« La seule façon de surmonter le diviser pour régner imposé par nos colonisateurs est de trouver nos propres formes d’expression, qui doivent nécessairement passer par l’indépendance linguistique ».
« En 2005, le monde s’est beaucoup parlé d’Afrique ; il y a eu la commission de Tony Blair, les concerts de Bob Geldof, le G8 de Gleneagles. Et où sommes-nous ? Au point de départ. C’est nous qui devons être les protagonistes, ne pas permettre que ce soit d’autres qui nous dictent l’agenda de nos discussions », conclut Wahu Karra(...).
il manifesto, Bamako, samedi 21 janvier 2006.
Bamako, tremplin pour Nairobi 2007. L’étape africaine du Forum social 2006 est une occasion pour promouvoir l’unité du continent dans la perspective de la rencontre mondiale qui se tiendra l’an prochain dans la capitale kenyane. Dans une petite salle du Mémorial Modibo Keita - le père mythique de l’indépendance du Mali- le mouvement social africain s’interroge sur son avenir, ses ambitions et ses limites. La discussion est vive : à la différence des autres séminaires qui scandent la première journée des travaux du Fsm de Bamako, le public, dans la plus grande majorité, a la peau sombre. Peu nombreux et discrets, les blancs observent en silence le déroulement du débat, qui part de la volonté de rédiger une « charte de l’unité des peuples et de l’avenir de l’Afrique ». Introduite par le marocain Tewfik ben Abdallah, la réunion donne un instantané assez net, même s’il n’est pas exhaustif, du mouvement social africain. Interviennent des syndicalistes sénégalais, des universitaires du Zimbabwe, des paysannes kenyanes, des enseignants du Mali, des militants du Niger. Tous unis dans la volonté de trouver un terrain d’entente commun, de dépasser les divisions actuelles et d’arriver au Forum de Nairobi avec une force propulsive qui puisse représenter un élément de pression sur les gouvernements. « Le Fsm de Bamako doit être une leçon pour l’avenir » exhorte Amadou Goita, du secrétariat du Forum, en se plaignant de la rare participation dans la phase organisatrice des activistes des autres pays. « Au Kenya, il ne faudra pas répéter les mêmes erreurs ».
De la rencontre émerge un panafricanisme qui n’est pas de façade, qui se met en discussion et s’interroge sur sa raison d’être. « Quels sont les éléments communs aux africains ? Peut-être le fait d’avoir la peau sombre ou de vivre sur le même continent ? L’unité doit être unité des idées et doit donc intégrer la diversité », proclame le kenyan Onyango Olau. « Le panafricanisme ne doit pas être seulement un mot, mais il doit se matérialiser par des faits, il doit être la base d’un nouvel humanisme » poursuit le sénégalais Baboucar Diop. Imposant dans son costume traditionnel, cet enseignant de Dakar est un fleuve en crue et avance une série de propositions concrètes : l’institution d’un passeport africain, qui permette la libre circulation des personnes dans tout le continent ; l’étude dans les universités des principales langues véhiculaires africaines, le kaswahili, l’arabe, le bambara, le wolof, l’haussa. « La seule façon de surmonter le diviser pour régner imposé par nos colonisateurs est de trouver nos propres formes d’expression, qui doivent nécessairement passer par l’indépendance linguistique ». Le malaise contenu jusque là bon gré mal gré par une discussion forcée de se dérouler en français et en anglais se dissout en une explosion de chaleureux applaudissements pour Diop.
Mais le séminaire est aussi l’occasion d’un bilan aux teintes sombres, sur pas mal d’aspects. Le document qui est en proposition aujourd’hui devrait être une réédition de la « Charte africaine pour la participation populaire au développement », rédigée à Arusha (Tanzanie) en1990, dans un monde qui s’acheminait vers la fin de la guerre froide et vers un remodelage complexe. Depuis lors, les résultats ont été assez maigres et la participation populaire aux mécanismes de décision collectifs, point cardinal de la Charte, presque nulle. Avec des hauts et des bas, la corruption et le despotisme ont fait rage dans de nombreux pays africains. L’Afrique n’est pas arrivée à s’opposer aux ajustements structurels et aux politiques de l’Occident, qui l’a utilisée comme marché pour ses propres produits ou supermarché de ressources naturelles à prix discount, pour ensuite se donner bonne conscience avec des remèdes de consolation.
Une réalité qui n’échappe à aucun des participants et qui s’impose au fil des interventions. « En 2005, le monde s’est beaucoup parlé d’Afrique ; il y a eu la commission de Tony Blair, les concerts de Bob Geldof, le G8 de Gleneagles. Et où sommes-nous ? Au point de départ. C’est nous qui devons être les protagonistes, ne pas permettre que ce soit d’autres qui nous dictent l’agenda de nos discussions », conclut Wahu Karra, une femme kenyane qui représente le réseau pour la remise de la dette. « Nairobi sera l’occasion de nous regarder dans le miroir et de montrer au monde notre force ».
Stefano Liberti
– Source : il manifesto www.ilmanifesto.it
– Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
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