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La terre vue de Bamako, par Giulio Marcon - il manifesto.


il manifesto, mardi 24 janvier 2006.


Peut-être ne s’en ne souviendra-t-on pas à cause des grandes foules (plusieurs milliers cependant), mais le Forum Social Mondial au Mali est un tournant dans la saison des mouvements sociaux mondiaux. Des mouvements africains prêts à prendre la voie d’un nouveau panafricanisme pour libérer le continent du néo libéralisme. Et des mouvements européens, un peu plus conscients encore du polycentrisme de la planète. Evidemment, ce n’est pas tant - ou seulement - le rôle de protagoniste des mouvement africains qui émerge avec force, que les relations nouvelles qui sont en train de se construire entre les mouvements du Nord et ceux du Sud (africains évidemment) du monde, ainsi que les thèmes en débat : depuis celui de l’immigration, à celui de la démocratie directe ( et celle de la politique d’en bas), des biens communs, de la coopération internationale, du commerce et de l’économie locale dans la globalisation. Un réseau de relations faites de « dignités égales » sans la chape idéologique d’un tiers-mondisme qui date, désormais, ou de la tutelle de certaines ONG toujours plus en quête - même en Afrique- de leur propre survie économique.

Il s’agit de relations vraies, faites de positions et initiatives radicales, mais sans cette déclinaison politicienne et, finalement, un peu instrumentale qui s’étaient fait une place en d’autres occasions. Contre les tentatives de réduction à un « sujet politique » (qui flottait à l’ouverture avec la conférence inaugurale sur Bandung) le forum du Mali a eu le mérite de défendre son identité et sa valeur la plus importante : celle d’un « espace public » de la politique et de l’initiative des mouvements sociaux, de développement d’un réseau, on pourrait dire polycentrique - contre sa réduction à un « contrepouvoir » de structure, d’organisation.

Et pourtant, il a une plus grande conscience de la nécessité d’une nouvelle radicalité, non réductible à la mystique hypertrophique des documents ou à l’individuation de leadership ou d’avant-gardes (à quoi s’est référé de façon polémique - dans la discussion sur l’avenir des forums polycentriques - Tawfiq Ben Abdallah, coordinateur du Social Forum Africano), conscience faite d’alternatives concrètes, de pratiques à diffuser et à développer. Pratiques du bas, luttes sociales, et politique vont ensemble. Et se réalisent aussi sur un autre plan, celui de la cohabitation et de la démocratie, comme ici au Mali où 12 groupes ethniques cohabitent sans se faire la guerre, sauf rares exceptions, (quelque chose à apprendre, pour l’Europe), où on tente de diffuser et distribuer le pouvoir (comme l’enseigne le burkinabé Ki-Zerbo) dans un système de réseaux locaux et sociaux, sans tomber dans ce que nous nous pourrions appeler devolution ou dans les pièges de l’état-nation, dont l’absolutisme porte avec lui, guerres, violences, oppression des minorités, et a été imposé (avec des conséquences dramatiques) à l’Afrique post-coloniale.

A Bamako, on a sans aucun doute respiré un air frais et nouveau : comme celui des réseaux euro-africains sur les migrations (les européens, enfin, discutent de l’immigration « depuis l’autre rive ») ou sur l’eau (avec une déclaration commune importante) ou sur l’économie et la démocratie locale. Une des nouveautés les plus évidentes est justement celle de la construction d’un plan d’action commun sur l’immigration (la part la plus riche peut-être du forum, avec la décision d’une journée internationale de mobilisation), qui, vue de Bamako, semble ouvrir la voie d’une nouvelle alliance entre les mouvements du Nord et du Sud, résolument inédite par rapport au passé. Ainsi, le thème d’une nouvelle coopération internationale a mis en évidence sa non réductibilité au « paternalisme caritatif » (comme le disait le titre d’un séminaire) en vogue dans les institutions internationales ou à une « protection humanitaire » des « effets collatéraux » du néolibéralisme. Une coopération internationale fondée sur l’action de la société civile africaine et non sur son « implementing partner » de projets d’institutions internationales ou d’ONG occidentales. Paraphrasant le Pasolini de « la terre vue de la lune », le monde (même celui des mouvements sociaux) vu de l’Afrique de Bamako, retrouve la saveur de ses racines et de ses contradictions les plus profondes sous l’éclairage sinistre des scélératesses du vieux colonialisme et du nouveau libéralisme. La marchandisation de la terre, de l’eau, de l’environnement, des relations humaines devient paradigmatique en Afrique de la destruction des racines de notre monde, de ce qu’il a été à l’origine et de ce qu’il pourrait être dans l’avenir. En substance, l’avenir commun de toute l’humanité. Mais il y a aussi cette lueur d’un espoir des mouvements et des communautés qui ont construit en Afrique une nouvelle voie, qui peut nous aider nous aussi. Les mouvements sociaux africains, d’ « hôtes » des Forums, deviennent protagonistes d’une nouvelle saison des mouvements sociaux mondiaux. Un panafricanisme nouveau (pluriel, polycentrique, du bas) sera un de nos espoirs (pour sauver aussi ce qui reste de bon dans notre Europe) et il sera bien différent de celui des années 60. Mais il peut réussir si en Europe aussi un nouvel européanisme social, démocratique, participatif vient à s’affirmer. La balle passe maintenant à Athènes, où, du 4 au 7 mai se tiendra le prochain Forum Social Européen.

 Source : il manifesto www.ilmanifesto.it

 Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio


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