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Incroyable

Alors que le verbe « porter » est mis à toutes les sauces par nos politiques, ce qui est très intéressant, idéologiquement parlant, un nouveau tic de langage est apparu il y a au moins un an dans nos médias neuneux et dans le langage publicitaire, l’utilisation, à tort et à travers, de l’adjectif « incroyable ».

Une des journalistes qui l’a le plus en bouche (mais pas avec son accent du sud-ouest qu’elle a soigneusement ravalé en montant à Paris) n’est autre que Marie-Sophie Lacarrau, la présentatrice du JT de 13 heures de France 2 (j’ai du mal à utiliser le terme journaliste en ce qui la concerne tant sa présentation du monde est nunuche, Jean-Pierrepernaudienne, clairechazalienne). Á noter que, comme beaucoup d’autres neuneux des médias (son collègue David Pujadas, par exemple), Marie-Sophie a définitivement (enfin, jusqu’à la prochaine mode) enterré l’expression multiséculaire « bon après-midi » au profit de « bel après-midi »). Mine de rien, ce petit changement est, lui aussi, idéologique : lorsque j’utilise l’adjectif « bon », c’est moi qui décide, qui suis maître de mon destin, qui ferai tout pour que l’année qui se profile soit « bonne ». Lorsque je dis « bel après-midi », « belle soirée », tout m’échappe, la suite est hors de ma volonté. Le soleil sera « beau » si, lui, en a décidé ainsi. Ça marche aussi avec les belles-mères. Elle sont belles, ces mères (comme les pères, les fils, les filles), parce que, quand autrefois on s’adressait à des personnes de qualité ou à des membres de la famille que l’on était censé admirer, on balançait un petit coup de déférence contrainte et d’affection convenue en utilisant cet adjectif : « mon biaus seigneur », « mon biaus frère ».

Mais revenons à « incroyable » puisque, désormais, tout l’est ou peut l’être : le tout-à-l’égout enfin installé, après trente années d’arguties administratives, à Chibre-sur-la-Mothe, l’élection d’un milliardaire d’extrême droite aux Etats-Unis, la médaille de bronze (temps « canon », performance « stratosphérique ») de Christophe Lemaitre pour un millième de seconde, les 117 ans de la doyenne de l’humanité, la dernière prise de parole de Jean-Christophe Cambadélis (non, là, je me gausse), la possibilité de se baigner à Collioures en plein mois de novembre dans une eau à 14 degrés.

Nous sommes dans l’idéologie parce que le monde est alors perçu sous l’unique prisme de la croyance, donc de la non-raison, de la subjectivité. Si, à la place d’« incroyable », j’utilise « invraisemblable », je me place alors sur le syntagme vrai/faux et je suis responsable – que j’aie raison ou non – de mon appréciation (avoir pensé qu’Hollande était socialiste relevait de l’invraisemblable). Si j’utilise « inconcevable », c’est que, en tant qu’être pensant, je ne peux pas concevoir : pour moi, par exemple, un trou noir est quelque chose d’inconcevable, voire d’inimaginable si je requiers, en plus de mes cellules grises, mon imaginaire).

Et puis Marie-Sophie, David et les autres pourraient consulter un dictionnaire des synonymes. Ils y trouveraient : exorbitant, faramineux, impensable, inexprimable, prodigieux, renversant, unique et bien d’autres termes tous plus précis les uns que les autres.

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Bernard GENSANE
Il s’agit là d’un court ouvrage collectif, très dense, publié suite à un colloque organisé par Mémoire des luttes et la revue Utopie critique à l’université Paris 8 en juin 2008, sous la direction de Bernard Cassen, fondateur et ancien président d’ATTAC, à qui, on s’en souvient, le "non" au référendum de 2005 doit beaucoup. La thèse centrale de cet ouvrage est que l’« Europe » est, et a toujours été, une machine à libéraliser, au-dessus des peuples, contre les peuples. Dans "La fracture (…)
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