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L’opération « Christmas »

 

Chapitre 1 : la mise en place 

Ce soir-là, en 2039, toute ma famille et moi, vers 10 heures, attendions fébrilement la nuit de Noël... et les cadeaux. Avec le réchauffement climatique, il ne pleuvait plus dans les villages le long du Fleuve Saint-Laurent. Mais un plan mondial avait été établi pour stabiliser le système économique mal en point et recréer une véritable atmosphère de fêtes. Dû à l’absence de neige, des avions Dseries de Bombardier avaient été envoyés à l’aéroport de Rivière-du-Loup, tous étaient équipés de canons à neige pour bombarder tous les villages le long du Fleuve Saint Laurent. Un père Noël robotisé Made in MexiChina parcourait la ville pour livrer les cadeaux. Des haut-parleurs crépitaient des messages de paix et de joie en des HO ! OH ! joviaux dans un vacarme quasi assourdissant. Huit modèles tous gréés de rennes intelligents et souriants s’arrêtaient aux maisons.

La magie totale... Les enfants étaient émerveillés. Les adultes également, je dois l’avouer...

***

Marie-Sarah, avec ses grands yeux bleus, attendait le père Noël avec le cadeau que nous lui avions promis : un mini laboratoire d’apprentissage de la chimie. Elle n’avait que 14 ans, mais l’État, de par sa panoplie de tests, l’avait déjà désignée comme une candidate aux changements à venir concernant le climat de la planète. Coraçon, issu de mon deuxième mariage, devait recevoir en cadeau un job dans une usine cybernétique de Californie où s’effectuaient des recherches pour créer un robot unique qui allait réglementer le Nouvel Ordre Mondial II vers les années 2050.

Comme ce fut le cas dans les années 1930, 40 et 50 au Québec, chaque famille devait fournir aux dirigeants du Vatican un prêtre, une religieuse, un missionnaire pour transmettre la "parole de dieu" et convertir les païens sur toute la surface de la Terre, en ces temps d’hyper matérialisme, chaque famille devait fournir un économiste, un administrateur, un gérant, un intendant, ou un gestionnaire peu importe. Fallah était le désigné. Bien qu’il adorait écrire des poèmes et des livres dits d’amusement, il s’était présenté en candidat volontaire pour l’opération Christmas. C’était là une obligation à laquelle personne ne pouvait se soustraire sous peine d’emprisonnement. Dû aux difficultés financières des États, les prisons n’existaient plus : On avait trouvé le moyen de financer le système carcéral en congelant les condamnés dans une filière métallique en attendant qu’ils meurent ou qu’ils se réveillent au bout de 10 ans , selon leur sentence. Donc, ni nourriture, ni gardiens, mais par un système entièrement automatisé.

***

La crise économique s’était accentuée, mais cette fois pour une survie planétaire on travaillait depuis six ans à l’opération Christmas. Cette opération en provenance du G69 stipulait que chaque famille devait dépenser 2,500 $ pour acheter des cadeaux. En fait quelque chose de matériel pour faire rouler les usines. Mais cet "apport" à l’opération était établi selon les revenus de chacun. La base étant de 839$. Le projet avait été nommé:REMF. La Reprise Économique Mondiale Finale. Chacun d’entre nous avait un job consistant à surveiller des robots. Même les restaurants étaient équipés de cuisiniers robots, de caissières et de serveuses qui quelquefois défaillaient. Certains travailleurs devaient alors remplacer le robot tout en s’excusant du service. Un robot baptisé EX pour excuses. Pour ceux qui travaillaient dans les usines, un système de cryptage avait été établi pour ne pas trouver les sources des matières premières. Apparut alors une nouvelle génération de complotistes qui voulaient prouver que certains pays étaient carrément disparus de la carte et que toute information sur leur situation avait été fabriquée par quelques États encore en "action". Le matin, on pouvait se réveiller et se faire dire que 6 millions d’habitants d’une ville n’existaient plus parce qu’on avait trouvé en dessous suffisamment de minerais pour les 20 années à venir et qu’on avait déplacé les populations par nécessité. Les "déplacements" de populations étaient maintenant si nombreux que personne ne les filmaient.

Noël-là fut de toute beauté. Nous avons eu droit à un spectacle étonnant : des milliers de sapins de Noël, tout illuminés et scintillants, traversaient le ciel, se mêlant aux étoiles. La foule rassemblée au Parc Ernest-Ouellet était fascinée. Un DJ avait fait un montage de centaines de chansons dont les notes multicolores flottaient dans l’espace sur ne portée lumineuse. Tout cela entremêlés à des visages projetés en trois dimensions de chanteurs et de musiciens qui avaient marqué l’art musical sous toutes ses formes. Entre autres John Lennon, que l’on avait ressuscité. Et ce n’est pas une image : il y avait des John Lennon partout qui vous serrait la main et vous parlait avec son accent scouse de Liverpool. Tous les messages de paix et d’amour avaient en quelque sorte été récupérés. On trouva même un Bill Gates, lui aussi ressuscité, qui donnait de l’argent ici et là en guise de cadeaux.

De larges banderoles flottaient dans le ciel :

THIS WORLD IS YOURS

THIS COUNTRY IS YOURS

OPERATION CHRISTMAS WILL DESTROY THE POVERTY

Nous avions des larmes aux yeux. Et chacun se présentait devant le micro pour chanter, et quand il chantait faux, un programme réglait automatiquement la note. Et parfois, il /elle la rendait vibrante et chaude au point que certains, qui n’avaient jamais chanté de leur vie pleuraient de joie en trouvant en eux un talent factice mais troublant : les robots avaient enfin pu reproduire de profondes émotions.

