Omar Barghouti, le cofondateur palestinien du mouvement BDS a été frappé d’une interdiction de facto de sortie du territoire. Dimanche, un autre ministre israélien a annoncé qu’un groupe de travail serait créé pour « cibler » les militants du BDS de nationalité étrangère et les expulser du pays.
Cela fait maintenant une semaine que les autorités israéliennes ont arrêté Omar Barghouti, co-fondateur du mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) en Palestine. Son arrestation fait suite à des années d’intimidation et de menaces de la part de divers organismes publics. Si le but était d’isoler et de faire taire Barghouti, son arrestation s’avère, au mieux, à courte vue et contreproductive. Le BDS est devenu un mouvement global d’inspiration palestinienne qu’il sera impossible d’arrêter.
En mai 2015, Reuven Rivlin, le président israélien, a qualifié, le mouvement BDS de « menace stratégique ». Pourtant, lorsqu’il a été lancé en juillet 2005, il avait été balayé d’un revers de main par les officiels qui le considéraient comme un piètre plagiat du mouvement de boycott international qui avait joué un rôle central dans le démantèlement du Régime d’apartheid criminel d’Afrique du Sud. Aujourd’hui plus personne ne sous-estime le BDS. Le seul fait qu’Israël dépense des millions de dollars mensuels à collecter des données pour contrer le BDS à l’intérieur comme à l’étranger, prouve que les Israéliens le prennent maintenant très au sérieux.
En recourant à des tactiques arbitraires de répression et d’intimidation, Israël se rend un très mauvais service. Sans s’en rendre compte, ce pays a, par de telles mesures, créé les conditions idéales pour que le BDS se développe et attire des sympathisants du monde entier, car il est facile de convaincre les gens ouverts de la nécessité du BDS.
Les conduites politiques qui violent les libertés fondamentales et les droits de l’homme répugnent instinctivement aux êtres humains équilibrés qui ont le sens de la justice.
Aujourd’hui, ceux qui soutiennent le BDS sont motivés par leur attachement aux valeurs d’égalité et d’équité, ainsi que par la conscience que nous sommes tous des êtres humains. C’est pourquoi ils trouvent honteux de refuser la pleine égalité aux citoyens palestiniens d’Israël ; c’est pourquoi ils exigent qu’il soit mis fin à l’occupation militaire des territoires palestiniens capturés en 1967 ; et c’est pourquoi ils veulent savoir pourquoi les Palestiniens qui ont été expulsés par les milices juives en 1948 ne sont pas autorisés à exercer leur droit de retour. Cette revendication n’a rien de conspirationniste ni d’extrémiste. C’est un droit internationalement reconnu.
C’est principalement le déni constant de tous les droits palestiniens par Israël qui a nourri le mouvement BDS. Sur chaque continent, les communautés minoritaires et défavorisées, les communautés religieuses, les syndicats et les organisations de défense des droits de l’homme soutiennent cette campagne non violente parce qu’ils sont convaincus qu’il y va de leur propre survie.
Le temps n’est plus où les artistes et les sportifs les plus célèbres accordaient un soutien sans réserve à Israël. Aujourd’hui, leur soutien est conditionnel ; Ils ne l’accorderont que lorsqu’Israël respectera la dignité du peuple palestinien. On ne voit plus actuellement de stars soutenir ou légitimer ouvertement la discrimination, quelle qu’en soit l’auteur. Il n’y a tout simplement aucune justification morale ou légale à la discrimination quelle qu’elle soit, et encore moins lorsqu’elle est le fait d’un État comme c’est le cas en Israël.
Aussi cruel que cela puisse paraître, l’arrestation d’Omar Barghouti était inévitable ; non pas parce qu’il aurait commis quelque crime, mais parce que cela faisait trop longtemps que la menace pesait sur lui. L’année dernière, Amnesty International a exprimé des inquiétudes sur sa sécurité et sa liberté après que plusieurs ministres israéliens ont proféré des menaces voilées contre Barghouti au cours d’une conférence anti-BDS à Jérusalem le 28 mars.
Le ministre des Transports, du Renseignement et de l’Energie Atomique, Yisrael Katz, avait proféré une menace particulièrement grotesque en appelant Israël à procéder à l’ « élimination civile ciblée » des dirigeants du BDS avec l’aide de ses agences de renseignement assassines. Amnesty a indiqué que le terme s’inspirait de l’expression « assassinats ciblés », utilisée pour décrire la politique israélienne de ciblage des membres des groupes armés palestiniens.
Le Comité national palestiniens du BDS (le BNC) n’a aucun doute sur le motif de l’arrestation de son co-fondateur ; Il s’agit de répression. Le BNC a affirmé que l’ouverture de cette enquête, qui inclut une interdiction de sortie du territoire, n’est pas une coïncidence, car, quelques semaines plus tard, Barghouti devait se rendre aux États-Unis pour recevoir le Gandhi Peace Award conjointement avec Ralph Nader, lors d’une cérémonie à l’Université de Yale.
Le mouvement BDS s’effondrerait-il si Omar Barghouti était emprisonné ou assassiné ? Bien sûr que non. Les similitudes juridiques, politiques et de violations des droits de l’homme qui existent entre la réalité palestinienne et celle qui régnait dans l’Afrique du Sud de l’apartheid sont tellement flagrantes qu’elles sautent aux yeux de tout
le monde civilisé.
À ce jour, aucune des mesures prises par Israël pour combattre le BDS n’a été couronnée de succès. Que ce soit l’interdiction des militants d’entrer en Palestine, la création d’unités spéciales dont la mission est de remuer la merde pour tenter de discréditer les militants, ou l’emprisonnement, toutes ces méthodes ont été utilisées en Afrique du Sud où elles se sont avérées totalement inadéquates et impuissantes. Au contraire même, tout ce qu’elles ont réussi à faire, c’est d’attirer de plus en plus l’attention sur la nature injuste et criminelle du système d’apartheid.
Soyez certains que les résultats seront les mêmes en Palestine, avec ou sans la présence physique et l’activité incessante d’Omar Barghouti. En faisant si grand cas de lui, Israël reconnait, en fait, que la campagne de boycott, de désinvestissement et de sanctions représente bien une menace stratégique pour ce pays.
Dr Daud Abdullah
Traduction : Dominique Muselet