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Des intérêts particuliers créent les « bons », les « méchants », et l’histoire « intéressante » qui va avec.

Amanda Taub du New York Times fait une analyse intelligente de la raison pour laquelle certaines guerres attirent plus l’attention « occidentale » que d’autres.

C’est seulement lorsqu’on peut tirer des conflits un récit, une histoire convaincante et excitante, sans rapport nécessaire avec les pertes humaines, mais qui passionne le public comme les politiciens, que l’intérêt des Étasuniens pour eux ne faiblit pas. Il faut qu’ils aient un lien direct avec les intérêts étasuniens immédiats et des questions culturelles ou des débats politiques étasuniennes, et surtout, sans doute, qu’ils offrent un cadre émotionnel attractif où les bons et les méchants sont clairement identifiables.
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Le nombre de morts du Yémen est inférieur à celui de la Syrie mais, bien qu’Al-Qaïda y opère, le conflit du Yémen n’a pas eu le même impact sur les intérêts étasuniens et européens que la Syrie. Il n’y a pas d’histoire évidente du bien contre le mal à en tirer. Le pays est déchiré par différentes factions en guerre sur le terrain, et pilonné par l’Arabie saoudite, un allié étasunien. Il n’y a pas de méchants assez faciles à photographier pour que les Étasuniens s’enflamment contre eux.

Ce sont de bonnes observations. Mais ces journalistes font eux-mêmes partie du processus qu’ils décrivent. Ils créent artificiellement des « bons » et des « méchants » et sont conduits par des « intérêts ». (Note : Je doute qu’il soit exact, comme elle l’affirme catégoriquement, que « le nombre de morts du Yémen soit inférieur à celui de la Syrie ». La famine dans le nord-Yémen est très grave. Le nombre de morts n’est tout simplement pas encore connu, mais il se monte probablement à des centaines de milliers..…).

Les informations ne dépendent pas de l’existence du bien et du mal ni de l’existence d’une histoire intéressante. Une telle idée relève tout simplement d’une idéalisation ridicule. Ce sont les médias qui créent les camps (souvent artificiels) d’une guerre en fonction des intérêts en jeu. Le bien et le mal ne sont pas intrinsèques aux situations, ils sont fabriqués. Il n’est pas du tout nécessaire qu’une histoire soit réellement excitante. Il est facile de concocter, à tout moment, une histoire excitante qui ne sera probablement pas vraie du tout.

Ce sont les « intérêts » qui décident qui sont les « bons » et les « méchants » et qui créent les histoires « intéressantes » – des intérêts économiques bien précis, comme le business du pétrole qui sous-tend la campagne Ltd* en Syrie, mais aussi la recherche du pouvoir personnel ou d’avantages tribaux. Les entreprises de relations publiques et les politiciens qui sont au service de ces « intérêts » donnent aux journalistes les infos dont ils ont besoin pour bien tourner leurs histoires. Les journalistes bien domestiqués des médias dominants savent intuitivement quand des « intérêts » sont en jeu. Ils font de leur mieux pour les satisfaire – sinon ils perdraient leurs emplois lucratifs.

Au milieu des années 2000, al-Qaïda en Irak était « méchante » et la force d’occupation étasunienne qui « sauvait les pauvres Irakiens » était « bonne ». Mais tout cela n’était que mensonge, c’était simplement l’histoire « intéressante » que l’armée étasunienne voulait que les médias racontent. Elle a fabriqué cette histoire pour cacher la vérité, à savoir que les vrais Irakiens se soulevaient contre l’occupation, de quelque côté qu’il soit.

L’armée étasunienne a versé plus de 540 millions de dollars à la firme de relations publiques britannique, Bell Pottinger, pour fabriquer les horribles vidéos d’Al-Qaïda :

Les vidéos fabriquées par Bell Pottinger incluaient de courts extraits télévisuels réalisés dans le style des médias arabes et de fausses vidéos des insurgés qui pouvaient être utilisées pour poursuivre les gens qui les regardaient, selon un ancien employé.

Le personnel de l’agence travaillait avec des officiers étasuniens haut gradés dans leur base du Camp de la victoire à Bagdad, pendant que l’insurrection faisait rage à l’extérieur.

