Cela ramène donc le score des séparatistes à une proportion plus conforme à son influence réelle. Comme Macron, ces vainqueurs ont une base de masse étroite et leur victoire est due en grande partie à l’incapacité des forces progressistes à présenter une alternative au vote nationaliste. Nationaliste et non patriote car lorsque l’objectif à moyen terme est celui de Jean Guy Talamoni, “l’indépendance” de la Corse c’est-à-dire de permettre la mainmise des mafias sur l’île sans se poser la question de la macro-dépendance de la Corse à l’Europe allemande, on peut supposer que c’est davantage l’amour de l’argent et du pouvoir qui anime les cagoulés d’hier que celui de la Corse.
Reste que la thématique sécessionniste instille son poison dans le corps social. Et pas seulement en Corse. Cette démolition par en bas rejoint la démolition par en haut de notre nation républicaine. Démolition organisée, souhaitée et accélérée par Macron et par sa caste oligarchique et dont l’ UE est l’arme fatale.
Toute concession faite à un courant réactionnaire le renforce
Exploitant l’incapacité durable et irresponsable des forces progressistes insulaires et continentales à porter une alternative populaire et patriotique pour la France en général et pour la Corse en particulier, la démagogie séparatiste a encore fait un bond en avant en Corse lors des élections à l’ « Assemblée territoriale unique » (abolition des départements). On remarque au passage, selon une loi politique bien connue, que toute concession faite à un courant réactionnaire le renforce : comme dit la sagesse des nations, « l’appétit vient en mangeant », comme le montre le triste exemple de l’indépendantisme flamand, ce racisme anti-francophone, en Belgique. Pour autant, pour spectaculaire qu’elle soit en pourcentage des votes exprimés, cette progression est bien plus faible en pourcentage du total des électeurs. Les deux listes nationalistes séparatistes ne réunissent que 26,6% des inscrits, c’est à dire à peine plus qu’au second tour des élections de 2010 (24.1%).
Notons d’abord que la démagogie nationaliste est sans limite et que, dans les conditions de sécurité très moyennes qui sont celles de la Corse actuelle, où les séparatistes ont pour le moins des attitudes... intimidantes, aucune force politique ne leur tient vraiment tête sur place, y compris, faut-il le dire, le PRETENDU Front « national ». Il est tout de même désolant que tout ce qui va mal en Corse soit imputé à « l’Etat », en clair, à la République française, que nul n’y fasse observer que ce sont les services publics continentaux, des pompiers bretons, bourguignons, lorrains, etc. qui viennent de passer l’été à arroser les incendies insulaires sans que jamais cet effort (tout naturel dans le cadre d’une république indivisible, mais on ne peut pas éternellement recevoir sans au moins, reconnaître...) soit reconnu, et qu’en fait de « colonisation », la Corse soit désormais la seconde région de France en matière d’expansion économique, fort loin devant les prétendus « colonisateurs » picards, ardennais, ch’ti, qui plongent dans la pauvreté de masse...
Au-delà de la centralisation NAPOLEONNIENNE excessive (et non pas « jacobine » : Robespierre a dirigé la France durant moins de deux années, et il défendait l’idée d’une large autonomie communale !), le bonapartisme territorial a survécu à la chute de l’ « Aigle » dans les quatre républiques bourgeoises postérieures) qu’a subie la Corse, comme toutes les ci-devant provinces de France, on ne peut appréhender le développement du pseudo- « indépendantisme » corse en dehors du contexte européen. Comme en Espagne, en Belgique, en Grande-Bretagne, la « construction européenne » destitue et délégitime systématiquement les Etats-nations d’Europe (ou les Etats plurinationaux historiquement constitués comme l’URSS, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie : il n’y a eu, bizarrement, que l’Allemagne fédérale à se « réunifier » ces trente dernières années...). Car ce qui se met en place, n’en déplaise aux benêts politiques comme Benoît Hamon, c’est bel et bien un EMPIRE germano- et américano-centré qui pratique comme jamais, le « diviser pour régner » et qui préfère avoir en face de lui, non pas des Etats-nations capables de résister (et susceptibles de reculer devant de puissants mouvement sociaux...), mais de pseudo micro-Etats « indépendants » de la France, de l’Espagne, de la Belgique, etc.. De micro-Etats encore plus dépendants de fait, de Bruxelles, Berlin et Washington (que pèserait Talamoni face à Merkel ?). Même si, dans un premier temps, Bruxelles-Berlin regardent avec suspicion les mouvements « indépendantistes »... tant que le « centre » européen n’est pas sûr de bien les contrôler*.