Puis quand vint l’heure du repas, nous avions l’obligation d’avaler dix comprimés anticancer, vendus au coût de 1$ par la firme Phaizer et ses représentants en blouse blanche. Tous des robots. Certains étaient tellement sophistiqués qu’on leur listait nos symptômes et le robot, transmettant ceux-ci en temps réel à une énorme usine mobile qui fabriquait un médicament sur mesure. Plus tard, plusieurs se rendirent compte que le médicament était une formule unique sous diverses appellations et formats.

***

Cela se passa le 24 décembre 2039 dans la petite ville nommée Cruciville, au nord de la province de Québec, là où plusieurs avaient déménagé pour quitter les chaleurs insupportables des étés du long Fleuve Saint-Laurent. Le lendemain, nous avions l’intention d’aller piqueniquer au parc. Nous étions choyés. Il restait encore des lacs quasiment en eaux pures que tentaient de rejoindre certains groupes de "survivalistes."

Pendant les décennies suivant le célèbre COP21 Montréal s’était étendu vers Québec et l’Ontario, avec ses 22 millions d’habitants sans capacité de respecter les règles élémentaires d’hygiène. De sorte que le Fleuve Saint-Laurent, là où étaient entrés Cartier et Frontenac, était depuis longtemps déclaré zone sinistrée. Des poissons échappés des bateaux en provenance de l’Asie avaient infesté le fleuve de créatures bizarroïdes qui se multipliaient à un rythme alarmant, l’eau s’étant réchauffée. De plus, ces poissons n’étaient pas comestibles tant la pollution les avaient affectés. Mais plusieurs, tenaillés par la faim, capturaient de ces créatures parfois difformes, sans autres alternatives.

Mais l’exubérance et l’espoir qui nous envahissaient t était d’en finir cette ère d’austérité qui régnait depuis près de 30 ans. Jamais opération d’une telle envergure n’avait eu lieu. Il était temps...

Chapitre 2 : l’accalmie

Le GMP ( Gouvernement Mondial Planétaire) avait inclus dans son plan la fermeture des bourses et annoncé un congé d’une semaine, que l’on nomma en rappel au film des années 50, " Le jour où la Terre s’arrêta". Ont voulu désarmer l’arme la plus fatale de l’histoire de l’humanité : l’économie parallèle qui avait détruit presque tous les pays à commencer par la Grèce, cette "première réussite" d’une oligarchie mafieuse invisible.

Durant la période du 26 décembre au premier janvier, jour de la réouverture des marchés, le climat de repos fut l’un des plus surprenants de l’histoire : personne ne travaillait, personne ne se levait au son d’un cadran le matin, et les gens, souriants, vivaient enfin une période de tranquillité qui tranchait avec ce rythme effarant des années précédant l’opération Christmas.

Le 6 janvier au matin, toutefois, le réveil fut plus que brutal : pour se renflouer, les banques saisirent 80 % des demeures et des commerces et toutes les PME furent englouties dans quelques compagnies sans provenance traçables . Ce fut le commencement du plus grand spectacle jamais vu sur Terre. Pendant une semaine on tenta de comprendre ce qui c’était passé et, à force de recoller les morceaux, on se rendit compte que la planète avait sans douté été la victime de la plus puissante et dernière fraude "globalisée" : Les milliers de milliards de dollars amassés disparurent des comptes des pays, des banques nouvellement formées. Les auteurs de l’opération disparurent.

Là où les populations étaient denses, le prix du litre d’eau grimpa . On tria alors les qualités de l’eau en trois "formats" :

L’eau pure  ( sans plomb, 1.49$ le litre )

L’eau potable ( traitée, mais supposément sans danger : 1.39$ le litre).

L’eau LN ( L’ Eau Nocive, servant aux lavages et douches vaporisantes : 99 cents le litre)

On découvrit plus tard que cette une arnaque sans précédent, longuement préparée, avait acheté la majeure partie de la Sibérie et le lac Baïkal, la plus énorme réserve d’eau douce de la planète que l’on qualifiait de "Perle de Sibérie". Toux ceux qui y habitaient furent déplacés plus au sud par des armées de robots sans pitié. Des centaines de millions d’humains migrèrent ainsi à la recherche de nourriture et d’eau. Dans des climats insupportables, des marées d’humains périrent. Certains eurent l’idée de creuser la terre et d’y créer des habitats avec ce qui restait des réserves d’eau souterraine, hors de la lumière du jour, comme des rats.

Ma famille et moi avons simplement migré à quelques centaines de kilomètres, au nord du Canada, là où j’allais chasser, là où il y avait de l’eau, dans une forêt encore vierge qui, curieusement, s’était de nouveau peuplée d’animaux migrants.

J’ai su, quelques années plus tard, que les hommes du Sud avaient entrepris une guerre avec les armes abandonnées par les dirigeants du GMP. Je n’ai rien su de leurs réussites, mais je savais qu’au sein même de ce GMP s’ourdissaient des complots, des conflits internes qui feraient en sorte qu’en 30 ans, voire moins, leur "système" allait probablement s’effondrer.

Il avaient créé le chaos, car ils étaient les acteurs du chaos.

Nous avons alors compris que pendant des millénaires, par diverses classes dirigeantes , leurs "jouets" c’étaient nous...

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Gaëtan Pelletier

 

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