Pour 540 millions de dollars, on pourrait tourner deux films primés aux Oscars dans la série des films les plus chers. C’est une énorme quantité d’argent, assez pour des milliers de clips à petit budget des « terroristes d’al-Qaïda ». Dans la guerre d’Irak ces clips ont créé le nouveau « méchant » de la guerre et l’histoire « intéressante » qu’il fallait raconter pour que l’occupation militaire soit vue comme « bonne » et puisse se poursuivre en tout bien tout honneur.

Les gouvernements « occidentaux » ont versé plus de 70 millions de dollars aux « Casques blancs », la fausse « Défense civile syrienne » créée par la firme de relation publique Purpose Inc. de New York, pour faire et pour diffuser des photos et des films qui désignent l’insurrection islamique en Syrie comme « bonne » et le gouvernement syrien et ses alliés comme « méchant » (des milliards (!) supplémentaires sont consacrés chaque année à l’approvisionnement en armes des mercenaires du camp djihadiste et à leurs salaires).

Les médias « occidentaux » comprennent ce que veulent les « intérêts ». Ils avalent ce que produisent les firmes de relations publiques, le digèrent et le recrachent au consommateur. L’« indignation » suscitée par les « intéressantes » histoires quotidiennes est ensuite utilisé par les « intérêts » pour faire avancer leurs objectifs.

Voici quelques exemples récents de ces manipulations trouvées dans le menu quotidien proposé par les médias au public « occidental ».

Lousie Loveluck, une « journaliste du Washington Post, envoit de la propagande sur les « djihadistes modérés » depuis Alep-est : Le bombardement d’Alep détruit encore un important hôpital.

Le plus grand hôpital d’Alep-est a été bombardé samedi pour la deuxième fois de la semaine, tuant et blessant plus d’une douzaine de patients qui se remettaient des attaques précédentes.

Les médecins de l’établissement, connus sous le nom de M10, ont déclaré que l’assaut incluait des bombes à sous-munitions, des bombes baril et des armes incendiaires qui ont provoqué une grande panique et des appels à l’aide.

Elle tweete :

Louisa Loveluck @leloveluck

L’attaque sur le principal hôpital de traumatologie d’Alep a tué 2 patients, blessé 13. 7 frappes, incluant des bombes à sous-munitions, des bombes baril, des bombes incendiaires et à vide.

08:38 - 1 octobre 2016

Il semble que les médecins (probablement tous les pédiatres, dont certains sont «  les derniers » et d’autres sont morts) soient les seules sources de Loveluck à Alep.

Sept attaques avec des armes à sous-munitions, des bombes à canon, des armes incendiaires et des bombes à vide, tout cela ensemble (note : et pas encore d’armes nucléaires ?) « SUR » un hôpital soi-disant plein et seulement deux morts ??? Et iI y a encore un bâtiment debout ??? C’est un peu curieux. Poutine et Assad sont vraiment nuls en frappes aériennes. Ou peut-être que l’hôpital n’a pas été ciblé du tout. Peut-être que la véritable cible était une position d’artillerie ou des quartiers généraux des djihadistes. Mme Loveluck ne montre aucun désir d’en savoir plus. Les médecins, payés par l’organisation américaine de relations publiques SAMS Foundation, sont tout ce dont elle a besoin. Les « bons », les « méchants », l’histoire « intéressante », tout est déjà là, elle n’a plus qu’à s’en servir pour son « reportage ».

Le National de Dubaï dans les Emirats Arabes Unis (E.A.U.) est généralement un bon journal. Son récent article sur les coulisses de l’organe de propagande mensongère des « Casques blancs » est bien meilleur que ceux des médias grand public. Le reportage de Phil Sands sur le sud de la Syrie est excellent. Mais parfois, il doit faire son devoir en tant que bénéficiaire de subventions publiques et il se met à publier de « drôles » de trucs : Des passagers sauvés du bateau d’aide humanitaire émirati attaqué par des combattants rebelles au Yémen :

Des passagers civils d’un navire d’aide humanitaire des Emirats transportant des fournitures médicales et de première nécessité vers le Yémen ont été sauvés après que le navire a été attaqué par les milices Houthi.

Une opération de sauvetage a été lancée dans les premières heures de samedi après qu’un navire civil appartenant à National Marine Dredging Company des EAU a été intercepté dans le détroit de Bab Al-Mandeb alors qu’il livrait du matériel d’urgence à Aden.

