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Petite Fable - Commentaire pour Agoravox.

A Moderatus, Astérix, et autres « anticastristes » furibonds »

L’un de vous se plaint qu’il vous soit quasiment interdit de dire que Cuba est une atroce dictature sans qu’aussitôt des « défenseur du castrisme » ne montent au créneau.

J’oserais vous faire remarquer, à dire vrai, que, dans le contexte français en général et dans celui d’Agoravox en particulier, nous sommes vraiment un très minuscule groupe auquel il nous est catégoriquement interdit de dire qu’elle n’en est pas une…

Ce qui m’étonne, au fond, c’est de constater à quel point vous êtes programmés : on appuie sur le bouton « Cuba », et hop, votre réponse s’affiche aussitôt : « Dictature ». Si quelqu’un qui a peut-être son petit bout de connaissance vécue et éventuellement quelque chose de différent à dire intervient, vous le prenez de haut sans même l’écouter.

C’est un peu comme si un Martien débarquait chez vous. Logiquement, il a très envie de vous raconter comment c’est chez lui et ce qu’il s’y passe. Il se lance donc dans son récit, mais finit par se rendre presque aussitôt, parce qu’il est intelligent, que ça n’intéresse quasiment personne parmi ses interlocuteurs. Un peu interloqué, parce que les Martiens ont quand même des sentiments, il vous pose gentiment la question : « Ça ne vous intéresse pas de savoir comment c’est chez moi ? » C’est alors qu’il voit se peindre sur vos visages un étonnement encore plus prononcé que le sien : « Mais nous savons parfaitement ce qu’il se passe chez toi ! » Bien entendu, le Martien, qui a sa petite logique à lui, s’exclame, de nouveau étonné : « Ah ! bon, vous y êtes allés ? Tiens, je n’avais jamais entendu dire que les Terriens étaient allés chez nous. » « Non - s’entend-il répondre – « nous n’avons pas fait le voyage. » « Alors, vous y êtes allés par ’transmission de corps’. Ça alors, vous êtes plus avancés que je ne le croyais : je ne pensais pas que vous maîtrisiez cette technologie. » « Non, non, notre science terrestre n’en est pas encore arrivée là. » « Alors, comment apprenez-vous cette connaissance apparemment insondable que vous avez de Mars, puisqu’un témoignage vécu ne semble pas vous intéresser ? » « Eh bien – lui répondez-vous – nous avons nos médias (certaines méchantes gens malintentionnés les appellent les ’merdias’, mais ne les croyez pas) qui nous racontent, nous expliquent, nous dissèquent, nous traduisent tout. Si bien que nous savons tout sur tout et, maintenant, avec Internet, quasiment de manière instantanée. » Et vous lui montrez, ravis de l’en convaincre, toute une série de médias où vous puisez votre savoir, en particulier ceux qui concernent directement sa planète. Votre Martien qui, lui, a très envie d’apprendre ce qu’il se passe chez vous, se jette alors sur votre échantillon de médias. Il les fait défiler devant lui d’abord avec beaucoup d’enthousiasme, puis, au fur et à mesure, avec un intérêt sans cesse décroissant. Finalement, il se tourne vers vous, estomaqué (car les Martiens ont aussi ce genre d’organe) : « Mais ce n’est pas du tout comme ça chez moi ! » Cette fois-ci, ce n’est plus de l’étonnement qui se peint sur votre visage, mais un mélange de commisération et de satisfaction : « C’est confirmé, vous en êtes la preuve vivante ! » « La preuve vivante de quoi ? », vous demande le Martien. Mais vous ne lui répondez pas : « Quelle technologie emploie-t-on là-bas ? » « Technologie de quoi ? », vous demande le Martien. « Mais enfin, la technologie du chip ! » « De quel chip ? », s’exclame votre interlocuteur. « Mais enfin, la technologie du chip que vous avez dans le cerveau ! » « Mais je n’ai aucun chip dans le cerveau ! », s’offusque le Martien. À la compassion et au contentement, vient alors s’ajouter chez vous un gros rire gras : « Mais, mon pauvre ami, bien sûr que vous avez un chip dans le cerveau ! Le hic, c’est que vos vilaines et méchantes autorités vous l’implantent dès la naissance (selon nos médias, elles sont même en train de préparer la technique nécessaire pour l’implanter intra utero pour en redoubler les effets), et que vous ne pouvez donc pas le savoir. Heureusement que nous le savons, nous, grâce à nos médias… et aussi à nos hommes politiques qui les répliquent. Donc, tout ce que vous voyez autour de vous, là-bas, est faux et n’a aucune assise dans la réalité. » « Mais mes dirigeants ne sont pas du tout comme les peignent vos médias ! », tente de rétorquer le Martien. Nous les aimons bien, nous, nos dirigeants, surtout l’un d’eux, Fi-R1959-del, qui nous a apporté, grâce à l’appui que nous lui avons offert pendant un demi-siècle, des tas de choses que nous n’avions pas avant ! Et nous en sommes fiers, croyez-moi. » « Mais non, mon pauvre ami, tout ça n’est que pure illusion. Vous êtes un exemple éloquent de ce qu’on appelle chez nous le ’lavage de cerveau’, poussé chez vous, il faut le reconnaître, à un niveau de sophistication impressionnant. Vous ne pouvez pas comprendre votre réalité, votre chip vous programme la matière grise pour que vous soyez incapable de voir et surtout de comprendre le réel. Vous avez, pour ainsi dire, le cerveau asservi. » « Mais enfin, réplique un peu agacé tout de même le Martien, je n’ai pas de chip ! » Alors, lui tapotant l’épaule – car les Martiens en ont une – à la fois compatissant et irrité devant un tel entêtement, vous lui assenez l’argument définitif : « Mon pauvre ami, vous êtes une malheureuse victime ! »

Et vous retournez, béats, à la causette avec vos concitoyens que la présence du Martien a à peine interrompue et à la consultation de vos chers médias, ravi d’avoir constaté de visu et surtout de vous être conforté dans votre conviction indéracinable que, oui, vraiment, Cuba est une épouvantable dictature dirigée par de forts méchantes gens…

Fin de ma petite fable.

En fait, je crois qu’il vous serait plus facile de comprendre un Martien que le peuple cubain en révolution !

Jacques-François Bonaldi (La Havane)
7 décembre 2016

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