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Elections en Bolivie : « Le peuple décidera » Evo Morales Ayma , par Gérard Devienne.




Evo Morales Ayma, candidat du Mouvement au socialisme, nous expose les mesures qu’il prendra, s’il est élu président.


L’ Humanité, 17 décembre 2005.


Les sondages prévoient que vous pouvez être élu, mais sans obtenir la majorité au Parlement ni dans les préfectures. Quelles alliances envisagez-vous ?

Evo Morales. Premièrement je ne crois pas aux sondages. En 1997, quand le MAS est apparu pour la première fois, on lui accordait 1 % ; or nous avons atteint 3,8 % ; en 2002, on nous créditait de 6 à 8 % et nous avons obtenu 21 %. Aujourd’hui, on nous crédite de 35 %. Je crois que nous réservons une grande surprise. Pour en finir avec les accords de palais, les manoeuvres, nous devons gagner avec plus de 50 %. Le mensonge, le secret ne font pas partie de notre culture. Le vote du peuple ne se négocie pas. Et il n’y a rien à négocier avant le 18 décembre. Que ceux qui partagent nos idées et veulent se joindre à nous, viennent ; ils sont les bienvenus.


La question de la nationalisation des hydrocarbures est devenue une question politique majeure. Que ferez-vous en cas de victoire ?

Evo Morales. Cette idée a surgi du peuple même. La Bolivie est depuis cinq cents ans pillée de ses richesses. La terre, notre Pacha Mama, est généreuse : la Bolivie, malgré le pillage, est encore riche et les ressources appartiennent au peuple qui doit pouvoir exercer son droit de propriété. Nous annulerons les lois qui ont livré les hydrocarbures aux multinationales, car elles sont illégales, n’ayant pas été approuvées par le Parlement. Ces lois stipulent que le gaz cesse d’être bolivien lorsqu’il arrive à la bouche du puits ; les groupes qui l’exploitent peuvent en jouir à leur gré. Cela va cesser. Nous avons besoin d’investissements, aussi redéfinirons-nous les contrats avec des partenaires, non plus des propriétaires. En matière économique nous prônons la diversité de l’entreprise. Et nous devons industrialiser les ressources naturelles pour soutenir le développement.


Que ferez-vous si les firmes étrangères en appellent aux tribunaux internationaux ?

Evo Morales. Ces entreprises ont pillé, n’ont pas payé leurs impôts, ne se sont pas préoccupées du peuple, ni du pays. Quelle légalité, quelle autorité morale possèdent-elles ?


Dans la presse, votre nom apparaît accompagné de qualificatifs comme : « narco-dirigeant » voire « narco-trafiquant ». En quoi cela vous affecte-t-il ?

Evo Morales. Cela fait partie de la guerre sale que me livre par exemple Tuto Quiroga, avec lequel j’ai refusé de débattre tant qu’il ne retirerait pas ses insultes d’« assassin » de « narco-traficant ». Durant sa courte présidence, il a fait assassiner nos camarades cocaleros du Chapare. Concernant la culture de la coca, je suis fier de dire que nous devons à la coca nos luttes pour la terre, la dignité, l’existence du MAS qui est un instrument politique pour le peuple. Quant au narcotrafic, que brandissent les États-Unis, prétexte pour prendre pied en Bolivie, nous remarquons que des millions de dollars qu’il génère pas un dollar ne va dans la poche du cultivateur, mais dans celle des politiciens corrompus. Nous sommes entièrement d’accord pour une lutte effective contre le narcotrafic.


Quelles sont et seront vos relations avec vos voisins, certains vous reprochant vos amitiés avec Fidel Castro et Hugo Chávez ?

Evo Morales. A Cuba, comme au Venezuela, les services sociaux de base sont à la charge de l’État. Toute privatisation de ces services est un viol aux droits des citoyens. Comme le bradage des ressources naturelles. Je pense que nous devons renforcer le Mercosur et toute forme de coopération. Dans ce cadre, nous discuterons avec Lula pour que Petrobras rende les raffineries de Santa Cruz qui lui ont été livrées. Dans le cadre d’une unité sud-américaine, nous pourrons fixer le prix des matières premières. Nous devons partager les expériences de luttes des différents peuples et apprendre de chacun. Je pense également que nous devons aller vers une monnaie commune. Tout cela dans le respect de la composante indigène du continent, véritable propriétaire de la terre.


Comment pensez-vous régler l’antagonisme entre les populations indigènes, majoritairement situées dans l’Altiplano, les hauts plateaux occidentaux et la population blanche de la zone orientale ?

Evo Morales. Cet antagonisme supposé est aiguisé par ceux qui veulent, sous couvert d’autonomie, préserver leurs privilèges. Gaz, pétrole et autres ressources appartiennent au peuple et doivent participer au développement de tous. Nous sommes différents sur le plan physique et économique, mais nos cultures indigènes n’excluent pas mais fédèrent tout au contraire. Notre culture est de réciprocité et de solidarité. Quand nous serons élus, il n’y aura aucune vengeance ou mesquinerie de notre part. Le peuple décidera, c’est pourquoi nous avons proposé la convocation d’une assemblée constituante pour une réforme constitutionnelle.

Entretien réalisé par Gérard Devienne



La misère de l’Altiplano. Bolivie.


Ce pays, le plus pauvre d’Amérique du Sud, vote ce dimanche pour la présidentielle et les législatives. Evo Morales, indien, pourrait être élu.


Rues et places de La Paz, d’El Alto, sont un immense marché « indigène, pittoresque, haut en couleur et costumes traditionnels », comme disent les guides touristiques. Ils sont un million et demi dans l’ensemble du pays à occuper leur modeste poste de vente, proposant tout et n’importe quoi.

