


Etats-Unis - Haïti, par Noam Chomsky.


Haïti : Le Canada a financé la minorité anti-Aristide, par Vincent Larouche.

Haïti : un coup d’Etat orchestré et financé par les USA, par Michel Chossudovsky.


Washington et Paris renversent Aristide

Du côté français, l’opération est supervisée par Régis Debray et Véronique Albanel. Celle-ci apparaît en qualité de présidente de l’association Fraternité universelle qui développe des oeuvres sociales à Haïti en lien avec l’Église catholique. Elle est par ailleurs, la soeur de Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des Affaire étrangères, et l’épouse du général de division aérienne Baudoin Albanel.
Coup d’État en Haïti, par Thierry Meyssan. www.voltairenet.org/article12713.html


Un an après l’invasion franco-états-unienne<BR>
Haïti : ce que ne montrent pas les grands médias
par Ernesto Carmona.<BR>
http://www.voltairenet.org/article16463.html


Canadiens, Américains et Français ont un point commun : ils ne respectent pas la Constitution d’Haïti, Vincent Larouche.


Bolivie, Notre Victoire, par Graciela Ramà­rez.



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