Le « navire d’aide humanitaire » était le catamaran d’approvisionnement militaire rapide HSV-2 Swift. Il fait des allers et retours entre le port érythréen d’Assab et Aden, dans le sud-Yémen, pour transporter des militaires et mercenaires des E.A.U., ainsi que leurs armes lourdes. L’année dernière, Janes a analysé des images satellites du port d’Assam :

L’Image du 7 novembre montre aussi que le catamaran roulier à grande vitesse Swift 1 (IMO : 9283928) était également présent sur les lieux.

(Janes se trompe de nom. Le numéro IMO est celui du HSV-2 Swift que les Emirats Arabes Unis ont loué.)

Le mois dernier, War on the Rocks s’est penché, de manière plus approfondie, sur la guerre des Emirats Arabes Unis contre le Yémen et dont le port d’Assab, loué à l’Erythrée, est la base principale :

Au cours de la dernière année, ce port en plein désert est devenu une base aérienne moderne avec un port en eau profonde et un centre de formation militaire.
...
La construction d’un aérodrome à Assab s’est terminée fin juillet 2015, ainsi que la base qui sert de zone de soutien logistique et de plaque tournante aux forces blindées, de la taille d’une brigade des E.A.U., qui serviraient de fer de lance à l’attaque d’Aden. Elles étaient composées de deux escadrons de chars de combat Leclerc, un bataillon de véhicules de combat d’infanterie BMP-3 et deux batteries d’obusiers G6. Les E.A.U. ont également envoyé par mer une force de 1500 hommes – des soldats yéménites, montés dans des véhicules blindés fournis par les E.A.U., qui ont été formés et équipés à Assab.

Le navire, qui était évidemment un navire militaire, a été frappé pendant la nuit du 28 septembre. Les forces armées yéménites alliées aux Houthis ont lancé depuis la terre un missile anti-navire C-802 chinois. Les médias Houthi ont publié une excellente vidéo de ce lancement réussi. Le navire, à la vaste et puissante coque d’aluminium, s’est enflammé d’un seul coup. L’« aide humanitaire » et les nombreux « passagers civils » n’ont probablement pas survécu.

Aujourd’hui, les militaires des E.A.U., dirigés par le général australien, Mike Hindmarsh, et ses hommes, ont bombardé les bateaux de pêche yéménites le long de la côte occidentale du Yémen. Les bateaux de pêche, l’une des rares sources d’approvisionnement alimentaire qui reste au Yémen, n’ont rien à voir avec le succès de l’attaque. Le C-802 a été lancé et guidé par radar depuis la terre. Mais aucun média dominant « occidental » ne vous le dira. Les « bons » et les « méchants » dans cette guerre ne sont pas ceux qui leur conviennent. Ils aimeraient peut-être nous parler des « bons » Yéménites opprimés et des « méchants » Saoudiens, mais ils n’en ont pas le droit. Il manque à l’histoire son aspect « intéressant ». Le National tente de promouvoir les « intérêts » de ceux qui le subventionnent, mais il rate son coup.

On trouve un autre exemple de reportage très partial sur les « bons » et les « méchants », pour ne pas parler carrément de mensonge, dans l’Independent d’aujourd’hui : La nageuse syrienne et son frère 12 ans tués par les bombardements à Alep

L’étudiante et sportive, Mireille Hindoyan, a été grièvement blessée, et est décédée plus tard, après que des bombes sont tombées sur le quartier de Villi.

« Des bombes sont tombées », écrit l’Independent. Nulle part dans l’article on ne nous dit qui a fait « tomber les bombes » et tué la nageuse. Mais les lecteurs savent bien que seules les forces syriennes et russes sont en capacité de bombarder Alep.

Villi est le quartier arménien d’Alep. Voici ce que les médias arméniens ont écrit :

ALEP. - Trois Arméniens ont été tués à la suite du bombardement du quartier arménien densément peuplé de Villi à Alep, en Syrie.
..
Les terroristes bombardent le district de Villi, densément peuplée d’Arméniens [..], à Alep, depuis vendredi matin.

Le district de Villi se trouve dans la partie occidentale d’Alep tenue par le gouvernement. La nageuse a été tuée par les bombardements des djihadistes d’Alep-est soutenus par les Etats-Unis. Mais ce n’est pas l’Independent qui vous le dira. Il insinue que les « méchants » Assad et Poutine ont tué la nageuse. Le fait que les « bons » djihadistes tuent des civils du camp du gouvernement n’est pas une histoire « intéressante ». On n’a pas le droit de le dire. À moins qu’ils ne soient des nageurs primés, ces morts-là, pourtant quotidiens, n’existent pas.