Quel choix aura été le leur ? Visage et mains polis par le soleil tropical et les vents pauvres en oxygène, Julio Patiño, secrétaire de la Fédération des « gremiales » de La Paz, qui regroupe 50 000 vendeurs et artisans, tranche : « La misère : la majorité sont des paysans de l’Altiplano, les hauts plateaux, chassés par la faim et l’existence implacable du latifundia qui les prive de la terre ; d’autres sont des mineurs et des ouvriers licenciés. » « Être gremial, précise-t-il, offre la dernière possibilité de ne pas sombrer dans la délinquance, la prostitution, le crime. » Si en Occident, commerce est synonyme de prospérité, en Bolivie, il n’en est rien. « Notre poste de vente, continue Julio Patiño, nous permet tout juste de nourrir la famille, et nous devons nous battre contre les augmentations d’impôts. » Les gremiales ont rejoint les grandes luttes sociales depuis 2003, aux côtés de la Centrale ouvrière bolivienne (COB) dont ils se sentent proches, tout en menant leurs luttes propres. « Devant l’absence de réponse des pouvoirs publics, nous envisageons une mesure extrême, conclut le secrétaire d’un des quatre syndicats de gremiales : la grève de la faim massive. »

Marisol Mamani, dans ses atours traditionnels, jupons de couleur superposés, chapeau de feutre incliné sur le côté, propose des « spécialités culinaires » à El Alto. Elle décrit sa ville, elle qui naquit à la campagne, « El Alto qui n’existait pas il y a trente ans et qui comptera bientôt autant d’habitants que La Paz ». Les grandes révoltes populaires de 2003 ont éclaté ici. « Nous avons payé le plus lourd tribut à la répression. L’armée a tiré au canon : 59 des 83 compagnons assassinés étaient d’El Alto », se souvient-elle. « Le coeur du mouvement populaire se trouve ici, dans les "juntas vecinales", les associations d’habitants, précise-t-elle. La ville est jeune et ses habitants sont jeunes en majorité. Ils poursuivent les luttes de leurs pères mineurs ou paysans, avec en plus ce sentiment d’immense injustice. Eux ne se laissent pas tromper par les beaux discours et, en plus, ils sont davantage ouverts », conclut-elle.

Dans un des sièges des juntas (la ville est divisée en sept secteurs), les conversations s’alimentent du thème des élections. Certains voteront pour Evo, quelques autres pour Felipe (Quispe), un parle de s’abstenir. Tous sont unanimes pour affirmer « que quel que soit le président, s’il ne réalise pas le souhait du peuple, en premier lieu la nationalisation des hydrocarbures et l’expropriation des multinationales, il devra affronter la colère du peuple ». « Nous avons acquis une formidable expérience de lutte, sourit un jeune. Nous savons creuser des tranchées pour empêcher les chars de passer, nous savons organiser la répartition de vivres et d’informations, et depuis El Alto nous dominons La Paz et contrôlons les routes et l’aéroport. » Son voisin, jeune comme lui (ils doivent avoir moins de vingt ans), ajoute : « J’ai une confiance limitée en Evo ; il peut faire le coup de Gutierrez en Équateur ou du Cholo [le métis] Toledo au Pérou : se faire élire par les indigènes et ensuite gouverner pour les Blancs riches. » « Nous devons voter pour lui, reprend une mère de famille, il n’y a pas d’alternative, mais ensuite nous devrons maintenir la pression sur son gouvernement, vu que les Yankees vont y mettre la patte. »


Dix jours avant les élections un « sommet » a réuni à El Alto, les juntas, la COB, le Parti communiste, le mouvement indigène Pachakutik de Felipe Quispe et des dizaines d’organisations sociales et paysannes. Carlos Carvajal Nava du PCB énumère les limites et objectifs du sommet. « Le mouvement originel a évolué, d’une vision indigène, quasi raciste, vers une conscience nationale, comme le démontre le thème du gaz, analyse le dirigeant communiste. Les affrontements au sein des partis et de la COB, affaiblissent le mouvement. Mais la gauche reste forte en Bolivie. Il convient de donner à cette force une base idéologique et une direction politique », conclut-il.

Dans les rues de La Paz et El Alto, les affiches des candidats rappeleant l’importance d’un scrutin que l’on peut qualifier d’historique, sans crainte de galvauder le vocable

Gérard Devienne, correspondance particulière.


 Source : www.humanite.presse.fr


( Le Président colombien Uribe dénonce un complot contre Chavez et Cuba accueille des négociations de paix entre l’ELN et le gouvernement colombien, 18 décembre 2005. )


La Bolivie livre ses missiles aux États-Unis.


Bolivie, 18 décembre : Evo Morales premier Président Indien ? L’Amérique Latine dit "No mas", par Jason Miller.


Des élections qui peuvent transformer le pays.<BR>
Puissant et fragmenté, le mouvement social bolivien, par Maurice Lemoine.<BR>
http://www.monde-diplomatique.fr/2005/11/LEMOINE/12895

Une nouvelle vague révolutionnaire traverse la Bolivie, par Jorge Martin + chronologie de la crise bolivienne.


Telesur, la chaine latino americaine en direct sur internet.<BR>
www.arcoiris.tv

Indy Bolivie : <BR>http://bolivia.indymedia.org

La Bolivie sur RISAL : <BR> http://risal.collectifs.net/rubrique.php3?id_rubrique=12





 Dessin : Nous changeons aujourd’hui le destin des humiliés, Allan McDonald.


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