Macron UE MEDEF : le démantèlement de la République en marche
En tout cas, on devine comment Macron va très probablement exploiter l’évolution de la situation politique insulaire pour précipiter le démantèlement général de la République indivisible et de l’ « ordre public social » qui lui correspondait. Qui peut douter que ce grand adepte du « pacte girondin » (une région, une loi... et un code du travail bas de gamme, fin des services publics, de la Sécu, des statuts, des conventions collectives, de l’Education nationale, du primat unificateur de la langue française, etc.) n’accélère aussi l’adoption par ses députés godillots de la Charte européenne des langues minoritaires et régionales appuyée par Berlin, qui vise à destituer le français, en apparence au profit des langues régionales, en réalité, au profit du tout-anglais. Car non seulement l’oligarchie au pouvoir ne va pas contrer le séparatisme corse et l’immense appel au séparatisme breton, alsacien, flamand, basque, nord-catalan qu’il implique, mais elle sera certainement tentée de l’exploiter à fond pour faire de la Corse « autonome » le laboratoire du démantèlement du territoire national français et de l’article II de la Constitution (« la langue de la République est le français »).
Or, gravissime serait le départ de la Corse de la République, non seulement pour les Corses – qui perdraient quantité d’apports, très sous-estimés par eux, de la solidarité nationale et de la « continuité territoriale » – mais pour la France dans son ensemble. D’autant que, comme chacun sait, si les Français continentaux deviennent des étrangers, pardon, des « résidents » en Corse, que les fonctionnaires ne parlant pas corse deviendraient inemployables sur l’île. Et que deviendront les Corses fort nombreux qui vivent sur le « continent » (Marseille, Nice, etc.) s’ils choisissent la future nationalité corse ? Des étrangers en France continentale ? Ou des étrangers « résidant » en Corse s’ils choisissent de rester français ? Jolis « progrès » en vue pour la « fraternité », l’ « accueil » et le « respect » dont se prévalent les séparatistes insulaires tout en tolérant sans honte que les murs de Corse soient pollués de slogans « amicaux » tels que « IFF ! » (I Francesi fora, dehors les Français !) ou « AF » (I Arabi fora, comme on l’a entendu à maintes reprises ces derniers temps à Ajaccio)... Quand, à l’appel du PCF clandestin, les FTPF de Corse libéraient par eux-mêmes l’île de la domination mussolinienne, le message porté au monde par les Corses avait tout de même une tout autre allure, comme à l’époque où Rousseau écrivait pour eux la première Constitution républicaine d’Europe... Pire encore serait le fait que le pouvoir antinational et antirépublicain de Macron-MEDEF pût se servir du pseudo-indépendantisme corse pour précipiter la fin de la république indivisible née de la Révolution.
C’est pourquoi le PRCF, qui a appelé à voter JLM aux présidentielles (et ne le regrette nullement) sans pour autant s’aligner sur ses positions ni taire ses éventuelles critiques, exprime son désaccord avec le “ Bravo ! ” qu’il a tweeté en présentant la victoire de Simeoni comme celle du “ dégagisme ”, et l’analyse qu’il a publiée sur son blogue selon laquelle ce “ dégagisme positif ” donnerait “ un centre de gravité à la société Corse ”, et participerait d’une volonté d’” autonomie dans le cadre de la Constitution et de la République ”.
Ce n’est pas en s’atomisant mais en s’unissant face à l’UE du capital que les forces progressistes insulaires et continentales pourront relancer le développement progressiste
Face à toutes ces menaces, que la grande presse minimise à dessein, la réponse ne peut être purement insulaire : énorme est la responsabilité des vrais communistes, des syndicalistes de classe, des patriotes républicains, des internationalistes dignes de ce nom qui ne confondent pas droit des nations à disposer d’elles-mêmes et droit des Empires à disloquer les peuples ; assez de pinaillages, l’heure est à affronter les états-majors euro-formatés de la fausse gauche, du syndicalisme euro-assagi et du faux communisme, pour présenter ensemble, comme le propose le PRCF, un projet national de reconstruction de la République. Ce n’est pas en s’atomisant mais en s’unissant face à l’UE du capital que les forces progressistes insulaires et continentales pourront de nouveau, comme en 1945, relancer le développement planifié et harmonieux, non parasitaire (non entièrement tourné vers la finance, vers les zones franches et vers le tout-tourisme), du « produire en France » et des services publics sur tout le territoire national, l’enseignement des langues régionales sans détruire le primat unificateur du français et sans céder à ce qui est en train de dévorer toutes les langues, français et langues régionales : le tout-anglais « transatlantique ».
Et pour cela, c’est bien la confrontation directe, totale, avec l’UE supranationale, avec les séparatismes réactionnaires qu’elle nourrit et au final, avec le capitalisme lui-même, qu’il faut avoir le courage de relancer. Avant que la France ne flambe comme nombre d’Etats voisins, pour le seul profit des forces capitalistes et au seul désavantage de sa classe ouvrière.
4 décembre 2017 - PRCF - www.initiative-communiste.fr
*L’eurocratie capitaliste veut ardemment la fission nucléaire des Etats européens, mais bien entendu, à condition de la contrôler. Ce sont pour le moment les Etats nationaux, ou ce qu’il en reste, qui sont chargés de se destituer eux-mêmes peu à peu au profit de l’Empire euro-atlantique, des transnationales (privatisations) et des structures régionales autonomisées.