Début 2011, on trouvait des rapports similaires, concernant la Libye, partout dans les médias « occidentaux ». Dans son discours, Kadhafi menace de déclencher un « génocide » en Libye a été un des gros titres décisifs. Khadhafi n’a bien sûr jamais proféré de telles menaces. Il a seulement promis de vaincre la sanglante insurrection armée menée par le Groupe islamique combattant libyen, aligné sur les djihadistes d’Al-Qaïda financés par le Qatar. Ils ont occupé Benghazi, supprimé ses habitants et menacé l’Etat libyen. Mais la fausse information et l’indignation « occidentale » qu’elle a suscitée a servi de base à une attaque à grande échelle de l’OTAN qui a ensuite détruit la nation libyenne. Une enquête du parlement britannique confirme maintenant qu’il n’y a jamais eu de menace contre des civils par Kadhafi et que toutes les assertions des médias et des politiciens « occidentaux » étaient fausses et sans fondement. À l’époque, c’était une histoire « intéressante », racontée par les « intérêts » dirigeants, et un mensonge absolu.

L’histoire « intéressante » du génocide de Kadhafi ne s’est bien vendue qu’au public « occidental » parce que les médias ont joué le jeu des bellicistes. Ils ont décrit le gouvernement libyen comme « méchant » et les djihadistes comme « bons ». Une véritable enquête médiatique aurait mis à jour sans difficulté des faits prouvant le contraire. Mais les « reporters » s’en sont bien gardés. Rien n’a pas changé, comme on peut le constater avec la Syrie. Tout ce qu’affirme la « bonne » opposition est considéré comme la vérité et relayé sans aucune vérification. Les attaques des « bons » djihadistes contre le camp du gouvernement, perçu comme le « méchant », ne sont pas « intéressantes », et soit ne sont pas rapportés, soit le sont de manière biaisée.

Dans la guerre contre le Yémen les médias sont dans le camp des attaquants émiratis et saoudiens soutenus par les Américains. On peut seulement trouver quelques infos sur la famine qui sévit dans le nord du Yémen à cause du blocus américano-saoudien de toutes les importations vitales pour le pays. Bien que ce soit vraiment une histoire intéressante mettant en jeu des intérêts humains vitaux qui pourrait engendrer un débat public, on n’en fait pas une histoire « intéressante ». De même, les bombardements saoudiens et émiratis qui terrorisent, au quotidien, la population de la capitale yéménite Sanaa ne trouvent pas d’écho dans les journaux « occidentaux ». L’attaque Houthi réussie contre le navire militaire sera vendue comme du « terrorisme » pour justifier une nouvelle escalade de la guerre.

Tout cela n’est qu’une affaire d’« intérêts ». Pas seulement les « intérêts étasuniens » en général, ou les « intérêts humains » idéalisés, mais des intérêts beaucoup plus spécifiques. Amanda Taub et les autres « reporters » sont à la solde de ces « intérêts ». Le plus souvent, ils se mentent à eux-mêmes et s’imaginent qu’il en est autrement. Mais leurs illusions ne résistent pas à l’épreuve des faits.

Moon of Alabama

Note :

* limited company, une forme juridique d’entreprise anglo-saxonne.

Traduction : Dominique Muselet

»» http://www.moonofalabama.org/2016/1...
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Depuis 1974 en France, à l’époque du serpent monétaire européen, l’État - et c’est pareil dans les autres pays européens - s’est interdit à lui-même d’emprunter auprès de sa banque centrale et il s’est donc lui-même privé de la création monétaire. Donc, l’État (c’est-à -dire nous tous !) s’oblige à emprunter auprès d’acteurs privés, à qui il doit donc payer des intérêts, et cela rend évidemment tout beaucoup plus cher.

On ne l’a dit pas clairement : on a dit qu’il y avait désormais interdiction d’emprunter à la Banque centrale, ce qui n’est pas honnête, pas clair, et ne permet pas aux gens de comprendre. Si l’article 104, disait « Les États ne peuvent plus créer la monnaie, maintenant ils doivent l’emprunter auprès des acteurs privés en leur payant un intérêt ruineux qui rend tous les investissements publics hors de prix mais qui fait aussi le grand bonheur des riches rentiers », il y aurait eu une révolution.

Ce hold-up scandaleux coûte à la France environ 80 milliards par an et nous ruine année après année. Ce sujet devrait être au coeur de tout. Au lieu de cela, personne n’en parle.

Etienne Chouard

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